Libérée d'une traversée du désert éternelle d'une durée d'au moins un mois, Chiffonnette Chiffon, se jeta telle une vampirette n'ayant pas vu une coupinette depuis des lustres sur la pile instable gisant dans les recoins de son terrier, espérant y trouver de quoi sustenter sa faim dévorante.
Las, dans la pile se trouvait prioritairement quelques lectures urgentes, voire urgentissimes. Délaissant donc à regret le shoot de fiction qu'elle appelait de ses voeux, Chiffonnette attrapa la première des urgences en question. Laquelle se révéla tellement mauvaise qu'elle en rata sa station de métro, consternée par tant de... Tant de... Tant de... Mon Dieu, je n'en trouve plus mes mots!
Vérité vraie, chers amis, j'en ai raté ma station de métro. Entendons-nous bien, cela ne m'était jamais arrivé d'être consternée au point de lever le nez, de regarder d'un air hagard le panneau de la station avant de replonger le nez dans le paragraphe et de hurler de rage quelques minutes plus tard. C'est dire. Pourtant, pourtant, Shiro avait tout pour me plaire. Ce n'est pas la quatrième de couverture qui me l'avait dit puisqu'il n'y en a pas, mais que voulez-vous, le premier paragraphe m'a eue! J'ai ouvert un oeil, un deuxième, trouvant l'accroche ma foi plutôt percutante. Le problème, c'est que le reste n'a pas suivi.
Le fond était pourtant intéressant: dans un monde dont on ne sait guère à quel point il est proche, deux enfants, Elliott et Daisy, enfermés depuis leur naissance dans des chambres hermétiques d'un centre sont l'objet d'expériences mystérieuses dirigées par le docteur Wilson Willard, ancien enfant du centre. Petit à petit, va se dessiner un univers qui a vu l'avénement d'une intelligence artificielle forte et d'où l'humain a disparu totalement. Un univers où la gigalopole de Tokyozaki s'élève vertigineusement et où les machines s'efforcent de recréer l'humain, de régresser de la perfection de la machine pensante aux émotions de chair, de sang et de pensée. Eliott et Daisy sont deux expériences prometteuses. Deux expériences qui vont peu à peu devenir des grains de sable vite broyés par l'univers dans lequel ils évoluent. Il y a beaucoup de choses de Shiro, et notamment une réflexion passionnante sur ce qu'est l'humain à travers trois personnages qui ne sont plus tout à fait des machines, mais pas encore des êtres humains et qui vont se heurter aux murs d'une identité qu'on ne leur laisse pas découvrir. L'humanité, Elliott, Daisy et même leur démiurge, ne la connaissent que par les vestiges d'émissions de télévision et de films. Il la découvre aussi dans les doutes, les colères, la volonté de liberté ou la peur qu'ils ressentent, l'anoisse qu'ils cherchent, chacun à leur manière de calmer. Il s'y heurtent faute de pouvoir l'exprimer dans un monde où, si l'on cherche à revenir à l'organique, la logique stricte et froide du langage binaire est incapable de comprendre et de ne pas perçevoir comme une menace la différence qu'ils représentent. David Spailier raconte ainsi l'histoire de trois freaks dans un monde de machine qui les rejette. J'ai aimé l'idée de ce point de vue inversé: au lieu de machines évoluant dans un monde d'humains, ce sont des presque humains qui évoluent dans un monde de machine. Une autre manière d'envisager la matrice remise au goût du jour il y a quelques années.
Mais ce fond, pour dense et riche qu'il soit est déservi à mon sens par un style que j'ai trouvé prétentieux qui m'a crispée de la deuxième à la dernière page: des métaphores récurrentes lourdes, un style incisif qui sonne ampoulé, une manie de faire suivre toute mention de couleur par l'équivalent en version nuancier numérique (merci, on avait compris, monde de machine, etc, etc.) une tendance exaspérante à commencer une phrase en anglais pour la terminer en français et inversement, une manière de faire parler Elliott et Daisy qui ne sonnait jamais juste... J'en passe. Mon appréhension du récit va dans le même sens. Passer d'un personnage à un autre de chapitre en chapitre, soit, j'y suis habituée, mais j'ai eu un sentiment grandissant d'ennui à suivre des non événements qui se suivent et s'enchaînent, les plaintes, atermoiements et révoltes des trois principaux protagonistes ne suffisant certes pas à éveiller plus avant mon intérêt. Il est vrai que l'intérêt n'est pas temps événements et actions que la manière dont la réflexion des personnages évolue d'interactions en interactions. Mais si ce brave docteur Wilson Willard semble devoir jouer le rôle du "poète maudit" enfermé dans un rôle dont il ne peut sortir et qu'il maudit, son comportement de dandy affecté devient très vite insupportable. Sans parler des deux enfants qui enfermés dans des chambres avec pour seule compagnie et éducateur une télévision se mettent à philosopher sur le sens de la vie. Je veux bien que tout ce petit monde soit des robots très perfectionnés, mais le procédé était un brin "trop" pour moi.
Bref, une rencontre ratée et bien ratée. Je ne suis sans doute pas pourvue des bons circuits pour apprécier...
Spailier, David, Shiro, Editions Imho, 2010, 2/5
Commentaires
Les enfants sont le chaînon manquant entre la machine et l'homme. D'ou le cerveau et les réflexions poussées à l'extrême. Mais bon c'est qu'un premier livre aussi ;) Un gosse avec ses imperfections pour certains/certaines...
Belle journée
Elliot
Spailier, trop jeune.... immature.... et grosse tête bien enflée par des désirs lointains de gloire ...... Reposez vos pieds sur terre Monsieur !!! Vous n'avez rien pour séduire, ni plaire. Arrêtez de vous prendre pour quelqu'un d'autre, et vous serez peut-être reconnu !!!
"Grosse tête bien enflée"... "Désirs lointains de gloire"... "Etre reconnu"... ? Je ne demande rien de cela, si vous saviez.
Et bien, quelques mois d'absences et un échange désagréable. M. Langsman, bien que je n'ai pas apprécié cette lecture, je ne vois pas pourquoi cela devrait permettre un échange tel que celui que je lis ci-dessus. D'autant que David Spailier a tout mon respect et sait pourquoi. Bref. Les commentaires sont fermés pour ce billet.