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  • Dis oui Ninon

    Ninon ne comprend pas tout de ce qui se trame dans le monde des adultes, mais une chose est sûre, elle sait exactement ce qu'il lui faut pour être heureuse. N'en déplaise à Madame Kaffe et à l'école.

    Une petite bulle de bonheur. C'est la meilleure manière à mon avis de définir ce premier roman plein de tendresse. Pourtant j'apprécie assez peu les voix d'enfant en littérature, que je trouve rarement convaincante. Là, la magie opère tout de suite et tient jusqu'à la fin: parce que les mots et les phrases sonnent juste. On s'attache à la voix de Ninon, à ses mots d'enfants, à la manière dont elle déforme les choses, les expressions, à sa manière d'exprimer son amour pour les choses et les gens, à sa naïveté et sa lucidité. Une petite fille merveilleuse, pleinement vivante et déterminée à préserver le bonheur qu'elle sait exactement où et comment trouver. Et au diable les adultes qui pensent que ce n'est pas une vie pour une petite fille de son âge.

    J'ai aimé courir dans les champs avec Ninon, monter sur le tracteur, traire les chèvres, dormir à la belle étoile ou presque. Malgré une situation familiale difficile et le poids des regards autour que l'on sent, et la souffrance de Ninon parfois qui même si elle ne peut tout expliquer est pleinement consciente de ce qui l'entoure. Elle est rigolote Ninon, mais elle est aussi un redoutable révélateur des petites lâchetés, des drames, des mensonges qu'elle repère. A travers ses yeux, se dessinent des amours compliquées, des relations familiales chaotiques, des rêves que l'on essaie d'atteindre à la force du poigné, l'amertume des échecs et des obstacles qui se dressent sans cesse, les amitiés qui se cassent. Le monde d'adultes qui essaient d'assumer une différence que Ninon vit naturellement et pleinement. Non elle n'est pas pareille que les autres enfants, oui les jeux ne l'intéressent pas, les robes à cerises non plus. Elle, elle préfère les chèvres et Raymond le chien qui a peur qu'on l'abandonne, sa cabane dans les herbes, grimper aux arbres et faire de la poésie artisanale.

     

    On aimerait prolonger le chemin avec elle, mais il faut la laisser s'envoler! Je la vois bien s'éloigner en sautillant dans les hautes herbes...

    L'avis d'Anne, Aifelle, Cathulu, Antigone, Keisha, Kathel, Venise,...

     

    L'auteur est chez Lily et sur son blog!

     

    Maud Lethielleux, Dis oui Ninon, Stock, 2009, 4/5

  • Le nom du vent

    Chronique du tueur de roi - Chronique du tueur de roi, Première journée T1

    "J'ai libéré des princesses. J'ai incendié la ville de Trebon. J'ai été exclu de l'Université à un âge où l'on est enore trop jeune pour y entrer. J'ai suivi des pistes qu clair de lune que personne n'a osé évoquer. J'ai conversé avec des dieux, aimé des femmes et écrit des chansons qui tirent les larmes aux ménestrels.

    Mon nom est Kvothe. Vous avez du entendre parler de moi."

    J'avais pris un air sceptique à la lecture de la prose de Stéphane Marsan. J'avais lorgné d'un oeil dubitatif sur la quatrième de couverture. Mais puisqu'il le fallait, j'avais tourné avec le courage de l'abnégation la première page. Au bout de deux lignes, je savais que j'étais fichue. A la moitié j'ai fini par comprendre que ce n'était que le tome 1 et j'ai hurlé. A l'avant-dernière page, j'ai tenté de freiner des deux pieds et de toutes mes mains disponibles, mais c'était trop tard. C'est un coup de coeur et un gros. 726 pages. Rien que ça et achevé en deux jours. J'ai lu en marchant, en mangeant, au petit-déjeuner, au dîner, dans un parc sous quelques gouttes de pluie, j'ai baladé le pavé dans mon sac et j'ai dormi la tête dessus, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer, les aliens auraient pu décider d'aggraver ma semaine de merde.

