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Chiff' - Page 136

  • Surprise!

    Aujourd'hui en rentrant du travail dans la grisaille, j'ai eu une jolie surprise! Une enveloppe en provenance de Montaubeau , euh non Montauban (merci Fashion) m'attendait sous mon paillasson. Avec à l'intérieur cette charmante petite chose:

    Ma réputation d'indécrottable gourmande n'est plus à faire! Et le pire, c'est que quand je cuisine, je me lèche les babines exactement comme ça!!

    Un grand merci à Flo pour cette gentille attention! Je suis toute regaillardie!

     

  • Thornytorinx (et non ornythorinx)

     

     

     

    Camille est une bonne élève, Camille est une petite puis une grande fille modèle. Camille est boulimique-anorexique. Et sa colère, son mal-être, son dégoût, elle les vomit chaque jour, détruisant petit à petit son corps et son esprit.

     

    Thorytorinx est un roman court mais fort. Non exempt à mon avis de défaut, mais intéressant. On y suit le parcours de cette enfant, puis jeune femme prise comme une mouche dans une toile d'araignée dans les attentes de son entourage. Voilà comment on se retrouve en classe préparatoire, puis dans une grande école de commerce, alors que ses rêves sont ceux du théâtre, du cinéma. Camille se rêve princesse. On la voit comme une princesse, elle se voit comme une princesse et le fossé avec le réel, la vie, ses relations difficiles avec les autres vont progressivement l'amener à basculer du côté de cette anormalité qui ne l'est pas tant (l'auteur rappelle à plusieurs reprises que la boulimie-anorexie touche une femme sur cinq en France).

     

    Le regard cynique, cru et violent de la narratrice est parfois difficile, mais on ne peut nier que Camille de Peretti sait de quoi elle parle. En matière de boulimie et d'anorexie, je ne sais pas, mais pour les relations mère-filles névrosées, le syndrome de la bonne élève et l'ambiance particulière des "grandes" écoles, les concours et les stages, oui. J'ai revu certaines scènes de mes études.

    Je n'ai pas trop aimé la fin. Je l'ai trouvée un peu rapide, un peu facile dans la psychologie de bazar. Mais pour le reste, je m'avoue assez impressionnée. D'autant qu'écrire dans une veine autobiographique sans tomber dans le nombrilisme et l'apitoiement n'est pas un exercice facile. Or là, aucune concession. Ni par rapport à elle-même, ni par rapport à son entourage. Elle regarde en face les scéances de vomissements, ses amours, ses relations familiales. Si son deuxième roman tient ce que promet ce premier (Nous sommes cruels), alors, je vais le lire. Malgré la crudité et la violence de ce premier roman.

     

     

     

    Camille de Peretti, Thornytorinx, Pocket, 2006, 151 p.

  • Quatre à cinq

     

     

    J'étais dubitative, et j'avais tort. "Quatre tomes de romans ados, sur des soeurs, aïe, aïe, aïe, j'en ai assez au domicile familial", me suis-je dit!! Et puis j'ai été emportée et ébouristiflée par la saga de la famille Verdelaine.

     

    Soit cinq soeurs, Charlie, Geneviève, Bettina, Hortense et Enid. Cinq soeurs dont les parents sont décédés et qui tentent de surnager dans la grande maison du bout du monde, là-bas en Bretagne. Entre deuil, peines de coeur, disputes et réconciliations.

     

    Il y a les soeurs évidemment, Basile le docteur amoureux de Charlie, spécialiste és couscous. Les cousins: Désirée, serial killeuse de poireaux, Harry qui copine avec cafards et rats. La tante Lucrèce et son Delmer. Tancrède et ses fioles. Augustin et ses moineaux. Et une foule d'autres personnages hauts en couleurs qui peuplent les pages de ces romans pleines d'émotion et de rire. On suit avec plaisir d'abord, intérêt ensuite, passion pour finir, l'évolution de cette fratrie malmenée par la vie et solidaire, aimante, adorable. C'est léger, drôle et en même temps assez profond.  Par la bande, Malika Ferdjoukh parle d'amour, de plaisir, de haine, de racisme et de tolérance, et de toutes les petites choses de la vie qui font le désespoir et le bonheur. J'ai pris un imense plaisir à suivre Bettina qui découvre que belle figure ne rime pas avec bel esprit, à suivre Enid dans ses conversations avec le Gnome des Toilettes et dans sa tentative désespérée pour sauver Swift la chauve-souris. Hortense et son amie malade, ses premières règles. Charlie et ses atermoiements amoureux, sa lutte de chaque instant pour garder ce qui reste de sa famille intacte. Geneviève, ou l'eau qui dort et ses mystères.

