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SFFF - Page 4

  • Sans âme - Gail Carriger

    sans-c3a2me.jpgBien, bien, bien, bien, bien. C'est là que, paraît-il, les athéniens s'atteignirent... C'est que, comme qui dirait, je ne vais pas être la première, loin de là à pousser de grands ho, hi, ha, et plus si affinités en parlant du premier tome de la formidable série Le protectorat de l'ombrelle. Rien que ce titre, franchement, ça ne vous fait pas envie à vous? Non? Alors je ne sais pas ce qu'il vous faut! Un protectorat de l'ombrelle! Avec du loup-garou 100% véritable! Du vampire 100% mort! De l'action, de l'aventure, du muscle utile! De toute manière, vu la pub d'enfer que faisaient les copines à lord Maccon et à sa chère et tendre Alexia, je ne pouvait pas résister fort longtemps. A la première page j'ai gloussé, à la seconde retenu un fou rire, à la troisième hoquetté. J'étais fichue (oui, encore).

    C'est que Sans âme est un roman diablement bien troussé. Non seulement il se paie le luxe d'installer un univers ma foi intéressant où les créatures magiques ont droit de cité, en tout cas au sein de l'Empire britannique (il y a des vilains pas beau qui ont des projets machiavélique, et heureusement, sinon l'ennui poindrait le bout de son nez, encore que, avec Alexia dans les parages...), mais en plus les personnages, Alexia (et son ombrelle), et lord Maccon loup-garou et alpha de son état sont profondément réjouissants. La première a pour caractéristique de ne pas avoir d'âme ce qui lui permet d'annuler les pouvoirs des créatures qui la touchent, et, pire, d'avoir un père italien, et mort ce qui obère largement les chances de mariage que lui laissaient son caractère bien trempé. Quant au second, il est écossais, ce qui résume assez bien la situation. Chacune de leurs querelles fait naître un sourire que l'esprit aventureux et purement scientifique d'Alexia ne fait que renforcer. Il y a quelques scènes où son abnégation est d'ailleurs profondément admirable. S'ils étaient seuls, ce pourrait être un peu court, mais autour d'eux gravite une galerie de personnages secondaires hauts en couleurs, souvent cocasses qui servent à merveille une intrigue qui va à 100 à l'heure. Les dialogues sont piquants à souhait, les bagarres épiques, les méchants suffisamment méchants pour faire ce qu'on leur demande, on retrouve par-ci par-là des références à la littérature classique britannique... Bref, c'est un coup de coeur. Et puisqu'il paraît que la traduction est excellente, ce qu'à vue de nez je confirme puisqu'à aucun moment je n'ai grincé des dents, je vais aller le vérifier en relisant ce fabuleux premier tome in english dans le texte, et la suite pour faire bonne mesure. C'est pour la science, il faut que j'étudie de plus près les moeurs des loups-garous.

     

    Pimpi, Karine:), Petite fleur, Fashion (tout ça c'est de ta faute, oui, encore), Chimère, Yueyin,...

     

    Carriger, Gail, Sans âme, Orbit, 2011, 324 p., 5/5

  • Les lames du cardinal - Pierre Pevel

    livres-les-lames-du-cardinal-62.jpgAn 1633. Louis XIII règne sur le royaume de France, Richelieu gouverne et tente de déjouer les complots contre sa personne et, plus grave, contre le trône de France, menacé par bien des adversaires dont les plus dangereux sont les dragons, tout puissants à la cour d'Espagne, influents en France et avides de reconquérir le pouvoir qui fut celui de leurs ancêtres. Or, la menace grandit. Au point de faire appel à un groupe de combattants, une élite sacrifiée aux nécessités politiques qu'il faut réunir de nouveau. Sous les ordres du capitaine La Fargue, Les lames du Cardinal se reforment pour faire face à une ennemi sans doute plus redoutable que tous ceux qu'ils avaient jusqu'alors affrontés.

