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Littératures françaises - Page 2

  • Rouge majeur - Denis Labayle, exposition « La rencontre de Nicolas de Staël et de Jeannine Guillou : la vie dure »

    rubon30.jpg5 mars 1955. Nicolas de Staël assiste à un concert au théâtre Marigny. Dix jours plus tard, il met fin à ses jours. Ce qu'il s'est passé entre-temps, c'est Jack Tiberton, un journaliste américain, qui le raconte, lui qui était présent, invité par le peintre à assister à la naissance d'une nouvelle toile.

    J'ai croisé au gré de mes périgrinations muséales quelques toiles de Nicolas de Staël, trop peu pour m'être réellement intéressée à la vie de cet artiste, me contentant finalement de le savoir acteur majeur de l'histoire de la peinture. Et puis est arrivée l'exposition du musée Picasso d'Antibes, « La rencontre de Nicolas de Staël et de Jeannine Guillou : la vie dure ». Qui m'a rappelé la présence sur une de mes étagères de Rouge Majeur, consacré aux derniers jours du peintre. Denis Labayle se livre à un exercice intéressant: en s'appuyant sur une solide documentation, il réinvente le quotidien de Nicolas de Staël au cours de ses dernires jours, l'imagine aux côtés d'un journaliste réceptacle de ses confidences, de ses colères, de ses doutes. A Tiberton, il raconte ses doutes, la difficulté de commencer une toile, sa recherche artistique incessante, et puis aussi la déception amoureuse qui le terrasse, les déboires amicaux qui le minent. A la fois fasciné par l'acte de création qui se déroule devant lui, alternativement agaçé et touché par l'homme fatigué qui petit à petit, ne sachant trop s'il veut être acteur de ce qui se joue ou rester spectateur, Tiberton tente lui aussi de trouver son chemin entre amertume d'ancien combattant et ambition de jeune journaliste, espoir fragile d'homme amoureux. C'est malheureusement la première et la dernière de ces caractéristiques qui m'ont moyennement convaincue. J'ai été un peu agaçée d'abord par les récriminations permanentes de ce jeune homme bien que j'admette qu'elles rendent parfaitement bien la rancoeur des anciens combattants face à un monde qui oublie très vite les sacrifices consentis. Puis j'ai trouvé un peu facile cette histoire d'amour retrouvé et parfois un peu artificiels certains dialogues.

    Actu1991Norm_1.jpgCeci étant dit, j'ai aimé ce roman, et découvrir par lui Nicolas de Staël dans ses derniers jours  est parfaitement entré en résonance avec l'exposition « La rencontre de Nicolas de Staël et de Jeannine Guillou : la vie dure » qui couvre la période de 1939 à 1946, époque de vaches maigre qui s'achèvera par la mort de Jeannine Guillou rencontrée en1937 au Maroc et dont on voit passer l'ombre dans Rouge Majeur. L'intérêt de l'exposition est de mettre en regard la peinture de Nicolas de Staël et celle de Jeannine Guillou, à un moment où lui cherche encore sa voix et où elle connaît déjà la reconnaissance. Sans oublier de souligner l'importance des rencontres avec des artistes comme Alberto Magnelli, Jean Arp, Sonia Delauney, Vassili Kandinsky...

    Au final, une belle exposition, qui permet au passage de revoir Le concert, superbe toile inachevée dont la création est au coeur de Rouge Majeur.

     Pour en savoir plus sur Jeannine Guillou, voir quelques reproductions de ses oeuvres, c'est par-là!

    Pour en savoir plus sur l'exposition, c'est là!

    Le site de Danis Labayle.

    Praline, Sylire ont adoré.

     

    Labayle, Denis, Rouge Majeur, Editions Dialogues, 2011, 215p., 3.5/5


  • Tous les trois - Gaël Brunet

    book_cover_tous_les_trois_143612_250_400.jpg"Je suis leur père pour le meilleur et le meilleur. Je n'ai pas envie du pire. Le pire, on l'a déjà vécu. Il est derrière nous."

    Le pire c'est l'accident qui a enlevé leur mère à Jean et Louise, à lui sa femme... Le meilleur? Cette vie réinventée malgré la souffrance et le manque, l'amour d'un père pour ses enfants, le quotidien et ses petits bonheurs...