     Mais passons donc au contenu: Kvothe est un Edema Ruh, enfant d'une troupe de comédiens ambulants protégée par les puissants. Avide de connaissances, acteur et musicien talentueux, il semble promis à une vie aventureuse et bien remplie au sein de sa famille. Jusqu'au massacre qui le laisse orphelin et seul avec son rêve d'intégrer un jour l'Université et de devenir un arcaniste, un de ceux qui maîtrisent la magie.

    Patrick Rothfuss mène la barque de son histoire de main de maître. Après un prologue percutant, il commence en douceur, plantant le décor du quotidien d'une auberge de village et d'un tenancier qui petit à petit révèle ses secrets. Jusqu'à ce que l'arrivée du Chroniqueur bouleverse tout et le mène à raconter l'histoire d'une vie qui est devenue une légende. Entrecoupé par des scènes du présent qui ouvrent des questionnements, annoncent des rebondissements, le récit de Kvothe se révèle passionnant et haletant. Tout y est: les batailles, l'aventure, la survie envers et contre tout, l'apprentissage de la magie, les obstacles divers et variés. Un roman d'apprentissage en bonne et due forme avec un personnage principal à la fois crispant et attachant, et des personnages secondaires qui pour n'être pas toujours très approfondis peuplent avec bonheur et vraisemblance les villes et les campagnes. Kvothe va quitter l'enfance, apprendre à faire face au mépris, à la rancoeur, à l'impatience qui peut le mener à sa perte, à l'amour qui se révèle être une discipline fort complexe.

    La magie est présente de manière fine. Pas vraiment de tours spectaculaires, mais des disciplines presque scientifiques qui sont la trame d'une réflexion sur la manière dont la magie peut être appréhendée. Science mystérieuse et dangereuse, manifestation du démon, tout y est. J'ai particulierement apprécié la manière dont l'évolution de la magie est rapprochée de celle de la science: conservatisme, découvertes, etc. Par exemple, après les chasses aux arcanistes (ça devrait rappeler quelques petits épisodes historiques), la magie finit par être plus ou moins acceptée selon les régions et les pays. Les maîtres de l'Université luttent contre toute manifestation de magie qui pourrait ramener au temps de l'intolérance, faisant ainsi preuve d'un conservatisme qui, s'il protège, porte aussi des ferments de mort. Superstition, rejet, intolérance religieuse sont ainsi mis en lumière par petites touches, en filigrane de l'histoire de Kvothe.

    A travers cette histoire, il est aussi question de la manière dont des vies et des faits deviennent des mythes et des légendes, et dont les mythes et les légendes recouvrent la vérité. La légende après laquelle court Kvothe, intimement persuadé de sa vérité, celle des Chandrians. Le mythe que lui-même devient au cours de sa quête. En regard du récit de Kvothe, des bribes des histoires qui courent sur son compte sont données, illustrant les ressorts du chemin qui mène de la réalité à l'imaginaire.

    Je ne vais pas en jeter plus, ce roman est une merveille et finalement, le dire se suffit presque!

     

    Patrick Rothfuss, Le nom du vent, Bragelonne, 2009, 5/5

  • Le château de Yodo

    Tchatcha est une princesse, fille du seigneur d'un clan puissant, nièce de nobunaga, maître du Japon, concubine de Hideyoshi son successeur. Pourtant, c'est par trois fois qu'elle verra le château où elle vit détruit et les membres de sa famille contraints au suicide pour l'honneur; Son malheur, appartenir, chaque fois au camp des perdants.

