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Chiff' - Page 38

  • La citation du jeudi: Le palais de cristal

    "Nous marchions depuis une demi-heure quand je me rendis compte que les livres venimeux étaient là. J'entendais les pages qui tournaient autour de ma tête, les couvertures qui galopaient dans l'ombre, tout près de nous. J'entendais aussi un murmure  continu et étouffé. On aurait pu croire  que l'on chuchotait  des dizaines de conversations dans notre dos. Je sentais les livres venimeux qui évoluaient par cercles et qui se rapprochaient. Bientôt, un petit livre rouge, couverture souple et papier bible traversa le halo des lumièreroses. Puis ce fut le tour d'un grimoire qui nous dépassa en deux bonds, soulevant un nuage de poussière. Quelques minutes plus tard, nous enjambions des piles entières de livres venimeux qui grouillaient sous nos pas, montaient les uns sur les autres et faisaient claquer leurs pages de la manière la plus sonore possible. La rumeur avait enflé, elle était devenue assourdissante... Je percevais des phrases entières, des exergues et même de petites notes qui susurraient des paroles sifflantes et inquiétantes."

     

    carnetsouterraisndezenon.jpgDepuis des années, Zénon mène une double vie. La nuit, quand la maison dort, il explore les souterrains qui partent de sa chambre en compagnie de son ami, Erasmus II Apoildur, un chien de couleur, bavard comme une pie, fumeur de pipe et grand amateur de poker. Et, chaque matin, il remonte à la surface pour se glisser dans son lit en catimini. Mais cette fois, il ne s'agit pas d'une simple promenade dans le monde souterrain. Malte, son amie aux yeux noirs, a disparu. Elle n'est plus remontée à la surface depuis des semaines. Elle s'est volatilisée lors d'une exploration nocturne, alors qu'elle était sur le point de découvrir le palais de Cristal. Nuit après nuit, Zénon et le chien de couleur s'enfoncent dans les galeries et partent sur ses traces...

     

     

     

     

     

     

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    Aurel

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    Stephie

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    Valérie

    Yueyin

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Les étranges talents de Flavia de Luce - Alan Bradley

    9782702435038-G.jpgUn manoir, un colonel veuf, trois filles, l'Angleterre d'après-guerre. Classique? Pas tant que ça quand on creuse un peu: le jardinier a des crises étranges, la cuisinières mitonne des tartes de destruction massive, le colonel sombre dans la philatélie et Flavia, la plus jeune des filles est une chimiste hors pair fascinée par les poisons qui, lorsqu'elle découvre un cadavre parmi les concombres du potager se lance dans une enquête rocambolesque. D'autant plus motivée que son père est le principal suspect et qu'elle n'a pas l'habitude de se mêler de ses affaires...
     
    Ou comment plonger dans la campagne anglaise des années 50. Pour son premier roman, Alan Bradley installe une ambiance délicieusement surannée qu'il s'emploie ensuite à dynamiter dans les règles de l'art avec sa miss Marple transformée en fillette dégourdie. Flavia fait un peu penser à d'autres héroïnes de la littérature policière pour la jeunesse, comme Enola Holmes par exemple. Elle en a l'indépendance, la volonté, le goût du risque. Mais elle a son petit caractère  bien trempé, son insolence, sa naïveté parfois et ses réparties, ses relations pas piquées des hannetons avec ses soeurs, sa fidèle monture et son imagination débridée. De quoi charmer le lecteur quelque soit son âge qui la suis, parfois un peu agaçé, parfois souriant. J'avoue avoir été amusée par l'approche sympathique de la chimie qu'elle permet avec ses expériences, son laboratoire et sa fascination pour les chimistes de tout poil auprès desquels elle puise son inspiration: on découvre les poisons, les contre-poisons, les expériences et leur lien avec la biologie, les plantes et un certain nombre d'autres petites choses. Et puis, la bibliothèque du village vaut quand même le détour... Et la philatélie qu'on découvre un peu au passage.
    Pas besoin de se le cacher, l'intrigue est assez simple, mais ce n'est finalement pas le plus important: on prend plaisir à découvrir la famille de Flavia, le village, le manoir. C'est bourré de rebondissements pas toujours très crédibles, plein d'humour et très plaisant à lire. Bref, un bon petit polar pour se détendre à découvrir en version adulte ou jeunesse!
    Bradley, Alan, Les étranges talents de Flavia de Luce, Ed. du Masque, MsK, 2010, 372p., 3.5/5

  • Changement de décor - David Lodge

    51X97C4Y2CL._SL160_.jpg1975.

