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  • Rapport aux bêtes

    Paul, un paysan frustre et violent pour qui seule sa terre et ses bêtes. Autour de lui sa femme, muette et détestée, victime d’un mal qu’il refuse d’admettre, ses enfants dont il ne connaît pas même les noms. Jusqu’à ce que George, l’ouvrier agricole portugais s’installe à la ferme le temps d’une saison, et provoque dans l’ordonnancement de cet univers clos une fissure qui va tout changer.
     
    Rapport aux bêtes et un roman qui laisse des traces. Un roman difficile, âpre et violent qui prend aux tripes et laisse épuisé. Noëlle Revaz a choisi de se couler dans les mots de Paul et le fait en une plongée qui pourrait n’être qu’un exercice de style virtuose. Mais avec ce langage qu’elle maîtrise de bout en bout, elle faire prendre corps à une voix, une psyché plus que crédible, glaçante même. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Rapport aux bêtes n’est pas un roman de la terre. Bien sûr, l’exploitation agricole, l’attachement du paysan à sa terre ont une place centrale dans le récit, mais ce qui est vraiment central, c’est le rapport de Paul aux êtres vivants qui l’entourent et la manière dont ses certitudes, renforcées par des années d’isolement, vont petit à petit se fissurer pour finalement s’effondrer. Ce qui est au centre, c’est ce qu’il se passe quand l’autre, le différent, entre dans une vie.
    Paul est un homme frustre, à peine capable de lire et d’écrire. Sa vie, ce sont les champs, et les bêtes avec lesquelles il a un contact intense et vrai, un monde qu’il comprend et maîtrise et peut par conséquent aimer. Au contraire de celui où sont ses pareils. Paul est une homme frustre, mais surtout un homme dont la vision du monde est celle d’un seigneur et maître et qui attend de ceux qui l’entourent la même dureté à la tâche que celle dont il fait preuve. Sa terre, ses bêtes, sa femme, qui doivent se plier à ses vues et ses désirs. Sa femme surtout, la fille de la ville qui n’a jamais pu répondre à ses attentes, détestée et réduite à sa fonction reproductrice et sexuelle. Pour lui, ses vaches ont plus de réalité.
    Mais voilà, le monde autour n’est plus le même. Les techniques agricoles changent, le monde change, les femmes changent, et même les ouvriers agricoles changent. Avec George, c’est le monde extérieur qui va entrer à la ferme et contraindre Paul à changer petit à petit sa façon de voir et de faire. C’est Vulve d’abord, qui prend une importance nouvelle : pour la première fois, Paul prend conscience d’elle et de ses besoins, de la maladie qui la tue à petit feu. Cela ne va pas sans drames et sans violence, sans jalousie et sans bassesses. Puis ce sont les enfants, qui subitement ont grandit et qui jettent au visage de leur père leur haine. Et les voisins qui font irruptions dans la vie quotidienne. Puis le drame, celui qui va le contraindre à revenir vers ses semblables. Parce que si Paul préfère ses bêtes, c’est aussi parce qu’il ne comprend pas les humains et qu’il rejette ce monde incompréhensible pour lui et ne parle pas ou peu. Le chemin vers la parole, et donc vers la reconnaissance de l’autre va être long.
    Pourtant, si on frémit beaucoup à la lecture, le récit est aussi empreint d’humour et d’humanité. Quand Paul raconte la vie quotidienne, ses petits combats avec George, ses ruses et ses malices, on rit aussi. On ne peut pas vraiment le détester Paul. Après tout, il est comme on l’a fait. Il est même attendrissant parfois ce grand gaillard, et il le devient de plus en plus au fil des pages. Noëlle Revaz en inventant, en utilisant sa parole, fait entrer le lecteur de plain-pied dans une boîte crânienne. Le long monologue de Paul est celui de sa pensée, et la crédibilité de l’ensemble, sans faille, est un tour de force.
     
    Rapport aux bêtes est un roman poisseux de désespoir et de brutalité, d’espoir aussi. Une œuvre époustouflante et troublante, qui met le lecteur face à ce qu’un homme à de plus intime, ses pensées.

    Noëlle Revaz, Rapport aux bêtes, Gallimard, 2002, 4.5/5
     

  • Vers l'infini et au-delà!!

    Le grand problème quand on est une aventurière des temps moderne, ce n’est pas de trouver l’adresse de Dr Mamour,  d’envoyer des messages à Dr Who par-delà l’espace et le temps ou de pousser Darcy dans la mare. C’est de pousser l’esprit d’aventure (scientifique l’esprit d’aventure hein) jusqu’à ses limites. Limites dont la cartographie nécessite une réflexion intense, généralement aidée par l’étude à peine achevée d’un chef d’œuvre cinématographique (pas moins) et par une substance alcoolisée mais pas trop. Fort heureusement, la Team des LCA parisiennes ne rechigne pas à l’effort.

