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  • Dracula - Bram Stoker

     

    Cela ne devait être qu’une mission professionnelle, exotique, certes, puisque l’emmenant dans les Carpates, mais sans rien de particulier. Pourtant, au fur et à mesure qu’il se rapproche du château du comte Dracula, Jonathan Harker est pris d’un étrange sentiment d’angoisse. La faute sans aucun doute aux superstitions locales, à la peur manifeste des autochtones, à l’étrangeté du château du comte et à celle de son hôte qui se révèle petit à petit jusqu’à l’emmener aux portes de l’horreur et de la folie.
    Pourtant, Jonathan survit et retrouve sa fiancée, Mina Harker qu’il épouse, sans savoir que dans son entourage, d’étranges événements sont survenus et ont touché son amie intime, Lucy. Gravement atteinte par une mystérieuse maladie, celle-ci décède sans que son fiancé Arthur Goldming, les amis de celui-ci, le docteur Jack Sewald et Quincey Morris, ni le célèbre professeur Van Helsing à qui il avait été fait appel en dernier recours puissent faire quelque chose. Mais Van Helsing sait ce qui a tué Lucy et va emmener Goldaming, Seward, Morris et les Harker sur la piste de quelque chose qui n’est pas censé exister : un vampire.
     
    Si Bram Stoker n’a pas inventé le vampire, il n’en reste pas moins celui qui a créé, à partir du riche terreau antérieur (folklore, superstitions, travaux scientifiques et philosophiques, et oui), le mythe moderne du vampire. Et avec Polidori, LeFanu, et quelques autres, le père d’un genre dont le succès ne s’est jamais démenti. Autant dire que pour les amateurs de littérature vampirique, c’est un indispensable ! Vous me direz, il s’avère parfois que les indispensables sont diantrement enquiquinants pour ne pas dire littéralement soporifiques. Certes. Mais Dracula n’est pas seulement un indispensable. C’est aussi un très bon roman d’aventure.
    Pour construire son intrigue, Stoker n’a pas utilisé un récit linéaire des événements, mais un ensemble d’échanges épistolaires, d’extraits de journaux intimes qui lui permet de croiser les points de vue de manière fluide et de donner un tableau progressif et complet des événements dont nos héros sont les témoins et les acteurs. Plus que cela d’ailleurs, c’est l’occasion d’une plongée dans leurs pensées intimes qui se révèle assez passionnante. Il faut dire que Stoker a choisit ses personnages : un futur lord ayant vécu moult aventures, un pistolero américain, un psychiatre, une jeune femme à l’intelligence acérée, un clerc de notaire qui cache sous des abords conventionnels un courage sans faille ! Et que dire du professeur Van Helsing et de ses connaissances pour le moins approfondies du monstre qu’ils traquent pour venger la pauvre Lucy.
    Il est vrai cependant que le roman est empreint des conventions littéraires et sociales de son époque. Il n’est qu’à voir la place donnée à Mina Harker et la manière dont son intelligence est considérée comme masculine par ces messieurs… Et que Bram Stoker ne s’est pas franchement encombré de petites choses comme la cohérence. J’ai remarqué plusieurs petites bizarreries dans l’enchaînement des événements, et dans le comportement des personnages mais comme rien de tout cela ne nuit au plaisir de la lecture, ce n’est pas fondamental ! D’autant que ces quelques petites incohérences ne sont rien face au travail de titan accompli par l’auteur !
     
    Mais revenons au vampire lui-même. Là où Stoker a fait date, c’est en fixant pour les siècles à venir les caractéristiques principales de ce monstre. Quelque part, quand on dit aujourd’hui qu’un roman réinvente le mythe du vampire, c’est au mythe version Stoker qu’on fait référence : le mort-vivant qui se nourrit du sang des vivants,  ne meurt pas, dont le pouvoir cesse au lever du soleil, qui peut se rendre maître de certains éléments, se faire obéir de certains animaux, se rendre immatériel, se grandir ou se rapetisser… Bon, autant mettre un extrait !
     
