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Littératures françaises - Page 5

  • Danbé - Aya Cissoko & Marie Desplechin

     

    9782702141755FS.gifAya grandit heureuse jusqu'au drame qui déchire sa famille.L'incendie criminel, la mort de son père, de sa petite soeur sont le point de départ d'une série d'épreuves et de deuils qu'affrontent ceux qui restent. Avec pour faire face, le danbé, la dignité en malinké, règle de vie et de conduite de Massiré, la mère d'Aya, qui inculque à ces enfants cette discipline. Affronter les épreuves, les surmonter, c'est ce que fera Aya, encore et encore.

     

    Je l'avoue d'entrée de jeu, en général les témoignages ne sont pas ma tasse de thé. Vous comprendrez donc que j'ai retenu une grimace en voyant arriver dans ma boîte au lettre ce petit ouvrage, fruit d'un collaboration entre Aya Cissoko et Marie Desplechin. Mais si je ne connaissais alors pas Aya Cissoko, il y avait au moins Marie Desplechin dont j'apprécie en général beaucoup la plume... Au moins une bonne raison d'attaquer le livre qui était entre mes mains, ce que j'ai fait sans trop de réticence à défaut d'enthousiasme. Or donc, le destin est farceur comme diraient certains puisque c'est au final un coup de coeur, et pas un petit. A côté duquel je serais passée.

    Danbé est un récit intelligent, plein de vie, porté par la plume de Marie Desplechin, qui n'occulte rien du plus dur, mais transmet la voix d'Aya Cissoko, une voix toujours digne et humble et qui jamais ne se pose en exemple, malgré un parcours qui force le respect et l'admiration non pas parce qu'il est celui d'une jeune femme « d'origine immigrée » comme on dit si bien de nos jours, mais parce que c'est celui de quelqu'un passé par des drames et des épreuves qui en auraient laissé plus d'un sur le carreau.

    Alors oui, c'est effectivement le témoignage de la vie d'un enfants « français d'origine ». Aya Cissoko raconte les immeubles surpeuplés, vétustes, la violence, le racisme. L'ordinaire, révoltant, qui précise l'origine des « presque » français, et celui qui tue par sa bêtise. Elle raconte aussi la solidarité, l'amitié, les moments de bonheur, les rencontres qui changent une vie. Le poids des communautés, des traditions qui perdurent. Danbé, c'est une petite porte qui s'ouvre vers le Mali et ceux qui venus de là-bas, vivent en France. C'est une porte qui s'ouvre aussi vers le Paris populaire, métissé. C'est surtout, entre anecdotes et vie quotidienne, l'occasion de réflexions sur l'immigration à travers l'histoire des parents d'Aya, sur ce que signifie être un « français d'origine », sur la manière dont se forge une culture métissée, entre celle des ancêtres et celle de lieu où l'on vit. Comme celle que se crée Massiré, sa mère, qui se révolte contre la tradition tout en élèvant ses enfants de le danbé et reconquiert doucement sa place dans le groupe. Une mère dure, mais qui donne à sa fille la liberté nécessaire pour tracer son propre chemin. Ne serait-ce qu'en lui permettant de boxer malgré les reproches des voisins et de la famille. Sans édulcorer ses relations parfois difficiles avec elle, Aya Cissoko trace de sa mère un portrait à la fois terrifiant et superbe. L'histoire d'Aya Cissoko est forte, d'autant plus forte qu'elle n'édulcore rien de ses échecs, de ses luttes contre les autres et contre elle-même, et rien de ses victoires, dont les moindre ne sont pas de se relever toujours, d'affronter les difficultés, les drames, le regard des autres et les préjugés.

    On n'oublie jamais, au fil des pages, que la voix qui se fait entendre est celle d'une jeune femme bien vivante, qui continue à tracer sa route. Danbé est bien un témoignage, mais un grand et beau témoignage, d'une admirable tenue littéraire. C'est un récit fort, honnête, touchant, dense et complexe sous son apparente simplicité qui mérite bien son titre.

