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  • Saltarello - Matthieu Dhennin

    9782742787654FS.gifNicolas Oresme est mort. Alix de Rougement, un de ses élèves porte son cercueil et se rend compte qu’il est trop léger pour contenir le corp. Dès lors, sa vie sera consacrée à découvrir ce qu’il est arrivé à son maître.

    Caro[line] était tellement enthousiaste. Et puis c’est chez Actes Sud. Et puis… De bonnes raisons en bonnes raisons, j’ai ouvert en toute vergogne le Saltarello de Matthieu Dhennin, me préparant à plonger avec délice dans un de mes univers préférés, le Moyen-âge. Que voulez-vous, entre deux vaisseaux spatio-temporels, quelques sorciers et autres histoires, je parviens encore à caser quelques obsessions et celle que je nourris pour la guerre de Cent Ans et plus globalement pour cette époque merveilleuse qu’est le Moyen-Âge n’est pas récente.

    En fait de délice, c’est une légère déception dont je vais ici me faire l’écho. Non pas que Saltarello soit un mauvais roman, loin de là. C’est même dans sa catégorie un texte ambitieux, original, au fond exigeant. Matthieu Dhennin réussit à plonger son lecteur dans le Paris du 14e siècle avec talent et déploie toute une galerie de personnages et d’événements qui permettent de se rendre compte à quel point cette période a été foisonnante et importante, loin, très loin de l’image trop souvent répandue d’âge sombre et barbare. On y discutait science, art, médecine, politique, cuisine avec verve et passion malgré le frein que pouvait représenter l’Eglise. On rencontre Nicolas Oresme et sa fascination pour la musique et l’harmonie, on croise Taillenvent le cuisinier des puissants, auteur du premier livre de cuisine, Nicolas Flamel qui avant d’être connu comme alchimiste était surtout un libraire tenant atelier de copie, Christine de Pizan, bref, au fil des pages, défilent des noms connus ou pour le moins familiers à qui l’auteur donne une épaisseur différente de celle que leur octroient les livres d’histoire. On redécouvre aussi les lieux avec plaisir : Saint-Germain-des-Prés et les villages devenus aujourd’hui des quartiers de Paris, le château de Vincennes en construction, l’île Saint-Louis en friche, les ponts, les Halles et tout le petit monde qui s’y croise et s’y bouscule.

    Pour tout cela, chapeau monsieur Dhennin.

    Malheureusement, la construction du roman ne m’a pas convaincue du tout, ou du moins, m’a rendue la lecture trop pénible pour que je puisse réellement apprécié la richesse du récit et des personnages. Le fait de basculer d’époques en époques m’a parfois agaçée et perdue et la conclusion de l’intrigue m’a semblée du coup trop rapide, d’autant que finalement, l’enquête de Rougemont sur la mort d’Oresme se révèle être quasi accessoire, l’alchimie prenant une place de plus en plus importante. J’ai eu un peu de mal à faire le lien ente les deux, voire eu l’impression qu’Oresme était totalement oublié pour mettre l’accent sur la naïveté et l’idiotie de Rougemont. On a un peu le sentiment d’un fourre-tout où un meurtre côtoie des messes noires et des pratiques magiques diverses et variées sans guère de cohérence. Pour le reste, la tendance à transcrire les tics de langages et accents m’a beaucoup gênée.

    Mais je pinaille car malgré mes bémols tout personnes, c’est un roman à découvrir, ne serait-ce que pour la manière dont il rend le 14e siècle français intensément vivant et présent !

    Tout est de la faute de Caro[line], mais Uncoindeblog, Yueyin, Pimpi, Ys et bien d'autres en parlent aussi...

     

    Dhennin, Matthieu, Saltarello, Actes Sud, 2009, 3/5




  • Les monstres de Templeton - Lauren Groff

    9782264049841FS.gifAlors que Willie Upton rentre dans sa bonne ville natale de Templeton pour panser ses plaies après une déception amoureuse en forme de cataclysme, le cadavre d’une étrange créature émerge à la surface du lac déclenchant une tempête médiatique. Mais ce n’est rien face aux bouleversements familiaux que va vivre Willie en quelques jours : sa mère Vi, ancienne hippie, se décide à lui révéler qu’elle n’est pas le fruit d’amours libres dans le San Francisco des années 1970, mais l’enfant d’un homme de la ville dont elle refuse de donner le nom… Plutôt que de se morfondre sur son sort et la crevette qui a pris racine en elle, Wilile se décide de percer le secret de ses origines paternelles.