    Ce n'est jamais niais, jamais téléphoné (enfin, peut-être parfois un peu, mais on ne va pas chipoter), jamais pénible. Je me suis sentie proche de Charlie, statut de grande soeur oblige. En tout cas, de la grande soeur que j'aimerais avoir été et être encore, avec son amour absolument abyssal pour ses emmerdeuses de frangines. Sans la tendance à tomber de haut à chaque tournant de la vie et du toit.

     

    A aucun moment ou presque le rythme ne faiblit. On a toujours envie de savoir ce que vont devenir les soeurs, et à la dernière page du dernier tome, c'est avec un pincement au coeur que je me suis dit que je devais les quitter. Un livre à offrir aux petites, de 11 ans à 77 ans presque. Je vais l'offrir à ma petite frangine en tout cas. Pour ne pas la laiser passer à côté de ce plaisir. Et le conseiller à celles qui me demanderont ce qu'elles peuvent bien lire.

     

    Bravo et merci à Mme Ferdjoukh en tout cas. Je vais aller creuser du côté de ses autres écrits maintenant. Avec l'espoir avoué de retrouver un peu de cette magie.

     

    Un petit extrait, histoire de vous appater, un parmi tant de ceux qui m'ont fait sourire, ou rire aux éclats: "Elles opinèrent. Terrassées. Songeant qu'avec une nature qui l'avait faite chapeautée, déclamante et emmerdeuse, Mme Bouin n'était vraiment pas rancunière."

     

    Kalistina a aîmé, Laure aussi, et Clarabel.

     

    Malika Ferdjoukh, Quatre soeurs (Enid, Hortense, Bettina, Geneviève), Médium de l'Ecole des loisirs

  • Je ne suis pas une crevette, mais dans mon assiette, par contre, il y en a!

    En ce moment, je ne suis pas monomaniaque, mais bimaniaque (mais si ça existe). Quand je ne lis pas je cuisine, et quand je ne cuisine pas je lis. Bon, ma rectitude morale me force à admettre que je vois parfois des gens et qu'il m'arrive aussi de dormir, mais voilà bien mes principales activités du moment!

    D'où, vous ne serez plus étonnés maintenant, quelques petites recettes vite fait bien fait à thématique crevette qui se retrouvent assez fréquemment dans mon assiette! J'aurais bien mis quelques photos, mais les plats n'ont survécu assez longtemps pour ça! Et oui, j'avais faim!

    J'utilise pour ces deux recettes les crevettes nordiques décortiquées de Picad, 115 à 155.

    Crevettes coco-curry:

    Je l'ai inventée celle-ci, mais comme il n'y a rien d'original dans le mélange, on doit pouvoir en trouver des équivalents! Les proportions sont un peu vagues, mais j'ai quand même essayé d'en donner! Admirez l'effort!

    Faire revenir une poignée d'oignons émincés, avec une pointe d'ail si vous n'êtes pas d'humeur sociable, du curry en poudre (1 cuillère à café seulement pour les papilles sensibles), du gingembre (en poudre ou en petits morceaux, une cuillère à café aussi), et de la coriandre émincée (personnellement, j'utilise la Picard surgelée tant que je n'ai pas de jardin sous la main et j'en mets aussi l'équivalent d'une cuillère à café). Jetez dans ce mélange autant de crevettes que vous en avez envie, rajoutez de 25 à 50 ml de lait de coco selon votre goût ainsi qu'un chouilla de crème liquide, histoire d'avoir du jus. Salez et poivrez. Laissez revenir 5-10 minutes et servez avec du riz ou des nouilles de riz!

    Crevettes feta-tomate:

    Comme il faut toujours rendre à César ce qui lui appartient, je précise que je me suis inspirée pour cette recette des crevettes à la feta de Chounille.

    La base est toujours la même: une poignée d'oignons émincés avec une gousse d'ail (le dimanche, ce n'est pas grave) revenant joyeusement dans un peu d'huile d'olive. Oui, petite précision: je ne cuisine jamais au beurre. Le seul endroit où j'accepte le beurre, c'est sur mes tartines et dans certaines pâtes à gâteau. Remplacer l'huile d'olive est sacrilège.

    Bref, une fois oignons et ail joyeusement revenus, mettre dans la casserole une tomate coupée en petits morceaux (les courageux peuvent peler la tomate avant en la trempant 5 à 10 secondes dans une casserole d'eau bouillante) avec son jus et environ 100g de feta. Laisser mijoter quelques instants, rajouter les crevettes, des herbes de provence et du basilic ainsi qu'une cuillère à café de pastis (dont l'abus est dangereux pour la santé si j'en crois ce qu'on m'en dit). Laisser encore mijoter un instant et servir avec des pâtes ou du riz.