    Cissoko, Aya, Desplechin, Marie, Danbé, Calmann-Levy, 2011, 182p., 5/5

  • Samba pour la France - Delphine Coulin

    9782021028546.jpg"Lorsqu’il avait été enfin seul, et libre, en descendant de l’autocar qui l’avait emmené du sud de l’Espagne au nord de la France, Samba avait regardé autour de lui et c’était la France, c’était Paris, alors il avait marché, marché le long des bâtiments du passé. Ses chaussures étaient minables et trouées, mais le ciel était jaune, les murs brillaient dans la lumière du soleil qui tombait, et il était au centre du monde. Il savait que cela ne durerait peut-être pas, mais il était heureux d’être là, et cela rendait ces minutes encore plus précieuses.

    Dix ans plus tard, il était toujours ébloui par la lumière des quais.

    Même derrière les barreaux, même les menottes aux poignets, il aimait la France.

    C’était un patriote."

    Samba pour la France est un vrai beau roman, un de ceux qui n'oublient pas derrière le message, et la rage, d'être littéraires et de raconter une histoire, un de ceux qui débordent d'humanité sans jamais sombrer dans les bons sentiments, un de ceux dont on aimerait avoir des nouvelles des personnages.

    Il est vrai, je dois l'avouer, que j'ai particulièrement apprécié de voir aborder ainsi le thème rebattu dans l'actualité des sans-papiers. Ceux qui sont taxés de tous les maux, ceux qui font peur ou pitié. Mais qui sont, et on l'oublie parfois, des êtres humains et pas juste des silhouettes  Or, ce que Delphine Coulin raconte, c'est l'histoire d'un être humain, Samba. Et de ceux qui l'entourent, entre petits bonheurs et grands drames, amours, petits boulots et grandes amitiés.

    Surtout, on prend de plein fouet à travers la voix de Samba et de celle qu'il va rencontrer à la Cimade, les drames humains, les voyage homériques qui sont le préalable à ce qui s'avérera pour la plupart plus dur encore. On entend l'indécence de la course au malheur où parfois sont enviés ceux qui ont obtenu l'asile pour avoir vécu le pire, massacres, viols, persécution. On entend ceux qui ont subit les guerres, les violences, et par-dessus tout cela un exil et l'arrivée dans un pays qui malgré ce qui est inscrit dans ses textes fondateurs, s'est fermé. La France rassie comme dit Lamouna, l'oncle de Samba. Celle qui se sert de ses lois pour broyer, pour nier l'humanité de celles et ceux qui rêvent à la liberté, à l'égalité et à la fraternité. Celles où le respect est conditionné à la possession d'un bout de papier et où la dignité doit trop souvent être sacrifiée à la nécessité de gagner son pain. Pas forcément pire que ces autres endroits traversés au cours du voyage, mais pas toujours mieux malgré tout.

    Et puis il y a l'absurdité de ces lois, la violence physique et morale, la misère, l'horreur des centres de retention qui ne sont pas des prisons puisqu'il y a des balançoires, mais où on se retrouve malgré dix ans d'une vie, dix ans de travail, d'impôts. Une logique ubuesque qui fait passer de l'autre côté, celui des sans-papiers, condamnés à être des ombre perdant parfois jusqu'à leur nom et ceux de leurs pères. Le mal ordinaire qui pousse à oublier l'humanité la plus simple.

    A tout ce monde là, Delphine Coulin donne une consistance, de la vie, de la dignité. Avec humour, avec colère. Parce que ce monde-là, elle le connaît, elle en porte témoignage de la plus belle des manières. Et de cela, on peut lui être reconnaissant même si, seul petit regret de ma part, on ne voit presque que le pire des agents publics. Sans doute parce que c'est ce qu'on voit le plus quand on est dans la situation de Samba et des autres.

    Un vrai grand beau roman donc. Et un coup de coeur.

    "Tout les jours on met en doute la parole de ceux qui disent qu'ils sont là depuis plusieurs années, parfois dix ans, parfois douze, parfois quinze, comme si les mots n'avaient plus aucune importance, ou qu'il fallait s'en méfier. Pourquoi ne nous croit-on pas? Pourquoi nous condamne-t-on à la misère et au mensonge?