    Au détour d'un bac, Tous les trois m'a fait de l'oeil. Quelques pages feuilletées, et j'étais déjà conquise par ces phrases courtes et sèches, ces mots d'un homme en deuil, d'un père cherchant à remettre d'aplomb l'univers de ses enfants. Aucun pathos dans ce récit. Gaël Brunet se contente de mettre des mots sur le quotidien, les rencontres, les petits rituels qui scandent la vie des enfants, la souffrance qui éclate parfois au détour d'un paysage, d'un mot, d'une chanson. C'est un beau texte, sur le deuil bien sûr, mais surtout sur la paternité et ce qu'elle peut avoir d'à la fois évident et follement difficile. Je me suis laissée porter par Jean et Louise les feux follets, par Mme Viviane, par Maw, par un style épuré qui donne de la force au propos. C'est un premier roman plus que prometteur qui me fait attendre avec curiosité une prochaine parution.

    Mango l'a lu. Des avis sur Babelio.

    Brunet, Gaël, Tous les trois, Le Rouergue, 2011, 170p., 4/5

  • Seule Venise - Claudie Gallay

    seule_venise.jpgVenise en décembre, une pension. Un lieu comme un autre pour lêcher ses blessures après une rupture. Quitte à y retrouver le goût de vivre au gré des rues et des canaux de la ville, au gré des rencontres qui, parfois, font renaître le désir quand on le croyait mort.

    A se demander s'il est possible de résumer proprement et sobrement Seule Venise. Ou alors en style télégraphique? Venise - stop - Coeur brisé - stop - Joue aux échecs - stop - Libraire - stop. Pas plus convaincant: Seule Venise ne se raconte pas, parce qu'il ne s'y passe pas grand chose: une femme s'y rend comme pour s'y enterrer, elle y retrouve le goût de vivre. Entre ces deux moments, il y a la plume de Claudie Gallay, sa manière de décrire Venise qui donne l'envie immédiate d'aller se perdre à Torcello ou dans les ruelles de la ville, il y a ces personnages dont elle croque les amours malheureuses et les choix avec une certaine finesse. Au sein de la pension de Luigi, tous les moments amoureux ont rendez-vous: le fusionnel des débuts, le brisé, celui qui renaît de ses cendres, les prémisses... Mais ce n'est finalement pas cela qui m'a touchée. Au contraire même. J'ai suivi avec un intérêt mitigé, voire par moment un peu de lassitude la renaissance de cette femme, restant en surface de son histoire comme de celle du prince ou de Carla et Valentino. Pour moi, tout cela a sonné un peu trop "construit", trop évident. C'est Venise que j'ai aimée dans ces pages, son atmosphère sereine qui peut se faire pesante, la neige, l'humidité de ses murs, ses couleurs, décor parfait pour des histoires d'amour un peu tristes et la note d'espoir qui résonne tout à la fin.

    Lucie, Emeraude, Anne, Sylvie, Marie dont je partage en grande partie le ressenti, et bien d'autres...

    Gallay, Claudie, Seule Venise, Actes Sud, Babel, 2005, 302p., 3/5

  • L'encre du voyageur - Gilles Lapouge

    9782226177049_image.jpgL'encre du voyageur, c'est l'encre répandue au fil des pages par tous ceux qui ont pris la mer, la route, les airs un jour pour partir à la découverte du monde. Car  "Un voyage n'est que de l'encre. Toute exploration est le souvenir d'un ancien manuscrit." Ce qui n'empêche pas d'ajouter sa propre encre à celle qui a déjà coulé.

    Si Gilles Lapouge brouille avec malice  les pistes dans L'encre du voyageur, on s'aperçoit vite à parcourir sa biographie qu'il a effectivement gagné ses galons dans cet univers de plumitifs baroudeurs en tout genre. Et comme de toute manière il disserte avec talent sur le voyage, les découvertes et lui-même, on se laisse happer au fil de ces chroniques qui entraînent sur les traces des grands explorateurs, sur les îles nombril du monde, au coeur de la lumière changeante de l'Europe. Mais attention, il ne s'agit pas de chroniques de voyage. C'est à la réflexion que Gilles Lapouge invite son lecteur, réflexion sur ce que sa géographie a fait de l'Europe, réflexion sur les curiosités du temps, réflexion sur cette tendance qu'ont les hommes à jeter sur le papier toutes leurs expériences et à construire un savoir livresque qu'il faut dépasser pour atteindre peut-être pas à l'essence, mais en tout cas à ce que sont les choses et les lieux derrière ce que l'on a dit d'eux. Et que l'on soit d'accord ou pas avec ce qu'il écrit, c'est le plus souvent passionnant.