    « Il est prisonnier, plus qu'un homme condamné aux galères, plus qu'un fou enfermé dans un cabanon. Aller là où il a envie lui est interdit. Lui qui n'est pas un être selon la nature, il doit cependant obéir à certaines de ses lois - pourquoi, nous n'en savons rien. Toutes les portes ne lui sont pas ouvertes ; il faut au préalable qu'on l'ait prié d'entrer ; alors seulement il peut venir quand il le désire. Son pouvoir cesse, comme d'ailleurs celui de toutes les puissances malignes, dès les premières lueurs de l'aube. Il jouit d'une certaine liberté, mais en des moments précis. S'il ne se trouve pas à l'endroit où il voudrait être, il ne peut s'y rendre qu'à midi, ou au lever, ou au coucher du soleil (...). Ainsi, tandis que le vampire peut parfois accomplir sa propre volonté, pourvu qu'il respecte les limitations qui lui sont imposées et se confine dans son domaine : son cercueil à lui, son enfer à lui, ou encore dans un endroit non béni (...) ; et encore ne peut-il se déplacer qu'à des moments bien précis. On dit aussi qu'il ne peut franchir des eaux vives qu'à marée haute ou lorsque la mer est étale. Et puis, il y a des choses qui lui ôtent tout pouvoir, comme l'ail, nous le savons assez ; comme ce symbole, ma petite croix d'or, devant laquelle il recule avec respect et s'enfuit. Il y en a encore d'autres (...) : une branche de rosier sauvage, posée sur son cercueil, l'empêche d'en sortir, une balle bénite que l'on tirerait sur son cercueil le tuerait et il deviendrait alors un mort véritable. Quant au pieu que l'on enfonce dans son cœur, nous savons qu'il lui donne également le repos éternel, repos éternel qu'il connaît de même si on lui coupe la tête. Il ne se reflète pas non plus dans les miroirs et son corps ne fait pas d'ombre. »

    Une bien étrange créature qui donnerait presque (j'insiste sur le presque) envie par certains côtés de goûter à cette vie éternelle et qui reste terrifiant par d'autres. A travers elle, c'est toute un réflexion sur la mort, l'immortalité et la vie éternelle qui attend le lecteur. La non-vie est un état fascinant, d'autant plus fascinant qu'on ne trouve aucune explication à son origine et qu'elle est une figure de la liberté. Je vous rassure, je ne suis pas devenue folle! Il me semble simplement que malgré les limitations que lui impose sa nature, Dracula est plus libre que les humains, dans le sens où il est capable d'accomplir ce qu'il désire, et par là même, est destiné au mal. Plus de moral, plus de barrières sociales ou religieuse: juste la puissance et la force de l'instinct comme porte ouverte à l'horreur (séduction, meurtre, etc.). Le vampire serait presque une sorte de figure repoussoir ou catharsique. Ceci dit, je m'égare sans doute!

    Je m'arrête là! Vous aurez deviné sans peine que j'ai aimé et que je compte bien poursuivre ma découverte de la littérature vampirique, à commencer par ces classiques que je n'ai pas encore lus!

    Au prochain épisode, Dracula l'immortel!

     

    Caro[line] m'a précédé!

     