     

    Il y a des romans comme ça, dont vous savez dès la première page que vous allez les dévorer. J’ai rencontré Willie au détour d’une première page, un drôle de monstre un peu plus loin et j’étais embarquée dans une histoire un peu folle que je n’ai pas pu lâcher avant la dernière page. Lauren Groff ne révolutionne pas la littérature, mais elle offre un roman remarquable, à la fois drôle et émouvant, passionnant et superbement construit. A la vie de Willie lancée dans ses recherches répondent les extraits de journaux intimes, les correspondances, les testaments, les romans, les journaux qu’elle découvre et qui dessinent par petits bouts l’histoire de sa famille et celle de sa ville puisque par sa mère et par ce père qu’elle ne connaît pas, Willie Upton est apparentée au fondateur de Templeton, Marmaduke Temple. Du coup, c’est non seulement une saga familiale avec ses fous, ses trahisons, ses drames et ses bonheurs qui se dévoile, mais aussi l’histoire d’une ville américaine des premiers pionniers à aujourd’hui. A la fois quête et enquête, la recherche de Willie met au jour les secrets cachés par des gens bien sous tout rapport, les relents fétides d’une réussite perçue comme fondatrice du rêve américain, les noirceurs d’une aristocratie nouvelle. On va d’arbre généalogique modifié en arbre généalogique complété au gré des découvertes de Willie, le tout agrémenté de portraits qui donnent corps aux voix qui se sont fait entendre et un petit air de réalisme au récit.

    C’est passionnant et servi par des personnages hauts en couleur, fascinants, plus complexes qu’ils n’apparaissent au premier abord, tous pourvus d'une petite bizarrerrie qui les rends proches. La bibliothécaire poussiéreuse et ses brownies, les joyeux joggueurs et leurs commérages, la jeunesse de Vi et ses amours religieuses... Dans la petite ville de Templeton, on a une sorte de creuset de toute la complexité des relations humaines, et ce à travers le temps. J'ai particulièrement apprécié la correspondance vénéneuse entre deux dames bien sous tout rapport que découvre Willie, les secrets soigneusement dissimulés pour éviter l'opprobre qu'elle découvre souvent par hasard. Ou que d'autres avant elle avaient soulevé au prix de leur carrière et d'une levée de bouclier. On ne touche pas impunément aux icônes du rêve américain... C’est souvent drôle malgré le tragique qui empreint le destin de la plupart des personnages.

    Et puis il y a cette petite touche de fantastique : le monstre du lac, le fantôme qui hante la maison de Upton… Des manifestations qui sont le symbole des secrets profondément enfouis qui modèlent les familles. A travers Willie qui cherche à découvrir son père, Lauren Groff parle de la filiation, des dissimulations, des mythes qui se construisent sur ce qui a été caché et n’attend que le hasard pour être révélé, du fait que les monstres ne sont pas toujours ce, ou ceux que l'on perçoit au premier abord comme tel.

    Roman à tiroirs, roman historique, roman humoristique, roman tragique, Les monstres de Templeton est un petit bijou qui me fait attendre avec impatience le nouvel opus de l’auteur dont c’était le premier roman.

    C'est Chimère qui m'a donné envie, mais Cuné en parle aussi, tout comme Cathulu, Manu,...


    ps: le trouve la couverture 10/18 absolument superbe!

    Groff, Lauren, Les monstres de Templeton, 10/18, 2010, 5/5




  • La couronne d'argent - Robert C. O'Brien

    02767.gif.jpgLe matin de son anniversaire, la première chose que voit Ellen est un drôle de cadeau : une couronne en argent qu’elle met immédiatement avant de partir se promener en attendant que le reste de la famille se réveille. A son retour, la maison a brûlé, sa famille aussi et le policier qui l’amenait au commissariat est tué par un bandit. Elle décide donc de partir chez sa tante Sarah à 600km de là, et de se débrouiller toute seule. Mais des gens étranges prétendent lui venir en aide, et rapidement, il lui semble être suivie…

    Il y a une longue, très longue histoire entre moi et ce roman jeunesse. Je l’ai découvert au CDI du collège que je fréquentais, l’ai emprunté et réemprunté, ai quitté le collège et l’ai redécouvert entre les mains de ma sœur quelques douze ans plus tard, avec à l’intérieur, la même fiche d’emprunt. Je l’avais regardé avec un sourire à l’époque et puis j’étais passé à autre chose. C’est tout récemment que j’ai eu l’occasion de le relire. J’étais, je dois bien l’avouer, un peu inquiète de ne pas y retrouver le même plaisir. J’avais tort. Je n’ai sans doute pas aimé pour les mêmes raisons, mais quel roman !