    Comment définir la chose... Du Dumas sauce dragons? Un tantinet réducteur, mais c'est bien de cela dont il s'agit: un roman d'aventure trépidant, un feuilleton mêlé à une fantasy plutôt enthousiasmante où dragons et magie se mêlent. Il est vrai que j'avais déjà fort apprécié du même sieur Pevel Les enchantements d'Ambremer. Là, j'ai adoré. D'abord parce que le contexte historique n'est jamais au grand jamais dénaturé. Pierre Pevel s'est solidement documenté, et recrée un Paris du début du 17e siècle plus vrai que nature. On voit les rues populeuses, on sent l'atmosphère d'une capitale déjà effervescente, et on suit avec plaisir les lames des bas-fonds aux sphères les plus hautes de la société française, du quotidien à l'événement de cour le plus exceptionnel. C'est toute une époque qu'il fait revivre avec talent et sans jamais l'air de donner une leçon d'histoire. Car l'important, c'est l'aventure, et en ce qui la concerne, le lecteur est 526-lames-cardinal-pevel-tome-2.jpgservi. Espionnage, duels, combats homériques, fuite éperdues, complots, il y en a pour tout les goûts, l'histoire prenant le temps de se développer sur trois tomes et se complexifiant petit à petit autour de dragons dont les relations sont, comme dans le monde humain, régies par des enjeux de pouvoir et des luttes intestines ou ouvertes. Sy ajoutent les soeurs de Saint Georges, ordre religieux usant de la magie et combattant les dragons, les dracs, et d'autres trouvailles comme les dragonnet.

    J'avoue ne pas avoir boudé mon plaisir, et l'avoir d'autant moins boudé qu'entre Marciac le gascon séducteur, Saint-Luc le sang-mêlé, La Fargue, Agnès l'amazone et son fidèle Ballardieu, Almadès le taciturne, Laincourt le mystérieux et Leprat le mousquetaire, les relations sont hautes en couleur et que, ce qui ne gâche rien, loin de là, on croise de loin en loin M de Treville, d'Artagnan et Athos. Il est d'ailleurs plutôt amusant de voir de l'extérieur la rivalité entre gardes du cardinal et mousquetaires et de découvrir un peu mieux les fameuses casaques rouges.

    Chaque personnage, s'il n'a rien de révolutionnaire, tient son rôle de bout en bout et s'avère au bout du compte plus complexe qu'à première vue, chacun portant le poid d'un passé parfois trouble sans être dénué d'un humour toujours bienvenue entre deux aventures et quelques rebondissements. Dommage que quelques questions les concernant restent sans réponse, j'aurais vraiment aimé en apprendre un peu plus sur certains d'entre eux!

    les lames du cardinal, tome 3.jpgSeul bémol, la tendance de Pierre Pevel aux répétitions qui peuvent se faire, par moment, un peu agaçantes. Mais j'ai eu, il est vrai, la chance de ne pas devoir attendre entre deux tomes. Encore qu'au bout d'un petit millier de pages, on finit par intégrer le fait que l'atmosphère de Paris ne sent guère la rose et que la boue y est légérement corrosive.

    Bref, c'est un excellent roman d'aventure qui réussi le pari de mêler histoire et fantasy sur un mode feuilletonnesque des plus réjouissant tout en rendant un bel hommage à l'univers de Dumas. Bravo M. Pevel!

    Folfaerie, Imaginelf, Nicolas Soffray,...

    Pevel, Pierre, Les lames du cardinal, L'alchimiste des ombres, Le dragon des arcanes, Bragelonne, 4/5

     

     

     

    Ca compte dans le Winter Tome Travel de Lhisbei!

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  • Frey - Chris Wooding

    Once upon a time, Chiffonnette occupait agréablement son temps autour d'un cocktail d'une tasse de thé avec quelques compagnes de  broderie, tapisserie, cancanage , bref, avec quelques compagnes, quand au cours d'un échange jusque là serein portant dans le désordre sur Star Wars, Starship Troopers, le pantalon de Han Solo et un certain Doctor (voire des piranhas avec des dents vraiment très pointues) survint un affreux, encore que glamourous, hurlement: "KWAAAAAAAA! Tu n'as jamais vu Firefly????????" (oui, avec autant de points d'exclamation, je vous le jure, je les ai entendus). Non, Chiffonnette n'avait jamais vu Firefly. Et s'en sentit subitement fort marrie. Surtout quand elle eut entendu le descriptif suivant: western de l'espace, Mal, explosions (si, quand même un peu), contrebande et arnaque, vaisseau spatial, Joss Whedon. Je vous livre là une version incomplète et sans le ton.

