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SFFF - Page 6

  • Rosée de feu - Xavier Mauméjean

    arton19299-d09cc.jpg1944. Le Japon met en oeuvre la stratégie de la dernière chance, celle des attaques suicides défendue par le capitaine Obayashi. Tatsuo Hanada, lui, escorte les pilotes volontaires. Son petit frère, Hideo, vit le quotidien des civils en temps de guerre.

    Rosée de feu est un roman pour le moins étonnant, un de ces drôles de mélanges dont Xavier Mauméjean est coutumier. C'est un roman historique, sans aucun conteste, au regard de la réalité des événements rapportés, mais un roman historique porté par des dragons qui n'ont rien en commun ou presque avec leurs frères de fantasy et porté par une écriture sèche, presque clinique qui écarte soigneusement toute sensationnalisme. e l'avoue, au départ, cette sobriété m'a un peu refroidie. Puis j'ai été gagnée par le cheminement vers l'inéluctable, la tension qui empreint le récit. La postface qui permet de mieux appréhender la construction du récit et l'alternance des voix, hommage à un art japonais et aux éléments de la pensée chinoise m'a permis, après coup, d'avoir un éclairage différent sur ce que je venais de lire, de l'ancrer un peu plus dans "l'esprit" japonais.

    Trois personnages principaux, trois points de vues permettent de découvrir le Japon en guerre: celui d'un enfant de six ans dont l'innocence ne résiste pas à la découverte de la réalité des adultes, celui d'un jeune homme de vingt ans usé par les combats, celui d'un gradé prêt à tout pour que l'espoir du Japon ne meurt pas. Importance de la tradition martiale, place de l'empereur, affrontements politiques et stratégiques, endoctrinement, propagande, nationalisme, patriotisme, le tableau est complet et fin, ne jugeant à aucun moment mais exposant des fait affrontés à une culture et une société accrochée à ses traditions, donnant par là des éléments de compréhension de l'attitude du peuple japonais pendant la guerre. Ce que j'ai trouvé fascinant, c'est d'aborder la guerre du "mauvais côté". On dépasse les témoignages de guerres, le plus souvent ceux des vainqueurs, l'imagerie de guerre comme celle portée par des romans, des films, ou des bandes dessinées comme Buck Danny pour aborder la guerre côté japonais, la complexité des derniers mois du conflit et du phénomène des kamikazes bien moins simple que ce qu'on a pu en imaginer.

    La sobriété du ton rend d'autant plus terrible l'horreur de la guerre. Nul besoin d'en rajouter, les chiffres parlent d'eux-mêmes, la description des dégats aussi, des résultats des frappes du Shimbu sur les navires américains à la prise de Nankin en passant par la destruction de Tokyo et les batailles terrestres. Quand à l'impact des citations d'époque, il en est renforcé. Le plus déstabilisant, ceci dit est le mélange des faits et de ces dragons qui induisent une sorte de distorsion. On est dans le réel, le vrai (dans la mesure ou l'histoire est "vraie", mais je ne vais pas me lancer dans une longue digression sur la vérité et la fiabilité en histoire, quoi que, ça aurait sans doute été moins long que cette parenthèse que, rassurez-vous, je vais refermer), mais pas tout à fait. Les chasseurs, avions de reconnaissance et autres bombardiers sont remplacés par des dragons qui ont des caractéristiques "techniques", un personnel attaché à leur entretien, un peu comme des machines, mais organiques, un peu comme les chevaux et autres animaux utilisés pendant les guerres jusqu'en 1918. Ce sont des animaux, présents dans les plus anciennes légendes, mais des animaux qu'on élève et avec lesquels les pilotes ont des relations qui ressemblent un peu à celle qu'un cavalier pourrait avoir avec un cheval.

    Je m'arrête là. Vous aurez compris que je conseille chaudement: aux amateurs d'histoire, à ceux de science-fiction et à tous ceux qui aiment qu'on les secoue.

    Mauméjean, Xavier, Rosée de feu, Le Bélial, 2010, 263p, 4.5/5

     

  • Starfish - Peter Watts

    9782265089488R2.JPGLenie Clarke et ses compagnons ne sont pas plongeurs, peu d'entre eux sont des scientifiques et pourtant, ils vont se retrouver pendant un an à plus de 700 mètre de profondeur. Leur travail, entretenir les installations qui permettent d'utiliser l'énergie phénomènale dégagée par le jeu de la tectonique des plaques. Leur compétence, être capable de s'adapter à cet endroit. Mais quand on réunit au fond de l'océan des psychotiques, garder le contrôle de la situation est un voeu pieu. Surtout quand une apocalypse se dessine à l'horizon.
      