    Avant tout, La couronne d’argent est une merveilleuse aventure, pleine de rebondissements, de suspense. On suit avec intérêt la jeune Ellen dans ses aventures, on découvre avec plaisir les personnages hauts en couleur qu’elle rencontre au fil de son voyage, on tremble pour et avec elle.

    Mais au-delà de ça, La couronne d’argent est un roman étonnant : écrit en 1962, il met en scène une véritable petite héroïne, décidée, futée et déterminée à ne pas se laisser marcher sur les pieds par les garçons. Elle n’hésite pas à partir à l’aventure, se tire des mauvais pas avec ou sans aide. Elle sait qu’elle est une reine et va se comporter comme tel : avec courage, dignité, et la volonté de tenir sa place dans le monde.  On est loin des robes empesées et des petites filles modèles. En plus de cette héroïne peu commune, Robert O’Brien n’hésite pas à écrire une histoire aux accents de science-fiction merveilleuse qui joue avec certains canons du conte de fée et parle, l’air de rien, du contrôle des esprits par la propagande, du terrorisme, de l’utilisation de la terreur pour dominer et asservir. Le fond est passionnant et amené d’une manière qui le rend à la fois compréhensible (en jouant sur le sentiment d’injustice que provoque les menées du roi à la couronne noire) et approfondi.

    Au final un classique de la littérature jeunesse anglo-saxonne passionnant et toujours actuel. Un grand moment de bonheur pour les petits et les grands.

    O'Brien, Robert C., La couronne d'argent, L'école des loisirs, 1987, 5/5

  • Quand souffle le vent du Nord - Daniel Glattauer

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    Tête en l’air, Emmi Rothner envoie  plusieurs mails par erreur à Léo Leike pour résilier un abonnement. De fil en aiguille, leur correspondance va déborder les frontières d’échanges entre deux inconnus pour donner naissance à une relation qui va bousculer leurs certitudes et les mettre en danger.

     

    Bien, bien, bien… Je ne parviens pas à débuter ce billet de manière satisfaisante, faute de savoir par quel bout attraper ce drôle de roman qui se taille un joli succès sur la blogosphère après avoir enthousiasmé les lecteurs allemands. Il faut dire qu’il le mérite ce succès. L’auteur parvient à raconter en finesse une relation virtuelle qui naît par hasard, s’étoffe d’échange en échange jusqu’à transformer la vie des protagonistes. De mails en mails, Léo et Emmi se dévoilent, parfois plus qu’ils ne l’aimeraient, se cherchent, se trouvent parfois, se chamaillent souvent et s’interrogent sur la nature du lien qui les unit : flirt sans conséquence, amour naissant d’autant plus fort qu’il est celui qui lie deux esprits et s’est émancipé des appréciations esthétiques, interrogations sur les conséquences d’un passage au réel... Ce ne sont pas des interrogations nouvelles, mais elles ont sans nulle doute été amplifiées par le monde virtuel, tant celui-ci a facilité la naissance de relations entre inconnus. On s’y retrouve forcément un peu et d’autant plus que les messages sont donnés à la lecture à l‘état brut et sans autre indication temporelle que le temps écoulé entre deux. L’échange entre Emmi et Léo montre à la perfection comme s’établit une proximité entre deux personnes inconnues par le simple jeu de l’échange, comme on peut à la fois apprendre à se connaître plus facilement (facilité à se livrer ? libération des contingences physiques ?) et fantasmer et projeter sur cet autre à la fois inconnu et connu ses désirs et ses envies ai point de redouter le passage à la réalité. Cerise sur le gâteau, le talent avec lequel l'auteur utilise le courriel montre bien que ce n'est pas là un appauvrissement de la correspondance, mais une manière différente d'utiliser l'écrit, même s'il manque le plaisir d'ouvrir une enveloppe.

    Mais je dois admettre que malgré ses réelles qualités dont la moindres n’est pas une narration cohérente et bien construite, je disais donc et il va falloir que j’arrête les phrases à rallonge, que je n’ai pas été totalement convaincue et séduite par cet échange épistolaire de l’ère moderne. Les sempiternels atermoiements de Léo et Emmi ont fini par me lasser : alors que l’échange était prometteur, dynamique, on finit par se retrouver englué dans des tours et des détours qui rendent la lecture un brin longuette. J’ai eu du mal à vibrer et à me sentir concernée par la vie sentimentale des deux héros, même si Léo a tout du héros bougon qui éveille habituellement ma tendance naturelle au bovarysme et malgré l'humour qui empreint la plus grande partie des échanges.

