Tchatcha est une princesse, fille du seigneur d'un clan puissant, nièce de nobunaga, maître du Japon, concubine de Hideyoshi son successeur. Pourtant, c'est par trois fois qu'elle verra le château où elle vit détruit et les membres de sa famille contraints au suicide pour l'honneur; Son malheur, appartenir, chaque fois au camp des perdants.
Un peu comme dans Le sabre des Takeda, Yasushi Inoué choisit une époque charnière de l'histoire du Japon: le temps où les daïmyos vont devoir apprendre à prêter allégeance, le temps où quelques hommes vont lutter pour l'unification du Japon. Batailles, meurtres, duels, châteaux assiégés et incendiés, suicides, otages, tous les ingrédients d'une fresque historique d'envergure sont réunis. Pourtant, ce ne sont pas les batailles qui intéressent le plus Inoué. Son récit, il le centre sur un personnage féminin, Tchatcha, et sur son destin de femme noble, qui se voit devenir une pièce dans des luttes politiques et amoureuses qu'elle ne maîtrise pas. Ne nous y trompons pas, Tchatcha n'est pas une victime: tour à tour capricieuse, versatile, courageuse, intrigante, amoureuse, mère, soeur, elle lutte toujours, espère malgré les événements qui se retournent contre elle. C'est un drôle de personnage, une femme forte mais faillible, antipathique mais attachante, impavide mais passionnée. Bridée aussi par le carcan de traditions qu'elle ne parvient pas à abandonner derrière elle. Trop consciente de son statut, de son sang et de ses droits, elle ne peut faire face à un monde qui change et dont les traditions vont bientôt se trouver bouleversées par une nouvelle donne politique. Inoué lui donne une profondeur psychologique rare, et en fait à bien des égards le sujet du roman. Il démontre en tout cas son immense talent et sa profonde connaissance de la nature humaine.
Epique, Le chateau de Yodo est une véritable fresque, passionnante à bien des égards: tableau du mode de vie de l'aristocratie, des traditions guerrières, récit des années de la réunification et des trahisons. Par sa manière de décrire ses personnages et leurs pensées, les paysages dans lesquels ils évoluent, Inoué rend ce Japon de la fin de l'époque médiéval plus proche, presque intime. C'est beau, c'est parfois poétique, et malgré la multitude de personnages et de faits, il parvient à ne jamais perdre le lecteur. Une gageure quand on pense à la complexité de la politique et des liens familiaux de l'époque!
C'est à mon sens une excellente manière d'en apprendre un peu plus sur le Japon sans s'ennuyer et un beau portrait de femme à côté duquel il serait dommage de passer!
L'avis de Codotusylv.
Yashusi Inoué, Le château de Yodo, Ed. Picquier, 1999, 4/5