Paris, Notre-Dame, avril 1934. Sur le parvis, Vango Romano s'apprête à être ordonné prêtre lorsque tout bascule: la police tente de l'arrêter, un mystérieux tueur lui tire dessus. Le jeune homme prend la fuite sans savoir que c'est le début d'une course-poursuite qui va l'amener à savoir enfin, qui il est et d'où il vient.
Foisonnant, enthousiasmant, passionnant sont quelques uns des termes qui me viennent à l'esprit quand je repense à Vengo. Rien que ça oui. Et plus encore en fait. Vengo est un roman extrêmement riche qui campe des personnages attachants et tire parti de la période de l'entre-deux-guerre pour construire une intrigue passionnante et qu'on devine devenir de plus en plus dense, complexe, et fascinante. A priori pourtant, rien de très original puisqu'il s'agit d'une quête des origines. Déjà vu, déjà lu. Mais Thimotée de Fombelles entremêle le destin de son personnage principal avec les drames européens du début du 20e siècle, de la Première guerre mondiale en passant par la montée du nazisme, le stalinisme sans jamais oublier qu'avant tout, il raconte une histoire d'aventure. C'est du coup bourré de rebondissements et de changements de point de vue qui rendent le tout dynamique et permettent de s'attacher aux divers personnages. Il faut dire que de Vengo à Ethel l'écossaise, en passant par le moine Zefiro, Eckener et les autres, il y en a pour tous les goûts. Tout ce petit monde se croise, se recroise, se perd, fuit, court, grimpe, vole, ça n'arrête jamais pour le plus grand plaisir du lecteur qui a bien du mal à lâcher son bouquin. Et visite au passage une bonne partie de l'Europe tout en révisant sans en avoir l'air son histoire du 20e siècle.
Sans vouloir avoir l'air d'être dithyrambique, je me permets de souligner au passage que l'intrigue, policière mais pas que se tient parfaitement et que le tout est servi par un style fluide, soutenu sans jamais paraître précieux et qui sonne juste, fait de chaque personnage bien plus qu'une ombre de papier, même ceux qui ne font que passer. On suit avec passion cette quête des racines qui rappelle, en filigrane, l'importance de savoir d'où l'on vient et qui l'on est, pour grandir.
Il n'y a pas à dire, Vengo est porté par un sacré souffle. Vivement la suite!
Au passage, j'aimerais bien rencontrer Mademoiselle moi!
"Mademoiselle était une magicienne de la cuisine.
Sur son petit fourneau de pierre, au bord de cette île perdue en Méditerranée, elle faisait chaque jour des merveilles qui auraient fait pleurer les gastronomes des plus grandes capitales. Au fond de ses poêles profondes, les légumes faisaient une danse ensorcelante dans des sauces dont l'odeur montait à la tête et à l'âme. Une simple tartine de thym devenait un tapis volant. Les gratins vous tiraient des larmes alors que vous n'aviez pas encore passé le pas de la porte. Et les soufflés... Mon Dieu. Les soufflés seraient allés se coller au plafond tant ils étaient légers, volatils, immatériels. Mais Vango se jetait dessus avant qu'ils s'évaporent.
Mademoiselle préparait des soupes et des feuilletés impossibles. Elle faisait lever à la main des mousses aux parfums interdits. Elle servait le poisson dans des jus noirs au goût d'herbes inconnues qu'elle trouvait entre les pierres.
Vango avait cru longtemps qu'on mangeait ainsi dans toutes les maisons. Il n'avait d'ailleurs jamais rien goûté en dehors de chez lui. Mais, depuis le jour où l'on avait fait venir le docteur pour une pneumonie du petit garçon, quand il avait cinq ou six ans, il avait compris que Mademoiselle n'était pas une cuisinière comme les autres."
Fombelle, Thimotée de, Vango, Gallimard Jeunesse, 2010, 370p., 5/5