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  • Barococo

    Barococo de Yû NAGASHIMA

     

    Un employé temporaire, une boutique d'antiquité au nom étrange, un petit monde qui se croise, se déchire et se réconcilie... La vie comme elle va à Tokyo au gré du cri du goéland à queue noire.

    Oui je sais, ça ne vous avance pas beaucoup. A ma décharge, il est difficile, voire impossible de résumer Barococo par le fil linéaire d'une histoire. J'ai un peu pensé à Hiromi Kawakami en lisant ce roman japonais lauréat du prix Kenzaburo Oé en 2007 (prix créé en 2005 par une grande maison d'édition japonaise pour promouvoir la littérature japonaise à l'étranger; le livre du lauréat est traduit en français, en anglais et en allemand). On est devant des tranches de vie qui se suivent avec des ellipses ou pas. On voit se dessiner au fil des pages la vie d'un petit groupe d'hommes et de femmes. Rien de neuf, rien d'original: disputes, amitiés naissantes, mariages, cadeaux, escapades, petites bizarreries. Le quotidien tout bête. On le voit se dérouler au travers du regard presque entomologique et parfois humoristique que porte le petit employé de la boutique. Velléitaire, un peu mou, on est loin du héros!

    Pour ma part, j'apprécie cette littérature japonaise, détachée, presque froide, et pourtant attachante. Je l'aime d'autant plus qu'elle révèle souvent des facettes du Japon plutôt méconnues: on est loin de l'image de ce Japon où le travail et la dignité sont des vertues centrales, où la jeunesse exorcise la pression qui repose sur elle dans les excès vestimentaires. On est loin aussi du tableau glaçant qu'en dresse Ryu Murakami. Ou du monde étrange de Haruki Murakami. Un homme qui vit de petits boulots, une femme en mal d'enfant qui passe son permis de conduire un deux roues, un antiquaire aux réactions étranges, une étudiante en art qui fabrique des boites en bois, un grand-père très vieux Japon, une française fan de sumo, tout ce petit monde se croise et évolue dans un petit quartier résidentiel. A y repenser a posteriori, je n'en garderai pas un souvenir palpitant et prégnant, et je ne trouve guère de choses à ajouter mais j'ai passé un excellent moment en compagnie de cette petite troupe.

     

    Yû Nagashima, Barococo, Ed. Philippe Picquier, 2009, 3/5

  • Fovéa

    Je ne vais pas revenir sur le fait que j'aime Léa Silhol, je le crie à tous vents blogosphériques depuis l'ouverture de ce blog voilà 2 ans. J'aime ses romans, j'aime ses nouvleles, j'aime sa plume et son univers finement ciselé et voilà que je recommence...

    Je n'étonnerai donc personne en révélant que j'ai aimé Fovéa. J'ai aimé Fovéa mais j'ai aimé Fovéa malgré. C'est en effet un étrange objet que ce recueil mêlant photographies, illustrations, nouvelles et poèmes dont certains sont fantastiques, d'autres ancrés dans le réel.

    Si l'organisation du recueil semble anarchique de prime abord, sa structure se dégage assez vite. Après plusieurs textes introductifs, les textes s'organisent en tryptiques avec comme fil conducteur, en tout cas pour moi, le sentiment amoureux et ses déclinaisons: amitié, amour naissant, amour mourant, admiration, foi. Le tout au prisme de la perception. Le regard est important dans Fovéa: ce que l'on perçoit, les déformations visuelles, les miroirs, les reflets, les vitres. C'est sombre, parfois glauque, souvent déstabilisant. Et donc assez passionnant si on accepte de se laisser aller.

    Les textes longs, inédits ou remaniés sont superbes. On y retrouve Lucifer opiomane et les suites de sa rencontre avec le poète, et surtout, surtout, Jebraël et ses compères que j'avais tant aimé. Ces nouvelles publiées initialement dans la première version de La Tisseuse (chez Nestiveqnen) étaient devenues introuvables. C'est un bonheur de les retrouver. Et puis les énigmes, les textes à lire dans un miroir, les photographies, les illustrations font de ce recueil une expérience de lecture différente de ce à quoi on peut ête habitué et oblige à sortir des réflexes et habitudes de lecture. Peu à peu leur sens se dessine, se complète, change.

     J'avoue avoir été parfois un brin crispée, mais rien qui ait gâché mon plaisir bien au contraire! C'est un recueil sur lequel je reviendrai, certaine d'y appréhender de nouvelles dimensions, d'y comprendre d'autres éléments de l'univers de Léa Silhol.

     Le labo Error Type. L'avis de Lucie Chenu.