    Lamouna dit encore:

     La France a changé. Ce n'est plus le même pays que quand je suis arrivé. Il y a deux France, et aujourd'hui je crois que c'est la France rassise qui a gagné. J'espère que l'autre France va réussir à reprendre le dessus... Mais je n'ai plus la force d'attendre."

    Coulin, Delphine, Samba pour la France, Seuil, 2011, 5/5

  • Chéri - Colette

    9782702488713.jpgQuand Chéri rencontre Léa, il a tout juste vingt ans. Elle, a largement passé la quarantaine. Quand Chéri quitte Léa pour se marier, il a vingt-cinq ans, elle, cinquante, et plus rien ne va de soi, même pas la fin cette relation qu'ils croyaient sans conséquence...

    C'est une drôle d'atmosphère qui règne dans Chéri, un peu surannée et poussiéreuse, mondaine et superficielle, à l'image de ces femmes vieillissantes dont Léa fait partie et qui chacune à leur manière, luttent contre l'âge. Au départ, il est presque difficile de s'intéresser au jeu amoureux de Fred et Léa: réveil, petit-déjeuner, caprices, baisers dans un univers qu'on imagine facilement rose bonbon... il ne semble pas y avoir grand chose à se mettre sous la dent. Jusqu'à ce que tout dérape: un repas familial, une joute orale et Colette commence à démonter les rouages de ce petit monde, avec une précision, une concision qui, si elles surprennent de prime abord, deviennent glaçantes.

    Cheri est une histoire d'amour, mais c'est au-delà de cela, le portrait d'un milieu, celui des demi-mondaines, dans tout son sordide et sa violence. J'ai rarement lu des descriptions de repas et de thés, de rencontres qui atteignent sous les dehors les plus anodins une telle violence dans les rapports humain entre vieilles rancoeurs et anciennes rivalités, volonté de nuire toujours vivace. En quelques touches, quelques attitudes, quelques échanges, les personnages de ce théâtre s'esquissent et prennent vie: la vieille Mme Peloux et sa méchanceté, Edmée la pure, sa mère, jalouse de la beauté de sa fille,... La cruauté de cet univers, son absence totale de morale sous le vernis des apparences, sa vacuité, apparaît à chaque phrase. On en vient à prendre en pitié ces personnages qui pour certains sont ridicules, mais qui sont tous pathétiques et qui remplissent des vies oisives comme ils le peuvent, au risque de se détruire ou de détruire pour se sentir exister.

    Léa a Fred, avec lequel elle joue les Promethée en le tirant de son destin d'enfant gâté qui court à sa perte à force de jeu, de drogues et d'alcool. Elle est encore belle, certaine de sa force et de sa séduction. Jusqu'à ce qu'elle se retrouve face à une inconnue: la douleur. On entre alors dans l'autre Chéri, celui de l'amour tragique qui met Léa face à elle-même et aux stigmates de l'âge qui arrive et qui l'exclut de fait du jeu amoureux, celui de Chéri qui réalise trop tard qu'il ne va pas être si simple d'oublier Léa. Le chemin qui les mène à leur drame est inéluctable et laisse le lecteur avec un goût d'amertume. Fred et Léa vivent un amour impossible. Impossible parce que quasi incestueux, impossible parce que socialement condamné, impossible parce que Chéri ne peut l'assumer. Colette décrit avec une rare finesse leurs atermoiements, l'obsession et le désir qui les poussent l'un vers l'autre sans aucun espoir de bonheur.

    Une fois de plus Colette m'a attrapée dans ses rets. Pourtant les premières pages ne m'avaient guère convaincue, bercée que j'étais par un léger sentiment d'ennui, qui n'était finalement que celui du calme qui précède la tempête. C'est tout simplement du grand art.

    Kali l'a lu, Rory aussi, et Pickwick (et d'autres, mais je suis paresseuse)!

     

    Et je joue dans la catégorie "Auteur enterré à Paris"!