    Bref, une semi-réussite en ce qui me concerne mais un roman indéniablement à découvrir!



    L'avis de Cathulu, Cuné, Emeraude, Fashion,...

    Glattauer, Daniel, Quand souffle le vent du Nord, Grasset, 2010, 3.5/5

  • L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet - Reil Larsen

    9782841114092-259x300.jpg"C'est aussi bien que Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" qu'il disait le monsieur. Et bien vous savez quoi? Il avait raison. Et tort aussi. Mais ceci est une autre question.

    Tecumseh Sansonnet Spivet a douze ans, ce qui ne l'empêche pas de cartographier comme il respire le monde qui l'entoure et de travailler avec les magazines scientifiques et les musées les plus réputés entre deux grilles-pains brulés par son entomologiste de mère, un western chéri par son cow-boy de père et une Crise de Colère de sa soeur Grace. Las, le voilà qui reçoit le prestigieux prix Baird. Comme diable va-t-il se rendre au Smithsonian depuis son Montana natal alors qu'il a toujours gardé secrète ses activités?

    Extravagant. C'est le premier qualificatif qui vient à l'esprit quand on voit l'objet: beau papier, illustrations somptueuses, annotations dans la marge et flèches qui partent dans tous les sens. Deuxième réaction: "mais qu'est-ce que c'est que ce truc. Un livre, certes, mais que diable l'auteur raconte-t-il pour inonder son récit de toutes ces merveilles?" Conséquence? Deux jours de bonheur à compter de la seconde où l'on a attaqué la première ligne.Parce que T.S. est attachant, parce que sa famille est délicieusement cinglée, parce que ce voyage en train à travers tous les Etats-Unis est une merveilleuse idée. L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est un très très beau récit initiatique, drôle, doucement étrange, fantaisiste comme peut l'être un jeune adolescent de 12 ans parti à l'aventure. T.S. va raconter son odyssée, de ses prémisses à son arrivée dans un univers qui est bien loin de ses fantasmes mais qui cache encore d'autres merveilles. Entre-temps, il aura voyagé clandestinement dans un motor-home prénommé Valero perché sur un train de marchandises, rencontré les hobos des temps modernes, se sera retrouvé coincé dans un trou de ver, et aura laissé son esprit vagabonder de souvenirs en souvenirs, égrenant au fil des pages un sentiment de culpabilité et des peurs qui sonnent juste et touchent au coeur, découvrant que sa mère n'est pas la scientifique étrange qu'il pensait et que son histoire familiale recèle quelques épisodes savoureux.

    Alors que le récit semble partir dans tous les sens au sens propre du terme en plus du figuré, Reil Larsen tient ferme le cap de son histoire, entraînant son lecteur d'idées en idées, de découvertes en découvertes et de réflexions en réflexions sur la science, la place du merveilleux dans le monde. Par la grâce infinie de ses notes, de ses croquis et de ses flèches, il fait plonger dans l'activité permanente et parfois un peu confuse qui agite un cerveau certes génial, mais encore mené par des réflexes enfantins sans jamais donner l'impression d'une construction artificielle. On lit un carnet de T.S., tout simplement. J'ai adoré découvrir le trident de la réussite, le décryptage des expressions faciales des adulte pour ne citer que cela. Quand on referme le livre, on a envie d'aller apprendre à utiliser un théodolite et quelques méthodes d'observation pour parvenir à expliquer le monde sans pour autant perdre de vue fantaisie et plaisir. Tout est parfait: les détails se répondent, la seconde de couverture est une merveille, c'est limpide et fourmillant d'idées, quand à la couverture en forme de cabinet des curiosités, elle préfigure le contenu de belle manière.

    Drôle, touchant, cet OVNI a un effet presque hypnotique qui fait passer sur les défauts qu'il doit, sans aucun doute avoir, mais que pour ma part, je n'ai pas franchement perçu, embarquée que j'étais dans le voyage en compagnie de T.S. et déçue de devoir le quitter si vite, au seuil d'une vie qu'on imagine pleine de cartes et de merveilleuses découvertes. Mais j'aurais eu le bonheur de le voir se découvrir et apprendre quelques précieuses petites choses sur l'amour, la filiation et le sentiment d'être à sa place, quelque part dans le monde.

     

    T.S. a son site qui est aussi merveilleux que le roman: http://www.tsspivet.com/.

    Cuné m'a précédée, tout comme Yvain qui me donnerait envie de le lire si ce n'était pas déjà fait!