    Croyez-moi, ça en jette, c'est bon, et c'est non seulement rapide mais aussi facile à faire.

  • Les variations Goldberg

    Mon premier Nancy Huston est aussi son premier roman. Une coïncidence qui n'est cependant pour rien dans le plaisir que j'ai pris à lire cette oeuvre.

    Liliane Kulainn invite trente personnes à venir l'écouter jouer les Variations Goldberg au clavecin dans sa chambre. Trente personnes qu'elle aime, ou qu'elle a aimé. Trente personnes avec qui elle a envie de partager ce moment. Trente personnes qui vont avoir des manières bien différentes de vivre ce moment entre intimité et exhibition.

    En fait, on ne peut pas vraiment parler de roman. La quatrième de couverture parle de suite narrative, et c'est bien de cela dont il s'agit. Trente chapitres, chacun donnant le regard d'un invité sur cette soirée, sur ses relations avec la musicienne et ses proches. Trente chapitres qui peu à peu construisent un tableau. Un tableau aussi beau que l'oeuvre musicale qui l'inspire. La contrainte pour l'écrivain était sans doute forte. Et elle s'en tire avec plus que les honneurs. C'est brillant.

    J'ai beaucoup aimé le style de Nancy Huston, cette capacité à épouser la manière de s'exprimer de ses personnages sans que jamais le trait ne soit forcé, sans que jamais on ne se lasse. Je dois avouer que je me suis perdue parfois dans le grand nombre de personnages, que j'ai parfois eu du mal à me souvenir des liens familiaux ou d'amitié les unissant. J'ai aussi été un peu gênée au départ par des débuts et fins de chapitre un peu curieux (on entre dans la réflexion des personnages au détour d'une phrase et on la quitte au détour d'une autre), mais au final, emportée par la musique des mots. J'entendais en même temps résonner les notes de Jean-Sébastien Bach.

    En plus d'être beau, c'est intelligent. La finesse des propos, la confrontation de points de vue très différents sur un même objet la musique donne un résultat d'une intelligence rare et d'un intérêt qui ne faiblit pas. A chaque variation, une nouvelle manière de voir la vie, la musique, le monde.

    Avec peu, Nancy Huston dresse un portrait des relations humaines, des incompréhensions entre parents et enfants, entre amis, entre amants. C'est parfois terrible d'ailleurs, ces regards croisés qui dévoilent à quel point le fossé peut être profond. Et c'est terrible aussi ces malaises, ces désespoirs si bien cachés que même ceux qui devraient pouvoir les percevoir ne le peuvent pas. En même temps, les liens existent, et ils restent forts. On les voit se recréer au fil de la lecture, au fil de la compréhension qu'on en acquiert.

    On ne sait pas vraiment au final pourquoi Liliane offre ce concert. Peut-être pour se trouver elle-même, peut-être pour retrouver ce qu'elle a perdu. Peut-être pour faire de tous les fragments qui constituent sa personnalité un tout. Peut-être tout simplement pour avoir un moment de silence en dehors du temps et dans le temps. Temps qui passe au fil des variations qui s'enchaînent, et temps qui se suspens pendant que la musique prend forme. C'est un peu le cadeau que Liliane Kulainn fait à ses invités d'ailleurs. Un temps pour le silence, un temps pour s'écouter soi-même en même temps ou à la place d'écouter la musique, un temps pour la pensée ou l'absence de pensée.

    On finit quand même par comprendre un peu. Par comprendre la souffrance d'une femme qui a fait de la musique sa vie, mais qui n'est jamais parvenue à l'entendre, cette musique, occupée qu'elle était à en être le passeur. Par comprendre qu'entourée par ces gens, elle cherche et réussit enfin à entendre, à se trouver.

    Je sors de cette lecture enchantée, dans tous les sens de ce terme. Un peu de magie s'est glissée dans mon quotidien, et j'en remercie Mme Huston. Je voudrais pouvoir vous faire partager des morceaux de cet émerveillement, mais il y en a tant que j'ai été obligée de choisir au hasard. C'est une oeuvre que je prendrais plaisir à relire. En entier ou par fragment. Juste pour le plaisir d'en réentendre la petite musique.

    "La première note, rejointe par la deuxième, ls deux entrelacées dans l'air, les tenir, insinuer un arpège de la main gauche, laisser vibrer ensemble, enlever un doigt, l'accord est transformé, détissé petit à petit, le silence se reconstruit, redevient intégral. Qu'en savent-ils des pauses, des soupirs, des aspirations, des suspensions, de tout ce qui fait le souffle de la musique, son aire invisible? Rien. Ils ne savent rien de rien. Ils ne veulent rien en savoir. Donnez nous notre bruit quotidien."

    Nancy Huston, Les variations Goldberg, Babel, 1994, 249 p.