Markus et Franck étaient unis par une amitié scellée par les longues virées en mobylette, le loisir principal des jeunes de cette petite ville perdue. Mais l’amitié s’est brisée un soir, comme la mobylette et les corps broyés par l’accident. Devenu adulte, Franck ressent le besoin de parler, de raconter et d’expliquer.
Long monologue intense oscillant entre passé et présent, Markus presque mort donne à entendre à travers Franck la voix d'une amitié adolescente et de vies brisées avant d’avoir commencé. Franck raconte l'accident les blessures, les séquelles avec des mots simples qui nouent le ventre et beaucoup de pudeur. Il raconte aussi la vie quotidienne d’une classe populaire, l’ennui poisseux et étouffant, la routine et le bonheur malgré tout. Petit à petit affleurent les non-dits, les failles et les fragilités des adolescents qu'ils étaient et des adultes qu'ils sont devenus. On est pris au piège d'une plume faussement simple qui parvient avec une grande économie de moyen à faire entrer le lecteur dans un drame psychologique étouffant.
Par petites touches, à l'aide de petits détails, Valérie Sigward instille un doute, qui fait augurer d'autre chose. Un flottement dans la narration, cette haine que Franck porte à son frère, son refus d'aller voir Markus à l'hôpital... La construction habile du roman : trois longs chapitres découpés en courts paragraphes instille une tension croissante jusqu'au dénouement brutal qui fait presque entrer dans une dimension fantastique. Dans les dernières pages, c'est toute la cruauté et l'absurdité de l'humanité qui est révélée. C'est sans conteste un texte fort et émouvant. Pas un coup de cœur cependant, tant le style, particulier, demande un effort pour entrer dans le récit.
Sigward, Valérie, Markus presque mort, Julliard, 2009, 3.5/5