     

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    Colette, Chéri, Le livre de Poche, 2004, 185p., 5/5

     

  • La guerre des femmes - Alexandre Dumas

    Il fut un temps où je traînais innocemment chez Gibert. Oui, innocemment. Parfaitement même. Je maintiens. Innocemment. Bref, où en étais-je... Ah, voilà! Il fut un temps donc où je traînais innocemment dans au rayon littérature française chez Gibert quand mon oeil fut attiré, tout aussi innocemment par les jolies rangées formées par les oeuvres de ce bon vieux Dumas. Épiphanie! Joie! Bonheur! Voilà ce qu'il me fallait! Un bon vieux pavé des maisons pour caler une armoire normande dans un futur lointain!Mais allez donc opérer un choix dans la foison de titres produits par notre prolifique Alexandre... J'étais ma foi fort perplexe jusqu'à ce que mes yeux tombent sur un titre inconnu au bataillon: La guerre des femmes. Un Dumas inconnu! Fichtre! Alexandre et moi avions un deal. IL ne serait pas dit que l'inkulture passerait par moi! J'ai embarqué ces bonnes dames en vacances. Les autres, celles d'avant. Car le monde est cruel.

    9782752903013FS.gifD'ailleurs ce n'est pas Claire de Cambes qui va me contredire. Ni Nanon de Lartigues, emberlificotées qu'elles sont dans la guerre que se livrent la reine Anne et la princesse de Condé. Toutes ces femmes jouent aux hommes. L'objectif? Rien moins que le trône de France...

    Oh que voilà un drôle de Dumas. On y retrouve les ingrédients de Dumas, la plume de Dumas... Il n'y a rien à dire, c'est confortable comme une vieille paire de charentaises au coin du feu. Aventure épique,  amours impossibles et inconsolables, le tout saupoudré de quelques usurpations d'identité, de trahisons diverses, de tractations et de pactes secrets, de conspirations, de batailles et autres activité agrémentant fort agréablement le quotidien, c'est du pur sucre garanti autenthique. Ces dames se déguisent en homme pour mieux servir leurs maîtresses, ces messieurs se font mener par le bout du nez, l'amour et ses rivalités sont au rendez-vous, Nanon et Claire tentant toutes deux de sauver la vie du vicomte de Canolles, leur amour qui, pauvre âme, ne sait plus où donner de la tête et de la loyauté. Entre roi et prince, entre reine et princesse, entre maîtresse et maîtresse.

    Mais, car il y a un mais, c'est longuet. Delayé même.

    Pourtant le départ est enthousiasmant, le dernier tiers enlevé comme Les trois mousquetaires, et tragique comme La reine Margot. Mais entre les deux, on aurait parfois envie de taper sur l'épaule d'Alexandre pour lui demander d'enlever un ou deux épisodes. Juste un ou deux attention, parce qu'il y a quand même quelques belles batailles, de l'humour, des déchirements, des passages secrets, et ça, il serait ma foi fort difficile de s'en passer. Et en même temps, malgré ces un ou deux épisodes en trop, mon petit coeur tout mou a frémi devant cette belle page d'histoire racontée à la sauce Dumas! Dieu que j'aime ces partis pris: Anne n'est jamais croquée au mieux de ses talents (encore qu'il faudra encore quelques paquet d'années pour qu'on commence à la réhabiliter un brin la pauvre âme), Mazarin joue évidemment le cardinal intriguant et italien de service et les Condé ne sont pas mieux lotis entre un prince inexistant et une princesse prompte à changer d'avis au gré des avis divergents de ses conseillers. Les intrigues de cours, les loyautés, les révoltes de la noblesse et leurs causes sont bien là, abordées au prisme d'une belle galerie de personnages, souvent drôles, parfois tragiques, bien vivants en tout cas. Pendant féminin de Vingt ans après, La guerre des femmes permet qui plus est de mettre en lumière le rôle joué par les femmes dans les conflits et guerres civiles qui ont agité le royaume de France. Même si le regard porté sur ces amazones n'est pas tendre et le récit mâtiné de quelques réflexion bien de son temps... En tout cas, me voilà maintenant avec l'envie de retrouver d'Artagnan, et Athos, surtout Athos (non, ne me demandez pas pourquoi), et La Molle aussi. Et puis il FAUT que j'aille dire un mot en particulier au vicomte de Bragelonne, et à Edmond Dantès. Je ne suis pas sortie de l'auberge quoi.