    firefly.jpgOr donc, Chiffonnette repartit avec sous le bras, Firefly et Serenity (pour toute explication, voir ) et l'ordre catégorique de regarder le tout fissa. Ce qui fut fait avec d'autant plus de diligence qu'il s'agit effectivement d'une série absolument fabuleuse, inventive, débordante de qualités, de personnages géniaux, de rebondissements et d'action. Ce qui me permet au passage de maudire la Fox sur cent-soixante-quatre générations pour avoir flingué la dite série.

    Si vous n'avez pas encore abandonné, sachez que nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet. Enfin presque. J'aime donc Firelfy, Mal, les vaisseaux spatiaux, la baston et les explosions. Aussi, quand on me met sous le nez un roman dont la quatrième de couverture rappelle assez furieusement Firefly, Mal et promet de surcroît de la baston, des vaisseaux spatiaux et on peut le supposer, des explosions, je couine. Et je trépigne. Élégamment, cela tombe sous le sens.

    Encore là? Bien. Frey donc.

     

    jpg_frey_200.jpgSoit, la couverture fait hausser un sourcil. Soit, certaines tournures de phrase m'ont fait grincer des dents. Mais alors quel bonheur à lire! C'est un roman bourré d'action qui reprend effectivement un peu de l'ambiance de Firefly, rend ainsi un bel hommage à cette série tout en s'en démarquant tant avec ses personnages hauts en couleur qu'avec un univers qui emprunte aux histoires de pirates avec leurs repaires secrets, leurs cartes mystérieuses et leur code d'honneur, et y mélange au passage un brin de créatures mystérieuses et de magie. On ne s'ennuie pas une minute à suivre les aventures de cet épuipage de bras cassés mené par un capitaine pas bien flamboyant, à les voir révéler dans l'adversité leurs qualités, leurs failles et finir par former une espèce famille totalement dysfonctionnelle où même le chat a de sérieux problèmes psychologiques. Il faut dire qu'entre un capitaine qui aime l'arnaque, un médecin qui tête de la bouteille, un démoniste qui cajole son golem, une navigatrice qui a un peu de mal à respirer un froussard et un crétin, un grand baraqué taciturne, sans oublier un vaisseau un peu cabossé il y a de quoi faire. Le tout est souvent hilarant, prenant à défaut d'être franchement inventif, et en tout cas vraiment plaisant à lire. C'est malin, j'ai envie de revoir Firelfy maintenant!

    ps: oui Fashion, je vais te rendre Mal, promis juré. Et même, pour me faire pardonner je vais te prêter Frey. Son manteau est presque aussi chouette que celui de Mal.

    Simatural en parle beaucoup mieux que moi, l'avis de Blackwolf.

    Wooding, Chris, Frey, Bragelonne, 2011, 424p., 4/5

     

  • Le cycle du Latium - Thomas Burnett Swann

    9782757802335FS.gifAu sein de la forêt, Mellone la dryade mène une vie paisible, entre son arbre et ses abeilles, son peuple et les être magiques qui l'entourent. Mais voilà qu'Enée arrive sur les côtes de son monde, investi, croit-il, du devoir de créer une nouvelle Troie, la forêt s'agite. Quant un homme tue son ami, Mellone jure vengeance, même si elle s'interroge sur Enée et ceux qui l'accompagnent: monstres assoiffés de sang? Ou bien autre chose? La curiosité va être plus forte que tout...

     

    Ce cycle, je l'ai repéré dans Les nombreuses vies de Harry Potter, opus de la bibliothèque rouge des Moutons électriques ô combien fourmillant de références toutes plus alléchantes les unes que les autres. Vous imaginez donc bien que le jour où j'ai mis la main sur les trois tomes chez ce bon vieux G., je suis repartie en les serrant sur mon coeur et fermement décidée à partir à la découverte de ce classique de la littérature anglo-saxonne. Ce qui fut fait pour le plus grand bénéfice de ma tranquillité d'esprit.