    Philip Swallow est un professeur britannique stagnant à l'université de Rummidge. Morris Zap est la superstar d'une université de Californie. Si leurs avions respectifs se croisent en plein ciel c'est qu'ils bénéficient tous deux d'un programme d'échange de 6 mois entre leurs universités respectives. Le premier se demande comme diable il est parvenu à se faire coincer dans ce cauchemars, le second fuit un marasme conjugal haut en couleur. Le résultat, comme on s'en doute, ne va pas être triste: Morris va devenir une icône du mouvement protestataire étudiant, Zap se retrouver embringué dans des histoires hautes en couleur concernant plus ou moins dans l'ordre une jeune femme partant en Angleterre pour un avortement, la modernisation de l'université de Rummidge et un ascenseur au fonctionnement étrange.

    Changement de décor est un roman totalement foutraque, réjouissant et hilarant sur le choc des cultures et le petit monde universitaire. Une fois écrit cela je pourrais partir faire autre chose, mais je vais tenter de développer quelque peu mon argumentaire. Mélangeant récit traditionnel, lettres, articles de presse, scénarios et autres, David Lodge créé un récit dynamique, débordant d'ironie qui prend comme exemple l'université et son fonctionnement pour démonter les rouages des cultures américaines et anglaises. D'un côté les traditions, de l'autre la grande révolution de la jeunesse, chacun en prend pour son grade. On s'attache à suivre les aventures des personnages, attachants avec leurs faiblesses, déstabilisés par l'univers qu'ils découvrent et les changements qui s'annoncent, se découvrant un peu mieux dans ce nouveau contexte et trouvant dans la vie de l'autre des attaches pour le moins inattendues. Leurs deux vies se superposent, se mèlent, et finalement changent et changent celles des autres. Car personne n'est épargné et c'est finalement cela qui amène aussi à se questionner sur la force qu'a notre environnement sur notre devenir. Mais sans jamais oublier d'en rire.
    Lodge, David, Changement de décor, Rivage poche, 1991, 373p., 4/5

  • Le journal d'une sorcière - Celia Rees

    journalsorciere.JPG1659 en Angleterre. Une vieille femme est condamnée pour sorcellerie et executée. Sa petite-fille, Mary, est contrainte à la fuite et s'exile en Amérique, accompagnant dans son voyage une famille puritaine. Un interminable voyage commence pour la jeune fille, en butte à la méfiance, à la rigueur des règles religieuses et aux superstitions.
    Ne vous attendez pas à la veine Harry Potter malgré le titre de ce roman jeunesse! Pas de sorts, de baguettes magiques et autres chaudrons dans le journal de Mary, mais le quotidien d'une jeune fille livrée à elle même au milieu du 17e siècle, prise dans les remous d'une époque où les luttes religieuses et la chasse aux sorcière battent leur plein.
    L'histoire de Mary est celle d'une jeune femme que ses dons et ses connaissances mettent en danger, que sa curiosité pour le monde expose au pire. Comme beaucoup de sorcières, comme sa grand-mère, elle connait les plantes, vit en marge, beaucoup trop libre pour une société fermement contrôlée par les églises. Et s'il est question d'apparitions, ou de transformations, ce sont les anciennes croyances qui sont évoquées, celles qui persistent clandestinement.
    De manière intéressante, son journal questionne la place des femmes dans la société  et principalement dans la société puritaine, finalement guère différente des autres: Mary la marginale, sa grand-mère, les femmes de la colonie, filles, épouses, veuves qui grapillent comme elles peuvent des miettes de liberté quitte à utiliser les règles pour se battre. On rencontre les échos de l'histoire de Salem, échos qui disent l'aliénation que représentent les règles puritaines, la folie, la haine et la peur qui en naissent, surtout envers ce qui est différent. La question de l'alterité est au centre du roman: il y a Mary bien sûr, jamais à sa place dans la colonie, mais aussi la confrontation des colons au monde indien, la peur, le mépris et le rejet de ce que les natifs du continent pourrait leur apprendre, le sentiment de supériorité qui mène à tous les excès et annonce les drames à venir. Je n'irais pas jusqu'à dire que Celia Reez évite les écueils d'un certain manichéisme, mais elle parvient à brosser le portrait d'une communauté d'homme dans sa complexité sans éviter d'aborder des questions difficiles et en restant cohérente avec le contexte historique. Tout cela fait de ce journal, présenté comme un document retrouvé un texte d'une grande sensibilité, soutenu, ce qui ne gâche rien, par une belle qualité d'écriture. A déguster sans aucune restriction dès 10 ans!
    Prix sorcières 2003.

