Je gardais de Regain le souvenir flou d'une lecture scolaire, un peu fastidieuse, voire ennuyeuse, des paysages déserts, un drôle de bonhomme, une plume pas vraiment abordable. Il aura fallu que l'occasion me soit donnée de le relire pour découvrir, enfin, toute la beauté et la force de texte court mais incroyablement intense.
En Provence, il y a des villages qui meurent doucement, où restent quelques irréductibles jusqu'à leur mort. C'est le cas à , où ils ne sont plus que trois, Panturle encore jeune, le vieux forgeron et la veuve du puisatier. Mais voilà qu'arrive Arsule, et avec elle, l'espoir d'un renouveau.
Regain est le dernier volume de la trilogie dite de Pan, dans laquelle Giono s'attache à explorer la nature, la Provence aride et venteuse. Après Colline et Un de Baumugnes, c'est à l'abandon des villages à moitié ruinés qu'il s'attache, une agonie à laquelle il avait assisté dans sa jeunesse. De cette expérience, il tire un texte superbe. A travers l'histoire de Panturle et d'Asurle, il donne à voir et à sortir la Provence, l'immensité de ses espaces, comme à travers ce plateau qui précède Aubignane et donne le vertige, les forêts, les prés. Un monde dur, violent même dans lequel les hommes abandonnés reviennent à un état sauvage comme le fait Panturle qui finit par subir dans pouvoir contrôler quoi que ce soit le rythme des saisons. Il faut lire les passages où il est saisi, comme les bêtes, par la frénésie du printemps. Par sa manière de décrire décors et événements, Giono symbolise ce retour à la nature sauvage, ce basculement vers une sorte de mort. Avant le regain, la renaissance qui voit par la grâce de la femme, le retour à la civilisation. Il décrit aussi le désir, la peur, la sérénité retrouvée après la folie apportée par le vent, le blé qui pousse de nouveau et permet le retour à la vie. On suit pas à pas, petit événement après petit événement la renaissance du village et d'un couple improbable.
J'ai adoré me replonger dans cette ambiance, dans ce monde. Regain fait partie de ces romans qui vous emportent et qui vont droit à l'essentiel.
Tout simplement magnifique.
Giono, Jean, Regain, in Romans et Essais, Le livre de Poche, coll. Pochothèque, 1991, 4/5