Un enfant de douze ans dans un village chinois, une pandémie et sa conséquence, la plus terrible guerre que l’humanité ait connue. L’auteur, en mission pour l’ONU recueille les témoignages de ceux qui ont survécu aux affrontements avec les zombies et à l’horreur que représente un ennemi qui ne pense plus, ne ressent plus.
Qu’allais-je faire dans cette galère, moi qui ai toujours refusé de voir el moindre film d’horreur, à plus forte raison réunissant sur la même bande des zombies et des humains ? Allez donc savoir ! Et le pire, c’est que ça m’a plu ! Je dirais même que ça m’a beaucoup, mais alors beaucoup plu ! Il y a de ces mystères dans l’univers.
Allons-y donc pour le pourquoi du comment !
Difficile pour moi de dire pour quelles raisons les morts se relèvent en temps habituel, mais il me semble que la manière dont Max Brooks traite son sujet est assez originale : pas de cimetières en pleine nuit, de villages sous les glaces, et autres cadres adaptés à des zombies, mais le quotidien dans tout ce qu’il a de quotidien. Les zombies apparaissent pour ainsi dire de nulle part : un patient dans un village chinois, un virus, une pandémie, et l’horreur s’abat sur le monde. Toute personne atteinte meurt et toute personne morte de ce virus reprend vie. SI l’on peut appeler vie cet état post-mortem qui voit le mort se relever et chercher à se nourrir de la chair des être vivants qui l’entourent. Plus de conscience, plus de sensation, plus de pensée, juste des influx nerveux et cette faim atroce.
Max Brooks a fait à mon sens un choix intéressant : il ne raconte pas la pandémie en un récit linéaire, suivant les aventures d’un ou de plusieurs héros pour lesquels le lecteur pourrait frémir. Non, le fond du récit est très différent. C’est une sorte de travail scientifique : l’auteur (pas Max Brooks, mais celui qui est censé être à l’origine de ce texte) a été missionné par l’ONU pour écrire un rapport sur la pandémie. Les témoignages qu’il n’a pas pu inclure dans son rapport, il a choisit d’en faire un livre. En une suite de parties qui suivent les étapes de la guerre, il présente les témoignages de survivants. Certains ont eu un rôle central, d’autres non, tous mettent en mot l’expérience vécue pendant les années de guerre. De cette manière, ce n’est pas simplement les combats, les massacres et autres festins zombiesques qui sont mis en valeur, mais le cheminement qui a mené du déni à la guerre, puis à la victoire. La tension monte au fil des pages : il y a le premier patient, la panique, les mouvements de fuite des populations, les passeurs, les tension diplomatiques et les guerres, les premiers plans de sauvetage de l’espèce humaine. Divers aspects sont évoqués : les armes et les tactiques nouvelles développées face à ces ennemis inédits, les règles de survie, le nettoyage des zones infectées par le virus, l’impact psychologique, écologique de cette guerre, la redéfinition des aires géopolitiques et de l’équilibre des puissances.
Petit à petit se dessine le tableau d’une guerre, étouffant, mais fascinant. C’est d’autant plus prenant que le choix des témoignages permet de se concentrer sur le facteur humain : les actes de courage, les lâchetés petites et grandes, la peur omniprésente, le retour à une vie «normale»… En filigrane perce la critique sociale : World War Z est aussi un regard sans concession sur la nature humaine, sur l’inadaptation de l’homme moderne à la survie, sur les inhibitions sociales, sur l’incurie politique.
Le tout donne un univers cohérent, crédible et qui ne prête pas une minute à l’humour ou la parodie. On est dans l’horreur, d’autant plus crue qu’elle est crédible. C’est glacial, violent mais passionnant. Max Brooks donne à réfléchir tout en restant abordable pour qui n’apprécie pas particulièrement les histoires de morts vivants.
On en parle sur Fractale Framboise, sur le blog de la librairie Critic, chez Efelle, ...
Brooks, Max, World War Z, Calmann-Levy Interstice, 2009, 5/5