    Le cycle du Latium, c'est la réécriture de la fondation de Rome, avec un parti pris nettement affirmé dès les premières pages, celui de plonger son lecteur dans un univers de magie où dryades et centaures, sirènes, satyres et autres créatures prennent vie. Du coup, le récit de la fondation de Rome est aussi, et surtout, celui de la vie de Mellone, de ses relations et de son amour pour Enée, de son histoire avec Remus et Romulus, et celui de la mort du vieux monde, la fondation de Rome incarnant au final la victoire des hommes, paradoxalement aidée par ceux-là même qui sont appelés à disparaître.9782757802342FS.gif

    C'est avec une belle plume, aux accents poétiques parfois un peu maniérée que Thomas Burnett Swann dépeint un monde bucolique, presque idyllique, avant d'instiller petit à petit le malaise, de montrer la face sombre, violente des peuples magiques qui n'ont rien à envier sous cet aspect aux humains. Les trois tomes sont un étrange mélange d''amours, deuils, trahisons, complots politiques batailles sanglantes, jalousies, adultères, meurtres entrecoupés de moments de bonheur contemplatif. Le 298549.jpgmatériau originel n'est pas avare en drames dont le moindre n'est pas le meurtre fondateur de Remus par Romulus, à quoi les choix narratifs de Burnett Swann qui mettent dans le même temps en avant une autre manière de voir et vivre la nature et une réflexion sur l'ouverture à autrui et l'histoire assez riche. Dommage que le texte soit parcouru d'incohérences sans doute accentuées par la réédition dans l'ordre chronologique des textes qui n'est pas celui du récit (choix expliqué par l'éditeur). Il faut dire que le cycle du Latium est inachevé et à mon sens, inégal. Rien de bien grave tant certains passages sont absolument merveilleux, comme le séjour d'Enée chez Didon et la découverte du peuple des éléphants, mais de quoi rendre la lecture parfois un peu malaisée. Reste une très belle découverte.

    Burnett Swann, Thomas, Le cycle du Latium, t.1 Le phenix vert, t.2 Le peuple de la mer, t.3 La dame des abeilles, Point fantasy, 2007, 3/5

     

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  • Lavinia - Ursula K. Le Guin

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    « Une fille lui restait, seule héritière de sa maison et de ses vastes domaines, déjà mûre pour le mariage, bien en âge de prendre un époux. Plusieurs princes du Latium et de l'Ausonie toute entière briguait son alliance. »

    Mais Lavinia, elle, suivra les présages qui disent qu'elle sera l'épouse d'un étranger venu d'au-delà les mers et avec qui elle posera les fondations d'un empire. Au prix de la guerre et du deuil, car Enée remonte le Tibre pour accomplir son destin et vivre le peu de temps qui lui reste à vivre,

    Lavinia parle, ou prend la plume. En tout cas, elle livre sa parole, elle, personnage de papier, si mince que son destin tient en quelques lignes, écrasée par la gloire et la tragédie de son époux, par Troie, Hélène et les flammes qui ont tout ravagé. Lavinia si pâle au regard de la geste des héros, dont le poète se rend compte trop tard quelle magnifique héroïne elle est. Aurait pu être. Car on ne sait guère au fil des pages où se séparent réalité et fiction, si Lavinia vit et respire entre deux lignes d'une histoire qui ne fait que l'effleurer, si elle est et se perd dans les phrases de de fantôme qui se confond et qui est, peut-être le poète qui lui a si mal donné vie. Tout en finesse, Ursula K. Le Guin introduit à une réflexion qui se poursuivra tout au long du roman sur la fiction, ses liens avec le réel, et sa puissance.

