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Chiff' - Page 12

  • Musée Granet - Collection Planque, l'exemple de Cézanne

    En bon rat de musée que je suis, je ne résiste pas à l'annonce d'une belle exposition, à plus forte raison quand on y expose une collection qui mélange les époques et les genres et dans une ville que j'aime d'amour. A ce compte, Jean Planque dont je n'avais jusqu'alors jamais entendu parler avait tout pour me plaire. Il faut dire que pour un destin, c'est un destin! Après tout, rien ne destinait cet enfant né dans une famille très modeste à devenir l'ami des plus grands artistes de son temps, à travailler pour la fondation Beyeler (si vous passez par Bâle, ne faites surtout pas l'impasse), et à réunir une collection fabuleuse. C'est cette collection dont le musée Granet d'Aix-en-Prov90679_1311589217_05_334x420p.jpgence est devenue dépositaire en 2010 et dont elle présente 120 pièces dans une très belle exposition jusqu'au 6 novembre.

    Ce qui frappe à parcourir les salles et à lire les explications qui les émaillent c'est une forme de modestie. Modestie parce que ce n'est pas la recherche du chef d’œuvre, de la plus belle pièce qui motive Planque. C'est plutôt, semble-t-il le plaisir, la découverte, de manière un peu amusante aussi, l'investissement puisque ses petits moyens ne lui permettent pas d'acquérir ces toiles de maîtres qu'il recherche pour d'autres. Et puis il y a ces rencontres, ces amitiés: Picasso, Dubuffet, les histoires qui se cachent derrière ces toiles qui ornaient sa maison qu'on découvre à travers des photographies. Merveille que cette cuisine où les toiles des plus grands côtoient les casseroles... et les "gribouillages" de Planque lui-même.

    Répartie sur plusieurs étages jusque sous les toits, la collection se dévoile petit à petit: Cézanne avec de merveilleuses aquarelles, Renoir, Hans Berger, Rouault, Picasso, Kosta Alex, Klee, et puis Roger Bissières, Aloïse, Antoni Clavé, et d'autres que j'ai découverts... Jusqu'à ces artistes que la fondation créée par Jean Planque à la fin de sa vie pour protéger sa collection soutient aujourd'hui, comme Alexandre Hollan dont les toiles m'ont laissée bouche bée. Autant dire que c'est uneimage_69255329.jpg belle manière de découvrir l'art moderne et contemporain, ou d'en approfondir la connaissance. 

    Bref, si vous êtes dans la région, foncez. D'autant que le musée Granet dans ses nouveau atours est devenu un espace plus qu'agréable, bien loin du souvenir poussiéreux que j'en gardais!

    Musée Granet

  • Seule Venise - Claudie Gallay

    seule_venise.jpgVenise en décembre, une pension. Un lieu comme un autre pour lêcher ses blessures après une rupture. Quitte à y retrouver le goût de vivre au gré des rues et des canaux de la ville, au gré des rencontres qui, parfois, font renaître le désir quand on le croyait mort.

    A se demander s'il est possible de résumer proprement et sobrement Seule Venise. Ou alors en style télégraphique? Venise - stop - Coeur brisé - stop - Joue aux échecs - stop - Libraire - stop. Pas plus convaincant: Seule Venise ne se raconte pas, parce qu'il ne s'y passe pas grand chose: une femme s'y rend comme pour s'y enterrer, elle y retrouve le goût de vivre. Entre ces deux moments, il y a la plume de Claudie Gallay, sa manière de décrire Venise qui donne l'envie immédiate d'aller se perdre à Torcello ou dans les ruelles de la ville, il y a ces personnages dont elle croque les amours malheureuses et les choix avec une certaine finesse. Au sein de la pension de Luigi, tous les moments amoureux ont rendez-vous: le fusionnel des débuts, le brisé, celui qui renaît de ses cendres, les prémisses... Mais ce n'est finalement pas cela qui m'a touchée. Au contraire même. J'ai suivi avec un intérêt mitigé, voire par moment un peu de lassitude la renaissance de cette femme, restant en surface de son histoire comme de celle du prince ou de Carla et Valentino. Pour moi, tout cela a sonné un peu trop "construit", trop évident. C'est Venise que j'ai aimée dans ces pages, son atmosphère sereine qui peut se faire pesante, la neige, l'humidité de ses murs, ses couleurs, décor parfait pour des histoires d'amour un peu tristes et la note d'espoir qui résonne tout à la fin.

    Lucie, Emeraude, Anne, Sylvie, Marie dont je partage en grande partie le ressenti, et bien d'autres...

    Gallay, Claudie, Seule Venise, Actes Sud, Babel, 2005, 302p., 3/5

  • Muse - Joseph O'Connor

    muse.jpgElle est belle, talentueuse, pauvre et actrice. Il est l'un des plus grand dramaturges irlandais. En 1907 à Dublin, John Synge rencontre Molly Allgood. Cinquante ans plus tard, elle se souvient de cet amour hors norme qu'ils ont partagé, de celui qu'elle n'a jamais pu oublier.

    "Alors il marche, et il marche avec ses vieilles bottes abîmées, et elle marche à ses côtés, par temps de pluie ou de canicule. Ils sont presque toujours côte à côte, rarement face à face, et leurs empreintes sur la plage forment de gracieuses parallèle qui ne se rencontrent guère."

    Voilà qui résume bien à mon sens l'histoire de Molly et de John, marchant ensemble sans parvenir à se rencontrer réellement, séparés par un milieu, par une éducation, par leurs aspirations et pourtant unis. Bien sûr Joseph O'Connor précise dans sa postface que les biographes le détesteront, que ce n'est pas dans son texte qu'il faut chercher à connaître le dramaturge. Mais pour moi qui ne le connaissais guère que de nom, et qui ne savait même pas l'existence de Molly Allgood, je dirais que ce n'est pas John Synge qui est important, mais ce que l'auteur fait de lui, fait de cet amour teinté de douleur, d'amertume, de bonheurs intenses brisés par l'incompréhension. Plus que tout, ce n'est pas John Synge qui est important mais Molly, merveilleux personnage qu'on découvre vieille actrice déchue, et jeune femme pleine de fougue et de passion traçant son chemin dans une Irlande puritaine. A travers eux, c'est l'Irlande qui se dessine, puritaine, marquée par la famine et l'émigration, le mépris, la famine. Il y a des pages merveilleuses sur l'amour, la vie, le théâtre et l'écriture, un souffle qui ne se dément pas jusqu'à la dernière page et qui laisse le coeur serré en abandonnant Molly sur cette lettre d'amour qui la résume toute et qui résume sa vie marquée par cet amour que, dit-on, on ne connaît qu'une fois et qui l'a tout à la fois soutenue et détruite.

    C'est un roman dont la finesse dans l'analyse des sentiments humains, dont la construction admirable m'ont laissée enchantée, un petit bijou qui plonge au coeur des atermoiements amoureux et qui offre une scène magnifique et tragique aux deux amants maudits. Indéniablement à découvrir.

    "Toute notre vie, nous livrons bataille dans les fers de nos mères. Mais même les chaînes produisent de la musique."

    Lili Galipettes sur Chroniques de la rentrée littéraire, Val, Cuné dont je partage totalement l'avis,

    O'Connor, Joseph, Muse, Phébus 2011, 258p., 5/5