    Romanza en parle.

    Dumas, ALexandre, La guerre des femmes, Phébus Libretto, 2007, 688p., 3.5/5

     

     

  • Grâce et dénuement - Alice Ferney

    9782742728824FS.gifUn terrain vague, des caravanes, une tribu de gitans qui s'installe. La grand-mère, les cinq fils, les quatre belles-filles et ces enfants, sauvages, joueurs, heureux. Qui ne savent pas lire et ne vont pas à l'école. Comment pourraient-ils y aller puisqu'ils n'existent pour personne. Sauf pour Esther. Esther qui arrive un jour avec une pile de livres et qui commence à raconter. Esther qui va petit à petit gagner l'amour et la confiance...

    J'ai pour Alice Ferney une tendresse qui remonte à ma découverte maintenant lointaine de sa belle plume, de sa petite musique qui reste longtemps en tête une fois la dernière page tournée. Ses beaux personnages de femmes, la finesse de ses descriptions. De beaux souvenirs.

    Et puis il y avait ce texte, cette bibliothécaire, ce thème... Plusieurs raisons d'ouvrir enfin ce roman au plus fort de l'été dernier et de laisser la magie agir.

    Car il y a de ma magie chez Alice Ferney: celle de parvenir à offrir un texte superbe, sans misérabilisme, sans jugement, celle de donner à entendre l'importance de connaître l'autre, de l'apprivoiser doucement sans jamais édulcorer la violence, le dénuement matériel et culturel, la difficulté de se confronter à une manière de vivre aux antipodes de ce que l'on conçoit et comprend. On découvre en même temps qu'Esther les codes du monde gitan, des hommes et des femmes attachants, la méfiance du monde qui les entoure, la marginalisation et cette peur rampante qui en fait moins que des êtres humains pour certains, la difficulté, voire l'impossibilité de s'adapter à des normes étrangères, la dépendance aux hommes pour les femmes, la fierté,... Autant dire que par les temps qui courent, c'est un texte essentiel. Essentiel par ce qu'il donne à voir d'une réalité qu'on méconnaît ou que l'on ne veut pas connaître, essentiel par ce qu'il dit du partage et de la découverte de l'autre, essentiel par cette nécessité du respect qu'il affirme haut et fort. Essentiel parce qu'il ne sombre pas dans un manichéisme de bon temps sanctifiant ces martyres de la société occidentale: jamais les aspects plus sombres de la vie de ces familles ne sont évités. Ni la violence conjugale, ni l'omnipotence de la matriarche, ni les activités plus ou moins légales qui permettent à ce petit groupe de vivre... Le plus sûr moyen, de fait, de donner à connaître, sinon à comprendre la complexité de la situation des gitans.

    C'est une belle histoire, à la fois débordante de tendresse et tragique, violente et porté par un style d'une rare douceur, qui empreint le récit de sérénité et laisse émerger des bulles de moments parfaits, comme cette scène où Esther lit une histoire aux enfants réfugiés dans sa voiture par une journée de froidure. Car le manque, le dénuement n'empêchent pas la grâce et le bonheur d'être en vie, d'être aimé. Ni la possibilité de voir un jour une fenêtre s'ouvrir vers une autre vie. J'ai beaucoup aimé la manière dont Alice Ferney parle de la prison que représente l'analphabétisme dans une société où l'écrit est roi, mais aussi du plaisir, de la liberté, de l'ouverture au monde que représentent la lecture, les histoires partagées.

    Un très, très beau texte qui offre un éclairage sur une actualité qui reste brûlante.

    Je conseille d'ailleurs de visionner ce web documentaire sur le site du Monde: La vie à sac, et notamment, le témoignage de Diktatora.

    Liliba l'a lu.

    Ferney, Alice, Grâce et dénuement, Actes Sud, 2000, 304p., 5/5