     
    "L'abysse devrait vous clouer le bec.
    Le soleil n'a pas touché ces eaux depuis un million d'années.
    Les atmosphères s'y accumulent par centaines, les fosses pourraient avaler douze Everest sans le moindre rot. On dit que la vie elle-même a commencé au fond des océans. Possible. Sa naissance n'a pas dû être facile, à voir ce qu'il en reste..."


    D'un côté (mais d'un côté seulement hein, pas besoin de commencer à taper), pour vous donner une idée, j'ai pensé à Abyss, le film de Cameron. De l'autre, Starfish explose totalement Abyss. Abyss c'est beau, c'est la découverte d'une nouvelle forme de vie, c'est le combat d'une joyeuse et sympathique équipe de branquignoles contre de méchants militaires en proie au mal des profondeurs. J'ai adoré. Starfish, c'est une bande de psychotiques lâchés en milieu hostile et manipulés par un consortium aux intentions pas franchement avouables. J'ai adoré aussi.
    J'ai adoré parce que c'est une oeuvre ambitieuse qui démarre comme un roman psychologique et termine comme un roman de SF pur jus. Le  début est intriguant: on suit l'installation d'une équipe dans une station d'entretien sur le rift entre les plaques tectoniques nord-américaine et pacifique. Des personnalités difficiles, des individus psychologiquement atteints, névrosés, capables de s'adapter à des conditions de vie hallucinantes, à la confrontation à des formes de vie monstrueuses et à un corps modifié. C'est assez fascinant de suivre cette équipe, de la voir se déchirer, s'habituer, se modifier petit à petit jusqu'à devenir dépendante de cette vie qui pour les "sêcheux" a tout du cauchemar et devenir plus ou moins qu'humains. Peter Watts explore ainsi les limites de l'humanité en une réflexion qu'il prolonge en introduisant le thème de l'intelligence artificielle et en l'exploitant avec finesse.
    En même temps, Starfish est aussi un thriller politique, écologique et scientifique dont les enjeux se dessinent petit à petit, introduisant dans le récit une tension croissante qui devient presque insupportable sur la fin, tant on se demande où diable veut en venir l'auteur et vers quoi il va. Le dénouement en forme d'explosion est ma foi assez magnifique encore qu'un brin rapide à mon goût et son effet est accentué par le style froid, presque clinique de l'auteur.
    Bref, une oeuvre ambitieuse qui fait l'effet d'un coup de poing et qui laisse espérer une suite que j'attends avec impatience. En attendant, je vais me pencher sur le cas de Vision aveugle qui attend sur mes étagères depuis bien trop longtemps!
    Watts, Peter, Starfish, Fleuve Noir, 2010, pas assez de pages j'en veux encore, 4.5/5

     

  • Blaguàpart - Don Lorenjy

    blaguaparts.jpg"Top, c'est parti. Je suis un recueil de seize nouvelles où la réalité est mise à mal, où le futur comme le passé se prennent quelques séries de baffes monumentales. Je voyage dans l'espace sous forme de cube, sous forme de navette déglinguée, j'ai des potes commandos des frontières de l'infini, d'autres qui ont le tentacule facile. J'aime les enfants, j'aime pas les hôpitaux, j'entends des voix, je chante le Canto-pilote électrique. Quand j'ai créé le monde j'étais un concept, quand je l'ai vu disparaitre j'avais des cors aux pieds. Je suis ... Je suis ...
    - Blaguàparts, de Don Lorenjy !
    - Bravo, vous gagnez une trottinette."

     

    Là, comme je me suis marrée, j'ai embarqué le recueil. Avant de me rendre compte qu'entre lui et moi les choses partaient décidemment très bien. Au sommaire, Suzanne on line. Et le souvenir d'avoir eu mal aux abdos qui remonte soudainement à la surface.

    Il va sans dire que la quatrième de couverture intégralement recopiée (nan ce n'est pas de la paresse, c'est du partage, admirez ma gentillesse et ma bienveillance non mais) qui figure ci-dessus donne le ton du recueil.

    C'est drôle, très drôle. Et en même temps cynique, ironique, décapant, caustique, vous êtes autorisés à ajouter les synonymes que vous voulez.

    Don Lorenjy a l'art et la manière de croquer les travers humains avec un humour qui fait mouche: société de consommation, égoïsme forcené, tendance à entuber le voisin ou à tirer avant de discuter, manipulation tout y passe. Mes amis, l'avenir risque fort de ne pas être rose, mais ce n'est pas une raison pour ne pas en rire.

    Il y a des petits bijoux, comme la fameuse Suzanne dont le dialogue avec Dieu n'est pas piqué des hannetons. Ou Organum aussi joli que drôle. On y apprend des choses sur les bourgeons et le big bang, on réflechit sur l'information et la fin du monde. On fait connaissance d'aliens pas franchement désintéressés et d'une réalité ma foi assez lovecraftienne.