    Stoker, Bram, Dracula, Pocket, 2002, 4.5/5

  • Kimi Wa Pet

    Sumire est une jeune femme belle, intelligente, active, sexy et froide... Enfin, ça, c'est l'apparence. Journaliste de haut vol le jour, elle est aussi une jeune femme fragile et maladroite en privé. Une facette que Takeshi va découvrir. Enfin Momo puisque c'est ainsi qu'elle va nommer le jeune homme qu'elle découvre dans un carton sur le pas de saporte... C'est le début de bien des aventures...
    J'étais sceptique. Plus que sceptique. Une jeune femme fait d'un jeune homme son animal de compagnie... Moui, moui, moui. Et puis de pages en pages, je me suis surprise à glousser, puis à rire franchement, voire à frémir devant les aventures hautes en couleur de Sumire et de Momo.
    Que dire une fois le dernier tome achevé... C'est une série pleine de tendresse, touchante même, qui aborde avec humour les affres des relations amoureuses et professionnelles pour une jeune femme confrontée à des choix difficiles. Sumire est un personnage attachant: en la suivant dans sa vie professionnelle et privée, on découvre une jeune femme attachante qui manque de confiance en soi mais qui tente vaille que vaille de répondre aux attentes de son entourage. Finalement, la seule personne devant laquelle elle parvient à se montrer naturelle est Momo. Il lui faudra du temps pour s'apercevoir que laisser tomber les masques est le seul moyen d'atteindre le bonheur, en privé, comme en public. Petit à petit, la relation de Sumire et Momo gagne en complexité, en profondeur et permet d'aborder nombre de problèmes sentimentaux rencontrés par les jeunes femmes japonaises, mais aussi occidentales. Kimi Wa Pet parle aussi bien du regard porté par la société sur les relations amoureuses que des choix à faire entre vie professionnelle et familiale, des concessions dans les relations de couple, du déséquilibre social et culturel dans le couple. Et surtout, il montre comment on se laisse parfois aveugler par des exigences quand l'amour peut arriver par les voies les plus improbables.
    Il est amusant de voir les sentiments de nos deux protagonistes évoluer, de voir les triangles amoureux se faire et se défaire au fil des pages et des situations provoquées par leur entourage familial et professionne. Car il n'est pas seulement question d'amour dans ce manga: il parle aussi du monde du travail japonais et de ses dérives, pression, rivalités, harcélement. Il parle du monde de la danse. Il parle de la volonté de se montrer parfait et de la souffrance imposée par les masques que la société impose de porter. Il parle des pressions familiales et des rivalités qui peuvent s'installer entre membres d'une même fratrie.
    Ceci dit, tout cela est entrecoupé par des épisodes très drôles, parfois vaudevillesques, pardois oniriques, qui arrivent toujours à point nommé pour relancer le scénario.
                                            
    Sumire est un beau personnage de femme moderne déchirée entre des aspirations contraires, entre réussite professionnelle et une vie plus traditionnelle incarnée par son amie Yuri.
     
    Porté par un scénario maîtrisé, Kimi Wa Pet est un manga enthousiasmant qui offre une galerie de personnages vraiment attachants et fouillés, et qui cache sous son côté burlesque bien des choses! A déguster sans modération.
    Et parce qu'apparement nous avons le même genre de discussion au Japon et en France, je ne résiste pas au plaisir de vous offrir cet extrait de dialogue qui m'a fiat hurler de rire:
    "-Sumiré: Concentre-toi et imagine. Tu es prêtes?
    Tu as un chien.
    Yuri: oui
    Sumiré:
    Tu adores ce chien. Tu l'aimes tellement que tu préfères le promener au lieu de passer du temps avec ton copain.
    Y: mouiii...
    S: quand un beau jour, ton chien se transforme en prince charmant et là, il te demande en mariage pour...
    Y: Sopt. Arrête, j'ia une imagination limitée!
    S: si c'était un conte de fée, la suite serait facile à imaginer.
    Y: oui, "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants"...
    S: mais est-ce que les princesses ont pu aimer normalement un prince qui a été un chien ou un crapaud...
    Y (à son chien Mick): Mick, tu veux bien te transformer en Viggo Mortensen?
    S: Est-ce que l'on peut si facilement changer ses sentiments à l'égard d'un être? Un prince surgit. Est-ce qu'on ne va pas trop vite en supposant qu'elles tombent amoureuses?
    Y (toujours à son cien Mick): tu deviens Viggo... Tu es Viggo...
    S: Yuri, tu m'écoutes?
    Y: si tu ne peux pas, je peux me satisfaire d'Orlando Bloom..."
    Oui hein...
    Ogawa Yayoi, Kimi Wa Pet, Kurokowa, 14 tomes, série terminée, 5/5
    Un dossier au top sur Manga News
                                                  

  • Thomas Drimm, La fin du monde tombe un jeudi - Didier Van Cauwelaert

    "J'AI 13 ANS MOINS LE QUART
    ET JE SUIS LE SEUL
    A POUVOIR SAUVER LE MONDE
    SI JE VEUX."