  • Henri Rivière, entre impressionnisme et japonisme

    Ce que j'aime dans les musées et galeries parisiens, c'est qu'au détour d'un affiche, d'une balade du dimanche, on peu soudain tomber en amour avec une oeuvre. C'est ce qu'il m'est encore arrivé avec Henri Rivière qui m'était jusqu'alors totalement inconnu: des gravures superbes, des aquarelles à couper le souffle, des dessins touchants, des couleurs et des atmosphères sublimes, je suis entrée dans une univers fascinant.

    Mais présentons donc ce monsieur avant de se répandre en compliments divers et variés dont il n'a plus que faire, étant décédé 1951.

    Autodidacte, Henri Rivière commence sa carrière artistique au sein du groupe d'artiste qui fréquente le mythique Chat Noir et se fait connaître comme créateur du Théâtre d'ombre dont on peut voir des morceaux au Musée d'Orsay.

    Les spectacles qu'il conçoit à cette époque remportent un grand succès. Rivière transpose les tableaux successifs des spectacles en lithographies qui sont exposées au tout début de l'exposition: La marche à l'étoile, L'enfant prodige, Le juif errant, autant de pièces qui annoncent la suite d'une oeuvres passionnante.

    Dès ce moment j'étais perdue: des gravures douces, dans des teintes pastels, extrêmement poétiques se succèdent. En regard, des eaux-fortes plus sombres comme L'enterrement aux parapluie, attirent l'oeil. Dès lors, il est clair que Henri Rivère est un graveur hors pair.

     Dès la deuxième salle, on entre de plain pied dans ses recherches: au cours de sa carrière, Henri Rivière va explorer une grande partie des facettes de l'art de la gravure: eaux-fortes, lithographie, gravure sur bois, l'aquatinte, le vernis mou, etc. Il a ainsi parfois réalisé les mêmes sujets de différentes manière. Voir ces oeuvres misent en regard permet de découvrir les techniques de gravure. C'est d'autant plus intéressant que le étapes successives de la gravure et de sa colorisation, les dessins préparatoires, les matrices sont également exposées.

    C'est également à partir de cette deuxième salle que se révèle la fascination de Rivière pour la Bretagne et l'art japonais. La Bretagne, il va y séjourner régulièrement et en tirer deux séries magistrales: Paysages bretons et La Mer, études de vagues.

    Il collectionne les estampes japonaises et se lance dans la gravure sur bois en couleurs, retrouvant de manière empirique la technique japonaise et gravant de nombreux paysages bretons tous plus beaux les uns que les autres.

    L'influence japonaise, on la retrouve de manière évidente dans les Trente-six vues de la Tour Effeil, hommage aux Trente-Six vues du Mont Fuji de Hokusai. Comme lui, Rivière joue sir les cadrages, les points de vue, les saisons, la lumière pour donner une vision atypique du Paris du début du 20e siècle.

     Emaillant l'accrochage des oeuvres de Rivière, des estampes de Hokusai et Hiroshige issues de la collection personnelle de l'artiste permettent non seulement de comparer le résultat des techniques des uns et des autres, mais de perçevoir pleinement l'influence profonde que l'art japonais a eu sur lui.

    Suivent des lithographies en grand format à destination décorative: Les aspects de la nature, La féérie des heures, Beau pays de Bretagne...

    Enfin, c'est l'oeuvre d'aquarelliste de Rivière qui est mise à l'honneur: une oeuvre foisonnante qui fait faire un tour de France en paysages. J'y ai retrouvé avec plaisir mon sud natal. Et découvert les différentes étapes de l'exécution des aquarelles.

     

    Une très très belle exposition à la BnF, site Richelieu, que je vous encourage à aller découvrir si ce n'est pas déjà fait!

    Les reproductions d'oeuvres viennent du site Les amis d'Henri Rivière. Elles seront supprimées à la demande. Pour en savoir plus sur cet artiste, filez à l'adresse suivante, il y a de quoi faire: http://www.henri-riviere.org/v2/!

     

     

  • La dernière ballade

     

    Un vieux musicien vit seul avec ses souvenirs dans une maison isolée, attendant de mourir vraiment après avoir organisé son enterrement pour pouvoir disparaître et changer de vie. La mort d'un chanteur qu'il avait côtoyé jeune l'incite à soudain à sortir de son exil et à tenter un come-back.

    Je l'avoue, la vue de ce très court roman ne provoquait en moi aucun enthousiasme, et c'est en traînant la patte que je me suis décidée à l'ouvrir à un moment perdu. Ce qui est une fort bonne chose puisque je serais passée à côté d'un fort joli texte. Pour son premier roman (mais pas son premier livre), Denis Soula rend un bel hommage à la musique: jazz, soul, blues, et surtout rock et folk. Au fil de souvenirs du vieil homme dont il a fait son héros, on voit défiler toute une galerie de magiciens: Johnny Cash, June Carter, Jerry Lee, Bob Dylan et bien d'autres dont nous avons forcément un jour entendu résonner la voix.