    Rees, Celia, Le journal d'une sorcière, Seuil Jeunesse, 267p., 2004, 5/5

  • Lolita - Nabokov

    nabokov_lolita.jpgIl y a des classiques de la littérature autour desquels on tourne jusqu'au jour où, soudainement, une impulsion vous pousse à l'ouvrir. Vous êtes enfin prêts à affronter le monument. Quelqu'un vous en a parlé avec assez de passion pour vous décider. C'est un coup de folie monsieur le juge, je n'ai pas fait exprès. Lolita était de ceux là pour moi. Soigneusement rangés sur mes étagères depuis quelques années, je le regardai d'un oeil plus ou moins torve. En tout cas jusqu'à ce qu'Amanda passe par là et qu'il parte avec moi en vacances.
    Qu'en dire... A part qu'il me laisse, la lecture achevée, perplexe. Je n'ai pas aimé non. Pas du tout même. Et pourtant j'ai été au bout, attachée aux pages par une espèce de fascination en même temps que de la répulsion et de l'ennui. Un drôle de cocktail qui a aboutit à un sentiment de malaise comme j'en ai rarement connu.
    Il faut dire que Nabokov offre à son lecteur une immersion dans la psychée d'un nympholepte, d'aucun dirait un pédophile, admirant de loin les nymphettes jusqu'à ce que sa rencontre avec Lo, Lolita, Dolly, Dolorès le fasse sombrer dans une passion amoureuse sans issue et le mène au meurtre. Car Humbert Humbert se raconte: sa vie en Europe, son premier mariage, son divorce et son départ pour les Etats-Unis, ses dépressions, le mariage avec la mère de Lolita, ses complots, son voyage avec elle, la perte... Il n'épargne rien de leurs tribulations d'amants, victimes l'un de l'autre.
    Le récit est profondément immoral, choquant, et pourtant, au fil des pages, Nabokov parvient à le faire devenir amoral et à brouiller les repères du lecteur. Parce que Lolita est une victime oui, mais elle est aussi le bourreau. Enfant perdue dans la découverte de sa sexualité, jouant de sa séduction, elle se trouve confrontée au désir d'un adulte, soumise à ce désir qu'elle ne peut pas comprendre mais dont elle va aussi jouer et se jouer. Dans l'univers que décrit Humbert, elle finit par revenir à sa juste place: celle d'un être humain aussi égoïste et rusé que les autres, aussi insipide. A cet égard, la fin est atroce: on la sait brisée par sa relation avec Humbert par les indices semés au fil du texte, et pourtant, elle apparaît vivante comme si elle avait oublié ce qu'il s'était passé. Humbert lui-même est aussi une victime: victime de pulsions qu'il ne parvient plus à maîtriser, victime d'une folie dans laquelle il sombre doucement, profondément pitoyable et antipathique au dernier degré dans ses moments de lucidité.
    Voir le monde à travers les yeux de Humbert est éprouvant: des rues de la vieille Europe à l'Amérique, la galerie de portraits est sordide: mères abusives, adolescents se vautrant dans la luxure, pervers soigneusement dissimulés sous les oripeaux de la respectabilité, écrivains atteints de la folie des grandeurs, femmes au foyer désespérées... La critique sociale est bien présente, violente, presque plus violente que l'histoire de Lolita et Humbert.
    Et en même temps Nabokov n'épargne pas son narrateur. Quelque part, le style m'a profondément déplu, aussi parce qu'il est en adéquation totale avec la "voix" de Humbert: froid, et en même temps sinueux, débordant du mépris qu'il porte au monde, de son inadaptation, de cette érudition qui d'une certaine manière le justifie et qu'il étaie de références pour la plupart obscures. On dérape dans le délire avec lui, on revient à la lucidité. C'est à la fois lent, dilué, et insupportable des tensions du personnage, mais drôle par moment, et cynique.
    Lolita est une oeuvre malsaine, ambigüe, dans laquelle on finit par ne plus savoir qui juger et comment le juger. C'est aussi ce qui fait sa force: l'humain y est exposé dans sa complexité, dans l'enfer de ses pulsions et du monde qu'il se construit. Sans aucun doute un chef d'oeuvre, mais pas de ceux que je relirai.

     

    Les avis de Lilly, Erzébeth, Amanda...


     


    Nabokov, Vladimir, Lolita, Gallimard, Folio, 2001, 551p.