    Et puis on suit 5 snipers de l'espace dans une ambiance très Starship Troopers en plus rigolo. Dans le genre jeu de massacre réjouissant, c'est un grand moment: en fait de héros aux sourires éclantants de blancheur, on se retrouve avec des bonshommes bedonnants, pervers, pas franchement malins et ultra violents qu'on adore détester. Et imaginer atterrir.


    Bref, il y a à boire et à manger dans ce recueil aussi hilarant qu'intelligent. Vivement les prochaines nouvelles du sieur Lorenjy!

     

    Une interview du monsieur. Et l'avis du Dragon Galactique.

    Don Lorenjy, Blaguàpart, Griffe d'encre, 2010, 215 p., une mascotte en super forme, 4/5

  • Les enchantements d'Ambremer - Pierre Pevel

    pevel Les Enchantements dAmbremer.jpgParis, 1909. Les messieurs portent la redingote, les dames des jupons, les voitures sont encore objet rare. Rien d'inhabituel si on oublie une tour Eiffel en bois blanc et un étrange château dans le lointain du bois de Boulogne. Celui d'Ambremer. Car les fées ont décidé de dévoiler aux hommes l'existence de l'OutreMonde, et nulle part ailleurs qu'à Paris, la féerie n'est aussi présente. Dans la vie comme dans la mort: une étrange série de meurtres défraie la chronique, meurtres sur lesquels Louis Denizart Hippolyte Griffont, mage du Cercle Cyan de son état, est chargé d'enquêter et qui vont le mener au coeur de dangers dont le moindre n'est pas Isabel de Saint-Gil, fée rénégate avec laquelle il est contraint de faire équipe. Notre magicien n'est pas au bout de ses peines...

    Ou comment découvrir la magie de Paris sous un autre angle: une tour Eiffel qui a une drôle de couleur, des sirènes dans la Seine, des arbres qui parlent, des animaux dotés de raison,  gargouilles vivantes, un métro dont le terminus est le royaume des fées, il y a de quoi faire rêver et frissonner!

    Ce à quoi s'emploie Pierre Pevel avec un beau bout de plume, une imagination débridée, un sens du rebondissement indéniable, un art de la mise en scène et du dialogue qu'on ne peut nier. On pense aux romans feuilletons, à Sherlock Holmes, à la Ligue des gentleman extraordinaires, aux délicieux romans policiers de ces temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, et à juste titre: l'auteur maîtrise son sujet et sait parfaitement glisser au fil des pages des hommages et des clins d'oeil qui font sourire. Il installe une ambiance au charme suranné, y fait se mouvoir des personnages hauts en couleur, et s'il n'échappe pas à quelques clichés et facilités, il veut manifestement se faire plaisir et faire plaisir à son lecteur ce qui est totalement réussi. J'ai passé quelques trop courtes heures de bonheur à suivre Louis dans ses aventures, à le voir se chamailler avec Isabel, côtoyer la police, explorer une bibliothèque magique qui me fait saliver et vivre de folles aventures, le tout emballé dans le style enlevé de Pierre Pevel qui m'en a fait oublié les quelques petits défauts que j'ai pu trouver à l'ensemble. Parce qu'il y en a: une fin un peu rapide, un univers qu'on aurait aimé pouvoir explorer un peu plus,des répétitions... Mais en face il y a ce croisement réussi entre roman policier, roman feuilleton, conte de fée et fantasy, un univers entraînant, confortable, amusant qu'on quitte à regret. Il y a ces créatures magiques qu'on croise avec plaisir, de gnomes en fées en passant par les elfes, les dragons, quelques membres des Brigades du Tigre, des sorciers maléfiques et un petit roi des rêves!


    "Il était une fois le Paris des Merveilles..." Effectivement, c'est à une belle balade dans Paris que nous convie Pierre Pevel. J'ai passé un excellent moment, trop vite terminé et qui me donne envie de mettre la main sur la suite des aventures de Louis et Isabel, apparemment trèèèès difficilement trouvable. Comme si c'était ce qui peut m'arrêter!

    L'avis d'Uncoindeblog, celui de SBM.

    Pevel, Pierre, Les enchantements d'Ambremer, LGF, 2007, 350p. 4/5

  • Shiro - David Spailier

    Libérée d'une traversée du désert éternelle d'une durée d'au moins un mois, Chiffonnette Chiffon, se jeta telle une vampirette n'ayant pas vu une coupinette depuis des lustres sur la pile instable gisant dans les recoins de son terrier, espérant y trouver de quoi sustenter sa faim dévorante.