    Mais ce vieil homme n'est pas n'importe qui. Il est l'homme qui fut connu autrefois sous le nom d'Elvis Presley (même moi j'ai fini par comprendre les indices qui émaillent le texte). Il raconte au fil des jours et des nuits le chemin qu'il entreprend pour retourner vers la musique après l'avoir abandonnée. L'importance que prend petit à petit la jeune femme qu'il a embauchée pour l'aider dans cette entreprise. Les doutes, la souffrance de ne plus pouvoir retrouver le même son, la même passion que celle qui avait pu l'animer. Il parle de l'importance de la musique, de la révolte dont elle est porteuse. Il dit la passion de la musique qui habite, qui consume, puis qui un jour console. Qui permet de dire la souffrance. Et qui permet le partage.

    On n'enregistre pas pour passer le temps, on enregistre parce qu'on pense qu'on a quelque chose à dire qui intéressera les autres. Ou parce qu'on a mal et qu'on veut se soigner. Parce qu'on a envie de hurler."

    Si le postulat de départ peut faire peur, il s'avère très vite que ce n'est pas tant qui est ce vieil homme qui importe que ce qu'il représente: pas d'hystérie de fan, pas de fascination, juste l'amour de la musique et du rock qui transpire dans ces pages. Sans complaisance non plus: le portrait du milieu musical, de ses dérives et de ses défauts peut se faire glaçant au détour d'une page. L'histoire que raconte Denis Soula est aussi celle d'une longue descente aux enfers, des compromissions, des renoncements, du plaisir pris dans ce qui est appelé les ténêbres.

    " Au fond Kurt Cobain, Robert Johnson, Hank Williams, Cash et lui, c'est la même graine. Misfits... Sauvages, poètes, bandits, ils cherchaient autre chose et ils ont fini par se pousser hors du monde. Foudroyés."

     En quatre saisons et de courts chapitres portés par une plume simple et agréable, Denis Soula raconte Memphis et le rock, les crooners, le jazz, le cinéma, dresse un beau portrait,  et donne envie d'écouter de nouveau ces monstres sacrés.

     

     

    Denis Soula, La dernière ballade, Autrement, 2009, 4/5

  • L'avant-dernière chance

     

    Sur un tournage à Londres, Adèle, jeune stagiaire française, reçoit un texte inattendu: son grand-père, décédé quelques jours auparavant lui souhaite un joyeux anniversaire. Cet épisode est l'occasion pour la jeune femme de se souvenir du mois écoulé au cours duquel elle a redécouvert son grand-père, Georges, 83 ans. Un vieil homme qui ne veut pas qu'on l'emmerde, mais tendre, drôle et fermement décidé à accomplir avec son vieil ami Charles le Tour de France en Scénic, dût-il correspondre par texte avec sa lointaine petite fille.

    L'avant-dernière chance est un joli premier roman, titulaire du Prix Nouveau Talent 2009 de la Fondation Bouygues Télécom - Métro. Ce prix récompense un texte littéraire intégrant le langage SMS ou des messageries instantanées et permet à l'auteur de publier.

     Autant vous dire que des textos, il y en a dans cette histoire tendre et rigolote. On voit un Georges bougon s'atteler à comprendre son téléphone portable, les textos et le seumesseu d'abord pour qu'on lui fiche la paix, puis parce que c'est un moyen de se rapprocher de cette petite-fille partie si loin. De petits mots en petits mots, Adèle et son grand-père vont se redécouvrir et s'aimer encore plus fort.

    Rien de très neuf, ni de très original, mais les aventures des deux papys en Bretagne entre bonne chère et engueulades, les amours naissantes et les petits drames quotidiens sont agréables à suivre. Il faut dire qu'avec leurs petites manies, leur bons mots, leurs vapeurs, et leur humour vaseux, ils sont attachants tous les deux! Un vrai petit couple en vadrouille dans des endroits qui semblent superbes!

    On a envie de savoir ce que va devenir Georges, et Charles, et Adèle, et c'est le principal malgré les fils blancs qui cousent l'intrigue et les bons sentiments. Après tout, cela fait du bien au moral et c'est le principal! On rit, on pleure, on sourit, on boirait bien un petit bol de cidre, et on ferait bien un petit tour en Bretagne aussi. Et on repense avec un petit sourire à ses propres grands-parents. La fin, imprégnée d'un brin de magie laisse rêveur et rappelle que la vie est bel et bien faite pour être vécue.

    Une lecture toute douce et touchante par la petite musique qui s'en dégage et la sincérité des mots et des sentiments.

     

    Merci à Caroline Vermalle de me l'avoir envoyé!

    Le blog de l'auteur, le billet de Dasola, Lo, Lune de pluie,  Saxaoul, Lou, Praline,  ...

    Caroline Vermalle, L'avant-dernière chance, Calmann-Levy, 2009, 3/5