     

    Un peu comme dans Le sabre des Takeda, Yasushi Inoué choisit une époque charnière de l'histoire du Japon: le temps où les daïmyos vont devoir apprendre à prêter allégeance, le temps où quelques hommes vont lutter pour l'unification du Japon. Batailles, meurtres, duels, châteaux assiégés et incendiés, suicides, otages, tous les ingrédients d'une fresque historique d'envergure sont réunis. Pourtant, ce ne sont pas les batailles qui intéressent le plus Inoué. Son récit, il le centre sur un personnage féminin, Tchatcha, et sur son destin de femme noble, qui se voit devenir une pièce dans des luttes politiques et amoureuses qu'elle ne maîtrise pas. Ne nous y trompons pas, Tchatcha n'est pas une victime: tour à tour capricieuse, versatile, courageuse, intrigante, amoureuse, mère, soeur, elle lutte toujours, espère malgré les événements qui se retournent contre elle. C'est un drôle de personnage, une femme forte mais faillible, antipathique mais attachante, impavide mais passionnée. Bridée aussi par le carcan de traditions qu'elle ne parvient pas à abandonner derrière elle. Trop consciente de son statut, de son sang et de ses droits, elle ne peut faire face à un monde qui change et dont les traditions vont bientôt se trouver bouleversées par une nouvelle donne politique. Inoué lui donne une profondeur psychologique rare, et en fait à bien des égards le sujet du roman. Il démontre en tout cas son immense talent et sa profonde connaissance de la nature humaine.

    Epique, Le chateau de Yodo est une véritable fresque, passionnante à bien des égards: tableau du mode de vie de l'aristocratie, des traditions guerrières, récit des années de la réunification et des trahisons. Par sa manière de décrire ses personnages et leurs pensées, les paysages dans lesquels ils évoluent, Inoué rend ce Japon de la fin de l'époque médiéval plus proche, presque intime. C'est beau, c'est parfois poétique, et malgré la multitude de personnages et de faits, il parvient à ne jamais perdre le lecteur. Une gageure quand on pense à la complexité de la politique et des liens familiaux de l'époque!

    C'est à mon sens une excellente manière d'en apprendre un peu plus sur le Japon sans s'ennuyer et un beau portrait de femme à côté duquel il serait dommage de passer!

     

    L'avis de Codotusylv.

     

    Yashusi Inoué, Le château de Yodo, Ed. Picquier, 1999, 4/5

  • Les fantômes d'Ombria

    Le prince d'Ombria se meurt, son fils Kyel n'est qu'un enfant et son cousin, Duncan Greve un bâtard qui préfère courir les rues de la cité et peindre que de subir le mépris de la cour. La voie est libre pour la Perle Noire, étrage vieille femme déssechée présente à la cour de mémoire de courtisan. Elle s'empare de la régence et laisse libre court à sa cruauté et à sa soif de pouvoir. Mais au-dessous des rues d'Ombria s'étend la cité enfouie, l'Ombria des temps anciens, peuplée de spectres et de la sorcière Faey et de sa poupée de cire, Mag.

     

    Une bonne surprise que ce court roman de fantasy: bien loin de la saga fleuve à laquelle les amateurs du genre sont habitués, Patricia McKillip offre un univers fouillé mais centré autour de quelques personnages seulement et d'une cité brossée dans tous ses mystères. L'ambiance qu'elle installe en quelques pages, faite d'ombres, de secrets, de passages et de pièces oubliées instille tout doucement son charme. Un peu brin vénéneux le charme, à l'image de la cité d'Ombria d'ailleurs, personnage à part entière du récit avec ses bâtiments qui s'enfoncent dans le sol, la cité fantôme sous la cité de lumière, les portes vers d'autres mondes. Jouant sur le présent et le passé qui se mêlent de manière parfois inextricable, l'auteur maintient un sentiment d'attente et de secret qui contribue grandement à la bonne tenue du roman. Sans faire preuve d'une originalité débordante, Patricia McKillip utilise à bon escient et avec talent les thèmes du renouvellement, de la mémoire, de l'importance et de la signification des contes. J'ai aimé cette idée que les hommes transforment en contes et en comptines leur histoire, et que le souvenir de ce qui a été se transmet ainsi de génération en génération. Rien de neuf, bien évidemment, mais la manière de le dire dans Les fantômes d'Ombria est poétique et intelligente.

