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Littératures anglo-saxonnes - Page 21

  • Dear old Jane

    Séduite par son titre et alléchée (telle le corbeau) par ce que j'ai pu en lire ici ou là, je me suis décidée à me lancer dans Le culb Jane Austen de Karen Joy Fowler.

    De nos jours (ou presque), un club particulier s'ouvre en Californie. Il réunit cinq femmes unies par leur amour de Jane Austen et de son oeuvre, et un homme, qui ne sait guère, le malheureux, où il a mis les pieds. Sur une année, nous allons suivre les péripéties quotidiennes, familiales, amoureuses, professionnelles de ces personnages. Jocelyn et ses chiens, Sylvia et son mari volage, Allegra et ses amours difficiles, Prudie et son français adoré... Toutes et tous cachent des blessures, des amours, un passé dont ils vont se faire l'écho l'un après l'autres. Six livres, six réunions vont scander ces récits de vie.

    Les personnages sont attachants. Il est agréable de les suivre, de découvrir ce qu'ils cachent sous la façade qu'ils présentent au monde, ce qu'ils pensent les uns des autres. Rien de bien particulier ne se passe. C'est vraiment une chronique de la vie quotidienne, rythmée par ces rencontres et ces échanges autour de Jane Austen. Parfois un peu longuette, mais jamais désagréable. On se prend d'amitié pour les uns et pour les autres.

    Il va sans dire que l'auteur apprécie cette vieille Jane. Mais finalement, elle n'est qu'un prétexte. J'ai d'ailleurs été un peu destabilisée au départ. Je cherchais un rapport entre les oeuvres qui scandent le passage du temps et les aventures des personnages, un rapport qui n'existe pas, ou alors que je n'ai pas trouvé. Reste des idées amusantes, des réflexions originales ou pas  sur une oeuvre que j'apprécie, à titre personnel, énormément. Rien que pour se retrouver entre amoureuses de cette oeuvre, cette lecture en valait la peine. Et puis aussi des réflexions sur la lecture, sur le partage. On se retrouve un peu dans ces passionnées qui regardent d'un (assez) sale oeil qui ose profaner l'Oeuvre! Qui n'a pas eu ces marottes un peu exclusives!

    Bref, un roman agréable à lire, qui va tranquillement son petit bonhomme de chemin. Pas nécessaire en plus d'avoir lu Jane Austen pour comprendre, même si je pense qu'il faut  connaître un minimum son oeuvre pour réellement apprécier. Rien d'inoubliable, mais un bon moment de lecture.

    "En fait, c'est Austen qui écrit les livres vraiment dangereux, continua Allegra. Des livres auxquels les gens croient vraiment, même des siècles plus tard. Que le courage sera reconnu et récompensé. Que l'amour prévaudra. Que la vie est une belle histoire d'amour."

    Karen Joy Fowler, Le club Jane Austen, Gallimard Folio, 2007, 374 p.

  • Super-je-mets-les-pieds-dans-le-plat

    Alors ça, c'est vraiment, vraiment drôle.

    Tom est un humain. Un humain ordinaire, tout bête, avec dix doigts, deux jambes et l'ensemble des accessoires requis pour être qualifié de normal. Sauf que Tom a pour amis, pour ex-petites amies, pour femme et pour meilleurs ennemis des super héros. Et que la vie n'est pas toujours facile, même (surtout) quand on a des super pouvoirs. Parce qu'il y a toujours quelqu'un pour vous pourrir la vie. Par exemple, vous hypnotiser de manière à vous faire oublier l'homme de votre vie le jour même de votre mariage...

    On se retrouve donc dans un texte assez court, facile à lire, avec des héros et super héros tous plus incongrus les uns que les autres; Super-je-tape-l'incruste, Super-Influenceuse, Super-je-tombe-tout-le-temps, Super-amphibien, Super-je-prends-la-faute-sur-moi, je vous en passe et des meilleures (non, ce n'est pas le nom d'un super héros là). Et les pauvres malheureux on finalement des vies bien proches des hommes et femmes normaux. Désespoir amoureux, arnaques en tous genres, jalousie et petites mesquineries.

    La description de leurs pouvoirs est tout simplement hilarante et on se retrouve à se bidonner toutes les deux lignes. Remède bonne humeur garanti! Et en plus c'est assez intelligent. Que demander de plus!

    Je vous ferais volontier un petit florilège, mais il y en a trop et je n'ai plus la force! Peut-être après une bonne nuit de sommeil! Une jolie petite phrase à méditer malgré tout:

    "Il en conclut que tout le monde avait finalement la même quantité d'argent: pas assez."

    Andrew Kaufman, Tous mes amis sont des super héros, Naive, 2007, 111 p.

     

  • Labyrinthes familiaux

    Une fois de plus Heri m'a coiffée sur le poteau mis ça ne va pas m'empêcher de dire ce que je pense de ce roman!

    C'était bien, c'était beau, c'était émouvant et tout et tout. Une vraie belle découverte. Dès l'instant de sa conception, Ruby Lennox raconte sa vie et celle de sa banale famille anglaise. Sauf qu'aucune famille n'est banale et que toutes cachent plus ou moins bien leurs drames, leurs souffrances et leurs déchirures.

    Kate Atkinson entremêle avec une grande habileté passé et présent. Elle raconte la vie comme elle vient avec ses successions de mariages, d'enterrements, de naissances, de rentrées scolaires et de vacances, de fuites et de retrouvailles. Les choses prennent sens chapitres après chapitres, des liens se révèlent entre des personnages qu'à priori rien ne rapproche. C'est fascinant de voir l'histoire de cette famille prendre forme à travers les vies des femmes de la famille. Une bonne centaine d'années d'histoire d'Angleterre et d'Europe, deux guerres mondiales et les transformations de la société par une accumulation de petits épisodes.