    Dans une société sous contrôle total où le jeu règne en maître, un ado se retrouve détenteur d'un secret terrifiant, qui déchaîne contre lui les forces du Mal... et celles du Bien.
    Tiraillé entre la femme de ses rêves et un vieux savant parano réincarné dans un ours en peluche, Thomas va découvrir, de pièges en rebondissements, l'exaltant et périlleux destin d'un super-héros à mi-temps.
    Course contre la montre et voyage initiatique, cette aventure de Thomas Drimm, au suspense haletant et à l'humour féroce, a tout pourt passionner les lecteurs de douze à cent douze ans."

    Ou comment Thomas se retrouve à assassiner un vieux professeur bougon à l'aide de son cerf-volant, à abriter ledit professeur dans son ours en peluche et à patauger dans les ennuis.

    J'ai retrouvé dans ce premier tome des aventures de Thomas, les raisons pour lesquelles j'aime les littératures dites de l'imaginaire. Elles, plus que toute autres, permettent de parler de notre monde et de ses évolutions. Didier Van Cauwelaert ne se prive pas de ces possibilités. Le monde de Thomas est un véritable cauchemar: puce implantée dans le cerveau, contrôle et punition par déclassement social de toute transgression, pénalisation de tous les aspects de l'existence de la conception des enfants à la mort. Autant dire qu'on pense très fort aux puces RFID et à certains nombres d'événements. Ainsi qu'à nombre de classiques de la SF.  Ceci dit, si le fonds est riche de références et porteur de réflexion plus intéressantes les unes que les autres, il n'est en rien un obstacle au plaisir de la lecture: Thomas et le professeur sont des personnages attachants et leurs aventures s'enchaînent tambour battant, faisant penser à un feuilleton (ce que Thomas Drimm a été puisqu'il a été publié en épisodes sur téléphone portable cet été). Le premier est d'ailleurs un adolescents fort crédible dans ses petites crises et le second provoque quelques scènes pour le moins cocasses. Il faut dire qu'habiter le corps d'un vieil ours en peluche n'est pas de tout repos!

    Il est vrai que j'ai eu un peu de mal à rentrer dans cet univers et à me faire au style de Didier Van Cauwelaert, mais une fois installée dans le récit, la lecture a été facile et agréable. Certes les ficelles se voient parfois un peu mais il y a du potentiel chez Thomas Drimm, et des choses tout à fait intéressantes qui donnent envie de savoir ce qu'il va bien pouvoir se passer dans le tome 2. Après tout, maintenant que le décor est planté, la lutte entre le Bien et le Mal va sans doute déployer toute la complexité qu'on aperçoit par moment dans les décisions que doit prendre Thomas et les mystérieux Nox et Noctis. Rien de révolutionnaire donc, mais après tout, en est-il besoin? Thomas Drimm est un bon roman d'aventure, le récit du passage à l'âge adulte d'un adolescent confronté aux dérives d'un monde qui permet de réfléchir au notre.

    Merci à Paola, aux Editions Albin Michet et à Didier Van Cauwelaert pour sa gentille dédicace!
    Van Cauwelaert, Thomas Drimm, La fin du monde tombe un jeudi, Albin Michel, 2009, 3.5/5
  • La grand-mère de Jade - Frédérique Deghelt

     

    "J'ai beaucoup lu, depuis très longtemps. Je suis une lectrice assidue, une amoureuse des livres. On pourrait le dire ainsi. Les livres furent mes amants et avec eux j'ai trompé ton grand-père qui n'en a jamais rien su pendant toute notre vie commune."