    Las, dans la pile se trouvait prioritairement quelques lectures urgentes, voire urgentissimes. Délaissant donc à regret le shoot de fiction qu'elle appelait de ses voeux, Chiffonnette attrapa la première des urgences en question. Laquelle se révéla tellement mauvaise qu'elle en rata sa station de métro, consternée par tant de... Tant de... Tant de... Mon Dieu, je n'en trouve plus mes mots!

    Vérité vraie, chers amis, j'en ai raté ma station de métro. Entendons-nous bien, cela ne m'était jamais arrivé d'être consternée au point de lever le nez, de regarder d'un air hagard le panneau de la station avant de replonger le nez dans le paragraphe et de hurler de rage quelques minutes plus tard. C'est dire. Pourtant, pourtant, Shiro avait tout pour me plaire. Ce n'est pas la quatrième de couverture qui me l'avait dit puisqu'il n'y en a pas, mais que voulez-vous, le premier paragraphe m'a eue! J'ai ouvert un oeil, un deuxième, trouvant l'accroche ma foi plutôt percutante. Le problème, c'est que le reste n'a pas suivi.

    9782915517484FS.gifLe fond était pourtant intéressant: dans un monde dont on ne sait guère à quel point il est proche, deux enfants, Elliott et Daisy, enfermés depuis leur naissance dans des chambres hermétiques d'un centre sont l'objet d'expériences mystérieuses dirigées par le docteur Wilson Willard, ancien enfant du centre. Petit à petit, va se dessiner un univers qui a vu l'avénement d'une intelligence artificielle forte et d'où l'humain a disparu totalement. Un univers où la gigalopole de Tokyozaki s'élève vertigineusement et où les machines s'efforcent de recréer l'humain, de régresser de la perfection de la machine pensante aux émotions de chair, de sang et de pensée. Eliott et Daisy sont deux expériences prometteuses. Deux expériences qui vont peu à peu devenir des grains de sable vite broyés par l'univers dans lequel ils évoluent. Il y a beaucoup de choses de Shiro, et notamment une réflexion passionnante sur ce qu'est l'humain à travers trois personnages qui ne sont plus tout à fait des machines, mais pas encore des êtres humains et qui vont se heurter aux murs d'une identité qu'on ne leur laisse pas découvrir. L'humanité, Elliott, Daisy et même leur démiurge, ne la connaissent que par les vestiges d'émissions de télévision et de films. Il la découvre aussi dans les doutes, les colères, la volonté de liberté ou la peur qu'ils ressentent, l'anoisse qu'ils cherchent, chacun à leur manière de calmer. Il s'y heurtent faute de pouvoir l'exprimer dans un monde où, si l'on cherche à revenir à l'organique, la logique stricte et froide du langage binaire est incapable de comprendre et de ne pas perçevoir comme une menace la différence qu'ils représentent. David Spailier raconte ainsi l'histoire de trois freaks dans un monde de machine qui les rejette. J'ai aimé l'idée de ce point de vue inversé: au lieu de machines évoluant dans un monde d'humains, ce sont des presque humains qui évoluent dans un monde de machine. Une autre manière d'envisager la matrice remise au goût du jour il y a quelques années.

    Mais ce fond, pour dense et riche qu'il soit est déservi à mon sens par un style que j'ai trouvé prétentieux qui m'a crispée de la deuxième à la dernière page: des métaphores récurrentes lourdes, un style incisif qui sonne ampoulé, une manie de faire suivre toute mention de couleur par l'équivalent en version nuancier numérique (merci, on avait compris, monde de machine, etc, etc.) une tendance exaspérante à commencer une phrase en anglais pour la terminer en français et inversement, une manière de faire parler Elliott et Daisy qui ne sonnait jamais juste... J'en passe. Mon appréhension du récit va dans le même sens. Passer d'un personnage à un autre de chapitre en chapitre, soit, j'y suis habituée, mais j'ai eu un sentiment grandissant d'ennui à suivre des non événements qui se suivent et s'enchaînent, les plaintes, atermoiements et révoltes des trois principaux protagonistes ne suffisant certes pas à éveiller plus avant mon intérêt. Il est vrai que l'intérêt n'est pas temps événements et actions que la manière dont la réflexion des personnages évolue d'interactions en interactions. Mais si ce brave docteur Wilson Willard semble devoir jouer le rôle du "poète maudit" enfermé dans un rôle dont il ne peut sortir et qu'il maudit, son comportement de dandy affecté devient très vite insupportable. Sans parler des deux enfants qui enfermés dans des chambres avec pour seule compagnie et éducateur une télévision se mettent à philosopher sur le sens de la vie. Je veux bien que tout ce petit monde soit des robots très perfectionnés, mais le procédé était un brin "trop" pour moi.

    Bref, une rencontre ratée et bien ratée. Je ne suis sans doute pas pourvue des bons circuits pour apprécier...

    Spailier, David, Shiro, Editions Imho, 2010, 2/5