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  • Arsenic et robes empire

    2264025247.jpgLady Susan est veuve, coquette, intriguante et rusée. Encore belle pour ses trente-cinq ans, elle sème le trouble partout où elle passe. Contrainte d’aller se faire oublier quelques temps chez le frère de feu son époux, elle y capture le cœur du frère de sa belle-sœur, tente de marier sa fille contre son gré, et de refaire sa propre fortune bien mise à mal…
     
    Lady Susan est un court roman épistolaire que je trouve assez original dans l’œuvre de Jane Austen. On est loin des personnages de jeunes filles à marier, intelligentes et rusées, certes, mais encore innocentes et surtout, à la moralité sans faille. A peine si on en retrouve un écho dans le personnage de Frédérica, la fille de lady Susan. Celle-ci est une femme sans scrupule. Cynique, brillante, égoïste, mauvaise mère et sans aucune pitié, elle est rien moins qu’antipathique. Je l’ai bien aimé, à rebours de l’effet escompté. Jane Austen fait un portrait étonnant d’un type de femme qu’elle a du observer dans la société qu’elle fréquentait, un type de femme qu’elle ne peut que condamner pour des raisons de bienséance et de morale. Mais si l’on y regarde de plus près, Lady Susan est surtout une femme qui utilise les moyens qu’elle a à sa disposition pour survivre, et continuer son chemin dans une bonne société qui pardonne difficilement aux femmes la beauté, l’intelligence et, surtout, l’indépendance. 
    Son aplomb, son éloquence sont mis à mal par la situation dans laquelle elle se retrouve par sa propre faute. Mais imaginez le scandale si cette femme immorale (je dirais amorale pour ma part) était parvenue à ses fins sous la plume de cette jeune femme fille de pasteur!
    Lady Susan est une œuvre de jeunesse qui n’est pas exempte de défaut : très courte, avec des personnages secondaires palots, une conclusion pour le moins abrupte. Mais on y retrouve déjà l’humour et l’ironie de Jane Austen (l’ouverture est un modèle du genre), l’acuité extraordinaire de son regard, la finesse de sa perception de la nature humaine, des relations humaines et amoureuses.
    L’utilisation de la forme épistolaire, unique dans son œuvre donne aussi à Lady Susan un aspect agréable, un rythme soutenu et permet un entrecroisement riche des points de vue des différents personnages. On en vient à regretter que ce n’ait pas été un brin plus long, histoire de savourer cette délicieuse histoire plus longtemps, au coin du feu avec une tasse de thé et quelques scones…