    Quand Jade est partie cherchée Mamoune au fond de sa Savoie pour la sauver de la maison de retraite médicalisée, elle n'a pas plus réflechi que ça. Elle s'est même empêché de réflechir, de peur de ne pas trouver le courage de vivre, elle, jeune trentenaire, avec sa grand-mère octogénaire. Mais la vie avec Mamoune va se révéler pleine de surprises. Aussi surprenante que la femme qui vit derrière le masque de la douce et tranquille grand-mère.

    La douceur et la tendresse. C'est ce que je vais retenir de ce superbe roman, avec la multitude de petites phrases qui touchent au coeur. C'est un coup de coeur, un vrai, un gros. Frédérique Deghelt raconte une histoire peu commune, celle d'une jeune femme qui part en croisade pour sauver Mamoune, la femme qui a enrobé son enfance d'amour. Sa Mamoune, garde d'enfants, ancienne ouvrière issue d'une famille paysanne, montagnarde jusqu'au bout de ses chaussures de randonnées. Sa Mamoune veuve depuis trois longues années et en mauvaise santé. Sa Mamoune qui est aussi une femme qu'elle va découvrir au fil de leur cohabitation. Frédérique Deghelt raconte tout en finesse cette découverte mutuelle, la manière dont les masques tombent, dont on s'habitue à l'autre et dont on l'aime de plus en plus fort. Jade et Jeanne, les cinquante années qui les séparent et tant à apprendre l'une de l'autre.

    Mais plus que tout, ce qui m'a enchantée dans ces pages est cet extraordinaire portrait de lectrice. Par petites touches, à travers le regard de Jade et les mots de Jeanne, Frédérique Degehlt brosse le portrait tendre et attachant d'une lectrice. Jeanne qui découvre les livres et qui vit avec la littérature une passion honteuse et essentielle, plus intense et profonde presque que l'amour, une passion fruit du hasard, d'un carton de livres laissé par une femme de notaire dont elle avait gardé l'enfant:

    "Bénie soit cette femme qui m'a apporté tout un carton de livres qu'elle ne pouvait emporter. Il y avait dans ces ouvrages la comtesse de Ségur, Jack London, Victor Hugo, Colette, Jules Verne, Edmond Rostand et même des classiques du théâtre comme Molière ou Racine. J'ai voulu tout d'abord retrouver les histoires de Jules Verne que nous lisait mon grand-père. Puis j'ai glissé un oeil dans Les misérables puis dans tout le reste et j'ai pris l'habitude de lire chaque jour quelques pages, toujours plus de pages. Quelle merveilleuse découverte. De semaines en semaines, le coeur battant, j'ouvrais des livres."

     Il y a les fantaises du lecteur, le carnet où elle recopie les citations qui l'ont touchée, ses emportements et ses rejets, les rencontres et les dialogues avec d'autres lecteurs, sa découverte de l'univers de l'écriture et de l'édition. Toute une vie d'aventure et de découvertes.

    "Maintenant quand je parcours ce livre de citations, de poème, d'extraits de tous les ouvrages que j'ai aimés, c'est un peu comme si ma vie rêvée se tenait là, blottie entre les pages. Je ne peux jamais relire ce cahier sans qu'il me tire des larmes. Il est ma vie racontée par les plus grands auteurs du monde. C'est un livre unique, le plus précieux que je possède."

    Quand Jeanne raconte la lectrice qu'elle fut et qu'elle est encore, c'est le pouvoir immense de la littérature qui se révèle: miroir, leçon de vie, leçon de beauté. Il y a la vie cachée sous les mots, il y a le plaisir de retrouver ces livres qui sont comme de vieux amis, le plaisir d'en découvrir de nouveaux et de les partager. J'ai particulièrement apprécié un tout petit passage où Jade offre un livre à sa grand-mère, tellement révélateur de ce que le partage entre lecteur peut être:

    "Orgueil et Préjugé, suivi de Raison et sentiments de Jane Austen dans une magnifique collection en cuir. Je ne me souvenais plus d'avoir dit que j'avais envie de découvrir cet auteur que je ne connaissais pas. Tu as de la chance m'a lancé Jade avec cette envie impossible qu'à toute lectrice de redécouvrir pour la première fois ce qu'elle a déjà aimé."