    C’est ainsi que Fashion et moi-même pouvons aujourd’hui vous offrir un merveilleux challenge de l’été (et pas que) : une harlequinade. Mais pas n’importe quelle harlequinade attention ! The HARLEQUINADES 2009 !! Celles pour lesquelles InColdBlog a concocté The Famous Logo !

     

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    Moi, j’en suis !! Et vous ?

     

    Le principe est simplissime : lire un ou plusieurs Harlequins, tout dépend de votre résistance à l’effort, dans n’importe quelle collection et lui consacrer un billet mettant en perspective les aspects littéraires, sociologiques, géopolitiques ou culinaires de l’affaire. On vous laisse le choix (et croyez-nous, du choix vous allez en avoir).

    La participation est ouverte à tous.

    A cette heure, nous comptons parmi nous, Stéphanie, Papillon, Keisha, Laetitia la Liseuse, Tamara, Erzébeth, Karine:) (et comment que t’as intérêt à participer !), May, Celsmoon, Pimpi, Hydromielle, Mango, Finette, Anne, Leiloona, Armande, Nanne, Kitty, Les livres de George Sand et moi, Dominique, Emma, Tiphanya, Yueyin, Neph, Shopgirl, Lili, Lrdpi, Mo, Martine, Virginie, Ankya, Nanne, Chimère, ICBLevraoueg, Hermione, Elodie G, Alex, Hildebald, Restling, Olympe, Mazel, Petite fleur, Voyelle et Consonne, Ori, Amanda, Theoma, Caro[line], Daniel Fattore, Pimprenelle, Cryssilda, Lou, Océane, Sophie, Titoune, La Nymphette, Miss Giny, The Bursar, Iluze, Crazyprof, Liliba, Didouchka, KroustikLa Papote, Elisabeth,  Les piles, Ptitlapin, Yohan, Ornon, LouiseBaudouin, Clarabel, Rose, Alinéa, ... 

    Si j'en oublie, faites-moi signe!! Et si vous êtes en trop, idem!                    

     

     

    Bienvenue dans la guilde des aventuriers du Harlequin Perdu ! Nous vous souhaitons un chemin « langoureux et brûlant de désir » (oui Fashion, je sais, c'était toi la première!) sur les traces de ce graal d’un nouveau genre !

     

    Ah oui! Et effectivement, ce challenge n'est pas sponsorisé. Ce serait bien remarquez... Mon paillasson-BAL ne demanderait que ça!

     

  • L'amour par climat froid

     

    Fanny et Polly, deux amies, deux jeunes femmes dont les choix de vie vont être radicalement opposés. Dans l’Angleterre des années 1930, la première, heureuse en ménage, va observer les rebondissements de la vie amoureuse et familiale de la seconde, livrant ainsi une chronique douce-amère et ironique de la vie de l’aristocratie britannique.
     
    Alléchée par de nombreux billets et certaine de retrouver cette littérature british qui fait mes délices, j’ai ouvert pleine de confiance et de joyeuse attente L’amour dans un climat froid. A en croire quatrième de couverture et autres billets, ce roman avait tout pour me plaire : ironie, humour, chronique sociale et amoureuse, personnages attachants, etc. Et pourtant, pourtant, la mayonnaise n’est pas montée. J’ai refermé le roman avec un sentiment d’inachevé et une certaine frustration qui quelques semaines après ma lecture ont pris le pas sur le plaisir somme toute réel que j’ai pris à suivre les aventures de Fanny et Polly.
    Pauvre Fanny d’ailleurs, narratrice singulièrement absente dans toute cette histoire. J’aurais tant aimé en savoir plus sur ses premiers pas d’épouse et mère, sur les émois qui l’on poussée à accepter la demande en mariage de son universitaire et désagréable époux, sur sa découverte du petit monde universitaire anglais. A la place de ses aventures, c’est un récit un peu superficiel de la trajectoire chaotique de Polly qui est offert au lecteur. Là encore, il y aurait eu matière : une jeune aristocrate étouffée par sa mère qui pense trouver dans le mariage sa libération, erreur commune, et qui découvre les affres de la vie conjugale après une guerre sans merci livrée contre sa mère. Je reconnais à Nancy Mitford la pertinence de ses observations, un certain humour, un brin d’amoralité rafraîchissant et la capacité à croquer des personnages hauts en couleur. J’ai adoré Ned, et lady Montdore, la guerre sans merci déclarée entre la mère et la fille. Mais quel regret de voir à quel point le récit reste superficiel et comment l’auteur boucle en deux coups de cuillère à pot son histoire, laissant le lecteur interloqué ! L’amour dans un climat froid m’a laissée relativement froide, mais cela ne m’empêchera pas d’aller jeter un œil ou deux sur La poursuite de l’amour.
     
    Pour la petite histoire, L’amour dans un climat froid était également cité dans Au bon roman de Laurence Cossé.

