Sur le route de Noirmoutier, l'île des vacances de l'enfance où ils ont fêté ses quarante ans, et où ils n'étaient pas retournés depuis 1973, Mélanie a tenté de dire quelque chose à son frère Antoine avant d'être interrompue par un violent accident qui manque la tuer. Pour Antoine c'est une électrochoc. Divorcé d'une femme qu'il aime encore, dépassé par ses enfants adolescents, lassé par un métier qu'il exerce sans plus d'envie, il part sur les traces de ce passé marqué par la mort de la mère et le silence entretenu par une famille bourgeoise fermée sur ses secrets. L'occasion de panser les blessures et de rencontrer un drôle d'ange en Harley Davidson qui va secouer un quotidien bien trop englué dans la routine.
Je trainais des pieds. Il faut dire que ma première rencontre avec la prose de Tatiana de Rosnay s'était soldée par une solide déception. Mais voilà bien la preuve qu'en littérature comme ailleurs il ne faut pas se laisser arrêter par les préjugés: j'ai beaucoup, beaucoup aimé. C'est drôle, enlevé, sympathique, un peu triste et déprimant, c'est la vie comme elle vient.
Au centre du récit, un secret de famille, un de ceux qui alourdissent la vie sans qu'on le sache, faute de le connaître. La quarantaine dépressive, Antoine traîne ce secret, celui de mère, la si jolie Clarisse, décédée d'une rupture d'anévrisme alors qu'il était enfant et si vite effacée de la chronique familiale. En partant sur ses traces, Antoine va peu à peu réapprendre à se tenir debout et à affronter la vie, à la croquer à pleines dents, à apprécier chaque miette d'amour et de passion qui lui est accordée. On le suit, aussi avide que lui de découvrir la vérité sur cette femme. Boomerang, c'est la claque parfois nécessaire pour s'extraire de l'étouffante routine, de la peur qui pousse à se contenter de ce que l'on a et qui ne nous satisfait pas. Ça n'a l'air de rien comme ça, le récit de ce quotidien pas très brillant, mais les personnages, Antoine en tête, sonnent juste et deviennent au fil des pages en quelque sorte des amis que l'on n'a pas envie de laisser.
Entre la chronique familiale, l'histoire d'amour, l'enquête pas tout à fait policière, Tatiana de Rosnay parle avec finesse et humour de la manière dont on peut se libérer en comprenant d'où on vient, en se retrouvant et en l'acceptant. Au fond, elle parle de ces amours si compliquées: entre amants, entre parents et enfants, entre frères et soeurs,... de la difficulté d'exprimer ses sentiments, la manière dont les non-dits s'installent et finissent par tout détruire, la manière aussi dont la routine étouffe l'amour sans qu'on s'en rende compte. En quittant Antoine et sa tribu, on a parcouru un bout de chemin, et pris conscience, comme eux tous, que la mort est si présente qu'il ne faut pas oublier de vivre. Banal sans doute, mais qui n'a pas oublié de profiter de la vie en se laissant engloutir sous les soucis et les problèmes du quotidien?
Un roman ui fait du bien.
L'avis de Cuné, de Laure, de Clarabel, d'Hydromielle.
Tatiana de Rosnay, Boomerang, Ed. Héloïse d'Ormesson, 2009, 4/5