     Et que dire du rapport instinctif, sensuel que Jeanne a entretenu avec les romans! Il y a un passage magnifique où elle raconte que le seul lieu où elle pouvait lire était la cuisine et qu'elle aurait aimé une immense cuisine-bibliothèque... "J'aurais ouvert après quelques années des romans qui auraient eu des parfums différents. Le romarin pour Maupassant, le curry pour Baudelaire, les oignons pour..." En quelques phrases se dévoile ce rapport parfois déroutant que le livre entretient avec l'art culinaire et son univers d'odeurs, de couleurs, de sons et de goûts.

    L'amour des livres et de la littérature va rendre encore plus profond l'attachement que se portent les deux femmes. L'une lectrice, l'autre écrivain vont se nourrir mutuellement

    La grand-mère de Jade est en quelque sorte une histoire de la lecture au féminin, presque une sociologie de la lecture tant les parcours croisés de Jade et de Jeanne sont exemplaires. Un petit extrait comme celui qui suit dit tout: "Replace les élèments de mon époque. K'étais une petite ouvrière d'une vallée industrielle, fille de paysans montagnards, puis femme d'un ouvrier. J'avais mon certificat d'étude, ce qui était déjà rare pour une femme de la région. Je gardais des enfants et il faut croire que je donnais satisfaction puisqu'on m'en amenait sans cesse de nouveaux. Je n'avais pas de mérite, je les adorais. Et ils furent même ma cachette de lectrice. Aux bébés je pouvais lire des extraits de Victor Hugo, de Flaubert, de Joyce." Les obstacles sociaux à une lecture ravalée au rang de loisir pour oisif, le poids des regards et des règles sociales, l'incongruité pour quelqu'un de classe sociale modeste à accéder à la littérature, le fossé immense entre hier et aujourd'hui qui ne masque pourtant pas la persistance de ces obstacles... on se croirait dans des essais de Michèle Petit, de Hubert Nyssen. Lequel fait d'ailleurs une apparition au détour de quelques pages... Accompagné par quelques grands noms qui ont permis qu'aujourd'hui, lire aux tout-petits ne soient plus considéré comme une aberration...

     Il y a ces pages merveilleuses sur la lecture, mais il y a aussi ces phrases qui sonnent juste sur la maternité, sur les liens qui se tissent entre femmes d'une même famille et qui se brisent parfois. Quand Jeanne raconte sa vie de femme et de mère, c'est son amour pour ses enfants qu'elle exprime, le déchirement de les voir grandir et affronter la vie. Sa relation avec Jade est tout simplement superbe de tendresse. L'alternance de leurs voix permet de s'attacher aussi bien à l'une qu'à l'autre et de regarder la jeunesse de Jade comme la vieillesse de Jeanne avec des yeux différents.

     La grand-mère de Jade est un roman enveloppant qui laisse le coeur serré tant son épilogue est touchant. C'est un de ces romans dont la force fait oublier les quelques faiblesses et ce côté par moment un peu tiré par les cheveux. Force va m'être de le rendre à la bibliothèque, mais je sais déjà que c'est un roman qui va rejoindre mes étagères, tant j'ai l'envie de pouvoir me couler, autant que je le souhaite, dans les pas de Jeanne et de Jade.

    "Je me souviens d'avoir été fascinée par le miracle des bons livres qui arrivaient au bon moment de la vie. Ceux qui parfois tombaient des étagères pour venir répondre à des questions que me posait l'existence. J'ai récupéré ainsi la patience à une époque où je serais partie dans l'expasoération, découvert les vertus de l'amour rpevé, abandonné le voyage à d'autres vies, rangé le meurtre au ranyon de l'impossible. J'ai tout vécu, j'ai mille ans et je le dois aux livres."