    L'encre du voyageur se picore doucement, chronique après chronique. D'ailleurs aucune obligation de lire dans l'ordre ses chapitres puisqu'il s'agit de textes écrits indépendamment les uns des autres. Ce qui m'amène d'ailleurs au seul bémol en ce qui me concerne: à ne pas avoir su ce qu'était cette juxtaposition de textes, je me suis parfois agaçée d'informations redondantes, de redites. Qui n'en étaient pas. J'ai avalé le tout d'un coup quand il aurait fallu que je traîne, que je saute des pages pour mieux y revenir. Pour le reste, certains passages sont de vrais beaux moments de grâce qui m'ont ouvert au souvenir. Et à l'envie de voyager.

    Quelques extraits pour ouvrir l'appétit:

    "C'est pourquoi il faut croire Giono: les lumières se baladent. Elles nous débitent, année après année, des pays provisoires. Non seulement elles magnifient nos randonnées mais elles sont elle-mêmes un grand voyage, et sans fin et sans commencement. Les neiges et les brouillards de décembre, les incendies de l'automne et ses obscurités, les bûchers du mois d'août, chaque frisson du ciel et de l'eau remodèlent nos cosmographies et nous font passer de hautes frontières. Si on est habile, on peut faire le tour du monde sans bouger de son jardin. Il suffit d'observer, chaque matin, chaque midi et chaque minuit, les lumières de l'Europe, les belles lumières nomades de la belle Europe."

     "Karl Kraus a raison. On ne marche jamais que dans une bibliothèque et le bout du monde est un incunable. Toute pérégrination est livresque de part en part, avant le départ, pendant le périple et après le retour au pays natal, au miment délicieux du porte-plume."

    "Toutes les îles sont seules au monde"

    "L'anniversaire est à la charnière de ces deux modèles de temps. Il en assure la suture. Il les combine. Là s'exprime son génie. Son étoffe est faite de laines et de soies de toutes les couleurs. C'est ce qui lui donne ses moires et sa déduction, ses compléxités, ses ambivalences et ses paradoxes. Chargé de gérer à la fois ces deux modèles de temps, il se contredit sans vergogne. Il nous enseigne que le présent n'existe que pour mourir, et qu'il renaît cependant au moment qu'on croit qu'il expire. Dans les étranges cérémonies qu'il p'éside, la mémoire et l'oubli cessent d'être incompatibles? Toutes les choses, toujours, se reproduisent et pourtant chaque seconde est."

    Lapouge, Gilles, L'encre du voyageur, Albin Michel, 2007, 259p., 3.5/5

  • Le confident - Hélène Grémillon

    Le confident.pngCamille vient de perdre sa mère alors qu'elle va devenir mère à son tour. Au milieu des lettres de condoléances, elle découvre une étrange lettre, une lettre qui va être suivie d'autres, qui dessine petit à petit l'histoire de deux amours brisées, et d'un secret qui est aussi le sien.

    Fort malheureusement, les histoires d'amour brisées sur fond de Seconde Guerre mondiale abondent en littérature, et ne fait pas oeuvre de cette période qui veut. Loin de dire que Le confident est un roman anodin et sans intérêt, c'est là souligner la difficulté de l'exercice et dire aussi, qu'Hélène Grémillon se tire avec un certain talent de l'ornière historique où elle a risqué de faire verser son récit. Ce qui aurait été dommage puisque ce n'est finalement que le décor tragique d'une histoire qui est celle de deux amours fous, d'une jalousie maladive, et du mal d'enfant qui pousse parfois au pire.

    Egrénant une parole dont on ne sait très bien de qui elle vient, les lettres répondent à la détresse et au mal-être de Camille, lui dévoilant des destins qui sont intimement liés au sien et le mensonge sur lequel a été bâti sa vie. Et si on devine assez vite, la chute du feuilleton, si l'on peut regretter un brin de facilité dans la chute, quelques longueurs, reste cette histoire de maternité qui répond à une actualité brûlante, celle des mères porteuses, et qui ne verse jamais dans la leçon, se contentant de rappeler que certains choix sont intrinsèquement tragiques puisque s'y mêle l'amour, l'instinct, la possessivité et le mensonge. Disant que la filiation, les rapports de mère à fille ne sont jamais simples.

    Porté par des personnages complexes, attachants jusque dans leur actes les plus abjects, Le confident est un premier roman au style simple, limpide, dont l'intrigue à tiroir mêle agréablement grande et petite histoire, vengeance, jalousie, amour, panel si commun et toujours détonnant des passions humaines.

     

    La livrophile, Noukette chez qui vous trouverez pléthore de liens, Claudialucia, Stephie,...

    Grémillon, Hélène, Le confident, Plon, 301p., 2010, 3.5/5