    Nancy Mitford, L'amour dans un climat froid, 10/18, 2007, 2.5/5
     

  • Des choses fragiles

     

    Que voulez-vous, on ne se refait pas… Bref.
     Recueil de 31 nouvelles et autres récits, Des choses fragiles serait, à en croire l’éditeur, un enchantement littéraire et une confirmation du talent d’un conteur inégalable. Et l’éditeur a presque raison. Un, les différents textes réunis n’ont rien d’inédits, du moins dans les pays anglo-saxons. Deux, enchantement littéraire est peut-être un brin excessif.
    Je dirais donc, pour chipoter un peu que ce n’est pas une confirmation, mais le plaisir immense de trouver sous une même couverture des nouvelles, des poèmes, auparavant éparpillé dont l’auteur prend la peine de raconter, dans sa préface, la genèse et l’histoire. On passe donc allégrement de la fantasy urbaine au fantastique, de l’horreur à la poésie, de l’humour à l’angoisse, sans que jamais la qualité de l’écriture ne se démente. Bien sûr, tous les textes ne sont pas de qualité égale, bien sûr, certains sont plus prenants et passionnants que d’autres. Mais les quelques faiblesses qui apparaissent parfois sont largement compensées par la manière dont l’auteur parle de sa manière d’écrire, de ses doutes, et par l’évidente force des textes. Autrement dit, même quand Gaiman est moyen, il est encore vraiment, mais alors vraiment bon.

    Parmi mes textes préférés, Une étude en vert, variation fascinante sur le thème de Sherlock Holmes et du théâtre, L'heure de la fermeture pour ces peurs enfantines qui font rire et qui pourraient bien recouvrir une vérité dérangeante, Souvenirs et trésors pour son horrible personnage principa, La vérité sur le départ de miss Finch pour son ambiance tellement freaks, L'oiseau-soleil pour son humour ironique, et surtout, Le monarque de la vallée où l'on retrouve Ombre, le héros d'American Gods.

    Mention spéciale à la couverture, absolument superbe!

    Les billets du Cafard Cosmique, Yozone, ElbakinLa liseuse,...

    Neil Gaiman, Des choses fragiles, Au diable vauvert, 2009, 3.5/5
     
     


     

  • Le petites fées de New York

     

    Ou ce qu’il se passe quand deux fées écossaises en kilt vert, ivres mortes, débarquent dans l’appartement d’un horrible misanthrope obèse new-yorkais : un bazar pas possible dans New York impliquant un violon magique, une guerre des gangs féerique, une révolution punk au royaume des fée, une invasion, un herbier, une adaptation de Shakespeare et les New York Dolls.
     
    Au départ, il y a la préface de Neil Gaiman, ce qui semble dire que la chose rectangulaire qu’on tient en main ne doit pas être mauvaise. Ensuite viennent les premières pages et le premier fou rire. Suivi par un nombre certain d’autres fous rire et de gloussements incontrôlables. Comment dire… C’est un roman, un roman foutraque, un roman génialement foutraque et diaboliquement drôle.
    D’une plume alerte et talentueuse, Martin Millard offre une histoire délirante qui voit des communautés de fées diverses et variées s’affronter dans une succession de rebondissements plus absurdes les uns que les autres et se réconcilier dans de spectaculaires beuveries. Il va sans dire que le monsieur ne fait pas dans la dentelle. On frôle parfois la vulgarité, mais sans jamais y tomber et l’aspect totalement jubilatoire des aventures racontées fait de toute manière passer au dessus de quelques petits dérapages. Il faut dire que le tempo est plus allegrissimo qu’andante. Nos fées aiment le rock et le rythme du récit va avec. Impossible de lâcher, on est littéralement embarqué sans aucune envie de descendre en cours de route.
    Et puis qu’est-ce qu’elles sont attachantes ces deux petites fées punk et rock’n roll ! Aussi cinglées l’une que l’autres, à moitié alcooliques et incapables de passer plus de deux minutes sans déclencher une catastrophe susceptible de raser New-York mais le cœur sur la main et l’amitié facile. Très très humaines avec leurs crises de jalousie et leurs grands élans d’amour. En les regardant arpenter les rues de New-York et en suivant les remous qui agitent le monde des fées, on entre sans trop s’en rendre compte dans un portrait sans fard de nos sociétés et de leurs marges. Rien qui puisse faire rire a priori et pourtant, Martin Millar nous parle de l’exclusion et de la pauvreté, de la maladie, de l’exploitation sociale et de la tyrannie aussi sans quitter un instant le registre de l’humour. Dinnie, obèse et détestablement misanthrope, Kerry qui cache son désespoir sous ses vêtements colorés, Magenta la clocharde qui se prend pour Xénophon… Tous à leur manière sont aussi attachants que Heather et Morag. Et si tout est bien qui finit bien ou presque, il est difficile de quitter ces personnages qu’on aurait presque envie de rencontrer en vrai (même Dinnie et pourtant, ce n’était pas gagné) et ces petites fées malicieuses.
     
     
    Un sacré coup de cœur.

    Les billets de la librairie Critic, du Cafard Cosmique, ChimèreAngua...

    Martin Millar, Les petites fées de New-York,  Intervista, 2009, 5/5