     Cuné m'avait donné envie de m'y plonger, qu'elle en soit remerciée. Anne l'a aimé. Leiloona aussi. Tous les liens sur Blog-O-Book.

  • Ghost of India

    Il était une fois une CHiffonnette pourvue d'amis qui lui voulaient du bien. Enfin, qui voulaient lui faire plaisir. Parce que d'un autre côté, pour sa santé mentale déjà bien ébranlée, lui fourrer entre les mains entre deux muffins et trois crêpes "A Doctor Who novel", franchement... L'obliger comme ça à aller se racheter un mini dico d'anglais pour pouvoir bouquiner tranquille dans le métro sous l'oeil éberlué des passagers... L'obliger à déambuler l'oeil vitreux le reste du temps, se demandant si elle a bien compris ce qui se passait page 158... Je vous aiiiiiiimmmmmeeee, les filles!

    Bref, revenons à nos Tardis. Ou plutôt à nos romans. Car figurez-vous que nos amis british, non content de réaliser de fantabuleuses séries, en font en plus des produits dérivés ma foi capable de déclencher l'hystérie des faibles whomaniaques que nous sommes. Il y a donc toute une tripotée de romans se déroulant dans le whoniverses et qui sont autant d'aventures inédites du Doctor et de ses compagnes.

     Mais que penser de ces romans. Il fallait lire pour se forger une opinion. Mon abnégation en bandoulière, je me suis donc lancée à l'assaut!

    "India in 1947 is a country in the grip of chaos - a country torn apart by internal strife. When the Doctor and Donna arrive in Calcutta, they are instantly swept up in violent events. Braely escaping with their lives, they discover that the city si rife with tales of half-made men, who roam the streets at night and streal people away. These creatures, it is said, are as white as salt and have only shadows where they eyes should be. With help from India's grat spitirual leader, Mohandas "Mahatma" Gandhi, the Doctor and Donna set out to investigate these rumours. What is the real truth behind the half-made men? Why is Gandhi's role in history under threat? And has as ancient, all-powerful god of destruction really come back to wreak his vengeance upon earth?"

    Et bien la véritable et véridique vérité est que je me suis diantrement amusée à lire les aventures du Doctor. Moins qu'à le regarder courir en vrai sur l'écran, certes, mais la version papier est presque tout aussi enthousiasmante. On retrouve bien dans le roman l'ambiance un peu folle des épisodes, l'humour bien particulier du Doctor, le mauvais caractère de Donna et sa capacité à se fourrer dans les situations les plus invraisembables. Les rebondissements s'enchaînent sans qu'on ait une minute pour s'ennuyer, le récit est cohérent et haletant, les points de vues des personnages s'entrecroisent en apportant chacun leur petite touche à l'histoire et les guests sont ma foi fort sympathique. Je passe sur le gentil docteur anglais et son infirmière de bonne famille, sur le pater familias sanguin et diplomate de son état, sa femme neurasthénique et tellement bien sous tout rapport. Tous jouent parfaitement leur rôle. Non contente d'être enchantée de faire leur connaissance, j'ai adoré croiser la route d'un Gandhi traité avec une gentille irrévérence et faisant face aux aliens et au Tardis avec une sérnénité à toute épreuve.

    Bref, on a l'impression d'être devant son écran sauf que c'est un roman et qu'il faut un dictionnaire aux quiches de l'anglais telles que moi. Mais c'est tellement bon que je suis prête à continuer! Surtout si c'est mon Tenth Doctor qui vit ainsi de nouvelles folles aventures!

    Maintenant, je n'ai plus qu'à me lancer dans la version Torchwood de la chose. Il faut dire qu'il y a deux terribles qui ont su frapper en plein coeur! Tout est de leur faute monsieur le juge!!