Nicolas Oresme est mort. Alix de Rougement, un de ses élèves porte son cercueil et se rend compte qu’il est trop léger pour contenir le corp. Dès lors, sa vie sera consacrée à découvrir ce qu’il est arrivé à son maître.
Caro[line] était tellement enthousiaste. Et puis c’est chez Actes Sud. Et puis… De bonnes raisons en bonnes raisons, j’ai ouvert en toute vergogne le Saltarello de Matthieu Dhennin, me préparant à plonger avec délice dans un de mes univers préférés, le Moyen-âge. Que voulez-vous, entre deux vaisseaux spatio-temporels, quelques sorciers et autres histoires, je parviens encore à caser quelques obsessions et celle que je nourris pour la guerre de Cent Ans et plus globalement pour cette époque merveilleuse qu’est le Moyen-Âge n’est pas récente.
En fait de délice, c’est une légère déception dont je vais ici me faire l’écho. Non pas que Saltarello soit un mauvais roman, loin de là. C’est même dans sa catégorie un texte ambitieux, original, au fond exigeant. Matthieu Dhennin réussit à plonger son lecteur dans le Paris du 14e siècle avec talent et déploie toute une galerie de personnages et d’événements qui permettent de se rendre compte à quel point cette période a été foisonnante et importante, loin, très loin de l’image trop souvent répandue d’âge sombre et barbare. On y discutait science, art, médecine, politique, cuisine avec verve et passion malgré le frein que pouvait représenter l’Eglise. On rencontre Nicolas Oresme et sa fascination pour la musique et l’harmonie, on croise Taillenvent le cuisinier des puissants, auteur du premier livre de cuisine, Nicolas Flamel qui avant d’être connu comme alchimiste était surtout un libraire tenant atelier de copie, Christine de Pizan, bref, au fil des pages, défilent des noms connus ou pour le moins familiers à qui l’auteur donne une épaisseur différente de celle que leur octroient les livres d’histoire. On redécouvre aussi les lieux avec plaisir : Saint-Germain-des-Prés et les villages devenus aujourd’hui des quartiers de Paris, le château de Vincennes en construction, l’île Saint-Louis en friche, les ponts, les Halles et tout le petit monde qui s’y croise et s’y bouscule.
Pour tout cela, chapeau monsieur Dhennin.
Malheureusement, la construction du roman ne m’a pas convaincue du tout, ou du moins, m’a rendue la lecture trop pénible pour que je puisse réellement apprécié la richesse du récit et des personnages. Le fait de basculer d’époques en époques m’a parfois agaçée et perdue et la conclusion de l’intrigue m’a semblée du coup trop rapide, d’autant que finalement, l’enquête de Rougemont sur la mort d’Oresme se révèle être quasi accessoire, l’alchimie prenant une place de plus en plus importante. J’ai eu un peu de mal à faire le lien ente les deux, voire eu l’impression qu’Oresme était totalement oublié pour mettre l’accent sur la naïveté et l’idiotie de Rougemont. On a un peu le sentiment d’un fourre-tout où un meurtre côtoie des messes noires et des pratiques magiques diverses et variées sans guère de cohérence. Pour le reste, la tendance à transcrire les tics de langages et accents m’a beaucoup gênée.
Mais je pinaille car malgré mes bémols tout personnes, c’est un roman à découvrir, ne serait-ce que pour la manière dont il rend le 14e siècle français intensément vivant et présent !
Tout est de la faute de Caro[line], mais Uncoindeblog, Yueyin, Pimpi, Ys et bien d'autres en parlent aussi...
Dhennin, Matthieu, Saltarello, Actes Sud, 2009, 3/5