    Et s'il n'y avait que ça! La voix de Ruby, toute en clairevoyance, en humour et en amertume distille le rire et les larmes. Son regard sur ce qui l'entoure est absolument sans concession. De la voix de l'enfant à celle de l'adolescente puis de l'adulte, on ne perd jamais ce regard chargé d'une souffrance qui s'ignore. Elle n'épargne rien du poids des bonnes manières et des coutumes d'une classe moyenne qui se veut respectable et qui n'en reste pas moins pitoyablement vulgaire et étroite. Aucune petitesse, aucun ridicule ne lui échappe. Et on rit alors que ces vies qui s'égrennent sont somme toute d'une tristesse insondable.

    J'ai envie de poursuivre ma découverte de cet auteur.

    La belle critique de Kalistina, celle de Cuné, celle de Heri

    Kate Atkinson, Dans les coulisses du musée, Ed. de Fallois, 1996, 348 p.

  • Tistou et le sécateur rouillé

    Lilith Colette a décidé de vendre maison et jardin familial. Elle l'a caché à ses enfants et ne compte pas le leur dire avant d'avoir saccagé et passé par pertes et profits les vestiges de sa vie. Mais voilà que Barbara, une de ses quatre enfants décide d'épouser un barman de l'hôtel voisin. Et que Caspar, le compagnon de son fils, décidé à la contrarier, lui offre un mariage somptueux. C'est le début de la fin...

     

    Et c'est abominablement drôle et grincant. Anne Fine met en scène des personnages tous plus enfermés les uns que les autres dans leurs petites vies, leurs petits égoïsmes, leur lâcheté et leur méchanceté. On a d'un côté une vieille femme aigrie, une mère indigne qui assume l'absence d'amour qu'elle ressent pour ses enfants. On a de l'autre une belle bande de névosés enfermés dans des souvenirs depuis longtemps morts et totalement dominés par une mère qui les détruit à petit feu. Chacun dressant le portrait des autres, je vous laisse imaginer ce que ça donne. Des pages suintantes de méchanceté, de fiel, d'ironie. Tout part à vaux l'eau jusqu'à un mariage qui voit en guise de point culminant une course de fauteuils roulants, la révélation de l'identité cachée du marié, le vol d'une pelleteuse et la destruction d'un patrimoine historique sans pareil.

    Derrière l'ironie, point le portrait désenchanté et la souffrance d'une femme qui a gâché les plus belles années de sa vie à vivre une vie de famille ne lui convenant pas. Pointe aussi le désenchantement et la médiocrité de la vie de petits bourgeois, tous marqués par leurs petits ou grands drames cachés, par leurs mensonges et les masques qu'ils utilisent.

     

    L'ensemble est assez inégal, parfois un rien trop cru, la fin un chouilla décevante, mais mais la lecture globalement tellement joussive que ce serait dommage de passer à côté.

    Anne Fine, Dans un jardin anglais, Ed. de l'Oliver, 1994, 255p.

  • Musique au corps et au coeur

    Et bien je dois remercier Cunéipage de m'avoir donné l'envie de me lancer dans ce merveilleux roman. Il est presque impossible de le résumer tant il est dense et riche. On suit sur une soixantaine d'année l'histoire de la famille Strom. Une histoire marquée par un amour fou et ses conséquences pour des enfants ni blancs ni noirs dans une Amérique à l'heure de l'appartheid, du Dr King et des Black Panthers. C'est une belle famille qui est décrite, unie, désunie, brisée et souffrante, mais toujours vivante malgré son caractére improbable et les difficultés qu'elle rencontre. Les deux frères et la soeur Strom illustrent tout ce que l'on peut illustrer en fait de relations fraternelles. Un amour fort et dur qui prend aux tripes et dans lequel on peut se reconnaître. Quand à leurs parents... C'est juste beau et poignant. S'y ajoute le racisme, l'identité et la recherche d'identité. L'ensemble du roman est porté par un amour fou de la musique, un amour qui irrigue chaque parcelle de l'existence des personnages, dans toutes les circonstances, jusqu'à la folie. J'en sors au-delà des mots et de l'émotion avec l'envie rivée au corps de réécouter ces oeuvres. Impossible d'aborder tout le reste, et pourtant, il y aurait de quoi en écrire des pages et des pages, difficile de faire passer l'émerveillement ressenti devant cette plume et devant cette créativité. Sans mièvrerie, sans misérabilisme, Richard Powers signe un grand roman sur l'Amérique de la deuxième moitié du 20e siècle.

    " L'oiseau et le poison peuvent faire un poiseau. Le poisson et l'oiseau peuvent faire un oisson. Il psalmodie ce mots, les scande sur un rythme qui galope désespérément. Un continent émerge. Des notes syncopées dans le temps. Tout ce qu'il veut, c'est continuer à jouer. Toutes les combinaisons possibles. Qu'il continue de chanter jusqu'à exister, et mettre ainsi en route mon morceau, ma chanson."

    Et aussi les avis de Papillon, Chimère, qui ne sont certes pas les seules à en avoir parlé avec talent. Pardon à ceux et celles que je n'ai pas eu le temps d'ajouter à la liste.

     

    Richard Powers, Le temps où nous chantions, Le Cherche Midi, coll. LOT49, 2006, 762 p.