    On en ressort avec l'impression d'avoir passé un moment entre rêve et réalité, de s'être perdu un temps dans les ombres. Heureux de retrouver la lumière, mais enchanté du voyage!

    Cuné n'a pas été séduite, Fashion a aimé.

     

    Patricia McKillip, Les fantômes d'Ombria, Mnémos, 2005, 4/5

  • Boomerang

     

    Sur le route de Noirmoutier, l'île des vacances de l'enfance où ils ont fêté ses quarante ans, et où ils n'étaient pas retournés depuis 1973, Mélanie a tenté de dire quelque chose à son frère Antoine avant d'être interrompue par un violent accident qui manque la tuer. Pour Antoine c'est une électrochoc. Divorcé d'une femme qu'il aime encore, dépassé par ses enfants adolescents, lassé par un métier qu'il exerce sans plus d'envie, il part sur les traces de ce passé marqué par la mort de la mère et le silence entretenu par une famille bourgeoise fermée sur ses secrets. L'occasion de panser les blessures et de rencontrer un drôle d'ange en Harley Davidson qui va secouer un quotidien bien trop englué dans la routine.

     

    Je trainais des pieds. Il faut dire que ma première rencontre avec la prose de Tatiana de Rosnay s'était soldée par une solide déception. Mais voilà bien la preuve qu'en littérature comme ailleurs il ne faut pas se laisser arrêter par les préjugés: j'ai beaucoup, beaucoup aimé. C'est drôle, enlevé, sympathique, un peu triste et déprimant, c'est la vie comme elle vient.

    Au centre du récit, un secret de famille, un de ceux qui alourdissent la vie sans qu'on le sache, faute de le connaître. La quarantaine dépressive, Antoine traîne ce secret, celui de mère, la si jolie Clarisse, décédée d'une rupture d'anévrisme alors qu'il était enfant et si vite effacée de la chronique familiale. En partant sur ses traces, Antoine va peu à peu réapprendre à se tenir debout et à affronter la vie, à la croquer à pleines dents, à apprécier chaque miette d'amour et de passion qui lui est accordée. On le suit, aussi avide que lui de découvrir la vérité sur cette femme. Boomerang, c'est la claque parfois nécessaire pour s'extraire de l'étouffante routine, de la peur qui pousse à se contenter de ce que l'on a et qui ne nous satisfait pas. Ça n'a l'air de rien comme ça, le récit de ce quotidien pas très brillant, mais les personnages, Antoine en tête, sonnent juste et deviennent au fil des pages en quelque sorte des amis que l'on n'a pas envie de laisser.

    Entre la chronique familiale, l'histoire d'amour, l'enquête pas tout à fait policière, Tatiana de Rosnay parle avec finesse et humour de la manière dont on peut se libérer en comprenant d'où on vient, en se retrouvant et en l'acceptant. Au fond, elle parle de ces amours si compliquées: entre amants, entre parents et enfants, entre frères et soeurs,... de la difficulté d'exprimer ses sentiments, la manière dont les non-dits s'installent et finissent par tout détruire, la manière aussi dont la routine étouffe l'amour sans qu'on s'en rende compte. En quittant Antoine et sa tribu, on a parcouru un bout de chemin, et pris conscience, comme eux tous, que la mort est si présente qu'il ne faut pas oublier de vivre. Banal sans doute, mais qui n'a pas oublié de profiter de la vie en se laissant engloutir sous les soucis et les problèmes du quotidien?

     

    Un roman ui fait du bien.

    L'avis de Cuné, de Laure, de Clarabel, d'Hydromielle.

     

    Tatiana de Rosnay, Boomerang, Ed. Héloïse d'Ormesson, 2009, 4/5