    « A ce que j'en sais, c'est mon poète qui m'a rendue réelle. Avant qu'il n'écrive, j'étais une silhouette perdue dans la brume, guère plus qu'un nom dans une généalogie. C'est lui qui m'a donné la vie, qui m'a donné une identité et donc la capacité de me souvenir de ma vie, de mon identité; et mes souvenirs sont très nets, liés à de riches émotions qui s'imposent à moi alors que j'écris, peut-être parce que les événements dont je me souviens n'accèdent à l'existence que losque je les écris, ou lorsqu'il les écrit. »

    C'est une sorte de magie, magie des histoires ou magie de ce monde où les dieux et les oracles parlent, où Lavinia écoute cette ombre, le poète, qui lui raconte Enée, Troie, Didon, et quelques bribes du futur, qui regrette de ne pas l'avoir vue avant de la rencontrer au seuil de sa propre mort. On est pris de vertige par moment, à ne plus savoir s'il noue le destin de Lavinia en lui révélant des bribes de son avenir ou s'il joue le jeu d'une histoire déjà écrite et à tenter de deviner ce que sont ces événements qu'il n'a pas eu le temps décrire et qui adviennent dans les interstices de son poème. Magie en tout cas de la plume d'Ursula Le Guin (mention spéciale à la magnifique traduction de Marie Surgers) qui déroule sous les yeux de son lecteur le Latium et ses coutumes, ses guerres, sa religion, ses hommes et ses femmes qu'on sent presque respirer, entremêlant dans ce décor d'une immense richesse et d'une grande justesse, le récit de Virgile et le sien. On sent tout l'amour qu'elle a pour le poète, sa connaissance de l'Antiquité et l''envie qu'elle a de partager tout cela. 

    Lavinia est un texte dense, qu'on ne quitte qu'à regret tant on s'est attaché aux personnages, tant il est prenant, tant il y a à y puiser. De manière assez surprenante quant on se souvient des récits de Virgile, Homère, de la mythologie, ou même du cycle du Latium de Thomas Burnett Swann (billet à venir), le sur-naturel n'est présent que par petites touches: pas de dieux et de demi-dieux, de forces surhumaines, d'éclairs et de nymphes dans la forêt d'Albunea. Mais la piété, les rituels, les oracles auxquels tous se soumettent, les mystères, des croyances et une pratique dont on découvre les subtilités entre révérence à la terre, au foyer, aux ancêtres et acceptation du destin dans laquelle parfois se cache la liberté. C'est le cas pour Lavinia, magnifique personnage féminin, complexe, sensible, forte, qui choisit d'accepter l'oracle du poète et se révolte ainsi contre la volonté de sa mère Amata, de son peuple, et des princes. Ce n'est pas la moindre des contradictions que de se révolter pour se soumettre à un destin et à un homme, et cela malgré le prix que l'on sait lourd de sang et de culpabilité. A travers elle, Ursula k. Le Guin dépasse l'image qu'on a souvent du statut des femmes dans l'antiquité comme étant à peine plus que des esclaves, passant d'une tutelle à une autre. Des femmes grecques, on ne saura rien de plus que ce que les rodomontades d'Ascanius laissent apparaître et que ce qu'on voit de la première épouse d'Enée et des troyennes semble démentir. Des étrusques et latines, on voit des femmes composant chacune à leur manière avec les règles sociales, la maternité, les époux que le sort ou leur famille leur ont donné, l'esclavage pour certaines. Sans dissimuler la dureté de la condition féminine, elle dit la possibilité de l'amour paternel, de l'amour entre deux époux, la possibilité d'intervenir en politique, dans la guerre même, de gagner ou de perdre des combats. A travers Lavinia, Ursula K. Le Guin dit la possibilité et la difficulté d'un entre-deux qui soit, entre la soumission et le rejet, une cohabitation harmonieuse, mais aussi la complexité des relations sociales.

    Tous les personnages, masculins comme féminins sont à l'image de Lavinia, aussi complexes, déchirés entre leur devoir et leurs désirs, parfois perdus, parfois affaiblis, à l'image du roi Latinus débordé par son épouse et une guerre qu'il ne parvient pas à éviter, d'Enée qui porte la culpabilité de ses déchaînements guerriers ou de son fils Ascanius incapable d'assumer l'héritage de son père.

    C'est un texte tout simplement superbe, débordant, dont les accents réalistes permettent une plongée au coeur d'un monde antique finalement assez peu connu. Un gros coup de coeur.

    Les avis de Viinz, Nebal, Phooka,...

    Le Guin, Ursula K., Lavinia, Ed. de l'Atalante, 2011, 5/5