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Littérature pour "Adolescents" - Page 4

  • Genesis - Bernard Beckett

    Pour Anximandre, c’est le grand jour. Après trois années de préparation avec son tuteur Périclès, elle passe l’examen d’entrée à l’Académie, l’institution qui décide des destinées du monde dans lequel elle vit. Cinq longues heures d’un entretien plein de surprise l’attendent.
     
    En voilà une surprise ! Au départ on fait la grimace : des dialogues, un univers science-fiction qui paraît ma foi fort traditionnel avec une héroïne adolescente. Et puis soudain, tout dérape. De questions en réponses, Bernard Beckett dresse le portrait d‘un monde qui a survécu à une sorte d’apocalypse : guerres, épidémies ont décimé la population terrestre, le seul bout de terre demeurant préservé étant l’île de ………….. Protégée par sa grande barrière maritime. Sur cette île où les grands principes de Platon ont été appliqués à l’organisation sociale, tout étranger abordant est considéré comme une menace immédiatement supprimée, l »’individu est nié au profit de la communauté et chacun vit selon la destinée que sa naissance lui a promis. Mais dans ce monde où tout est soigneusement contrôlé, un grain de sable va venir gripper les rouages. Adam, un soldat, va faire le choix de la révolte. Sa condamnation, participer au développement d’Art, une Intelligence Artificielle.
    Quelques années ou siècles plus tard, Anaximandre raconte à ses examinateurs la vie d’Adam et les événements qui ont mené au Grand Dilemme, la fin de la société issue de la grande catastrophe.
    Le choix du dialogue, du jeu de questions et réponses entre le candidat et son jury permet d’amener petit à petit les choses d’abord en jouant sur la tension inhérente à la situation d’examen, puis, petit à petit, par le récit des jours passés. Au fil des heures, on voit Anaximandre développer ses idées, perdre toute réserve, s’enthousiasmer et dévoiler de plus en plus d’elle-même. Beaucoup de philosophie dans tout cela : il est question de la définition de l’humain, de l’âme, de la désobéissance, des systèmes politiques t sociaux, de l’histoire, etc. Ce qui est le plus intéressant est de voir les conséquences pratiques de l’application de certaines idées.
    Tout cela donne au final un roman au fond dense, développant une multitude d’idées et plein de suspense. C’est une introduction parfaite à la philosophie, une piqûre de rappel bienvenue aussi pour les plus grands. Sans doute un brin difficile pour les ados qui n’auraient aucune notion de philo, mais ils devraient pouvoir y trouver leur compte aussi, l’identification à Anaximandre fonctionnant fort bien. Il n’y a certes rien de bien nouveau dans ce roman, mais il est très bien troussé et vient complété parfaitement l’existence des classiques du genre comme La planète des singes ou Asimov pour ne citer que ceux-là.

    Et pour la petite histoire, j'aime beaucoup la couverture française, là, c'est dit!

    L'avis de Cuné.

     

    Beckett, Bernard, Genesis, Gallimard jeunesse, 2009, 4/5 

  • La face cachée de Margot

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    Depuis l’enfance, Quentin aime Margot. Margot sa jolie voisine. Mais au fil du temps leurs relations se sont distendues. Margot est devenue flamboyante, populaire. Quentin s’est effacé. Jusqu’au soir où Margot vient frapper à sa fenêtre pour l’embarquer dans une de ces expéditions dont elle a le secret. Le lendemain, elle a disparu, semant derrière elle des indices que Quentin va désespérément essayer de remonter.

    On croit au départ à une banale histoire d’amitié amoureuse adolescente. Un de celles qui va explorer le milieu des lycées américains avec leurs joueurs de foot et leurs pom-pom girls, leurs ratés et leurs bals de fin d’année. Tout faux. Car rapidement le récit dérape, entre polar et quête initiatique sur fond de poésie, de folk et de jazz. L’histoire de Margot est celle d’une jeune fille qui fait face à tout ce que l’univers dans lequel elle vit a de factice et qui décide un beau jour de prendre la poudre d’escampette pour vivre mieux, plus intensément, sans se laisser prendre au piège de la famille, des amis, de l’université… Quentin lui est sans doute plus conventionnel : il y croit à tout ça, à l’avenir, à la fac, au mariage et pourquoi pas aux bébés. Tous les deux vont se découvrir progressivement, apprendre à se connaître derrière la façade de ce qu’ils croyaient savoir l’un sur l’autre. Raconté du point de vue de Quentin, La face cachée de Margot se révèle être un roman prenant malgré quelques longueurs, souvent drôle et en tout cas attachant en diable, comme ses héros qui grandissent tout d’un coup. L’intrigue prend des tours et des détours originaux pour aborder pléthore de questions fondamentales sur l’identité, la manière dont on peut assumer ce que l’on est face à la pression des parents et des amis, sur l’amour et ce que l’on sait de ce qu’on aime. La face cachée de Margot est une histoire qui raconte d’une jolie manière ce qu’il se passe quand on devient adulte : la perte de certaines certitudes, quelques souffrances au passage, et la certitude de pouvoir continuer à avancer. J’ai particulièrement apprécié la manière dont l’auteur aborde cette question, la perte des idéaux et des repères, la remise en question de ce qui semblait acquis. Le tout en introduisant quelques concepts assez fascinant comme celui des villes de papier qui scande le récit et en gardant une certaine fraîcheur dans le ton et un humour parfois décapant.
    Une jolie découverte qui me donne envie d’aller voir du côté du premier roman de l’auteur.

     

    John Green, La face cachée de Margot, Scripto, 2009, 3.5/5

  • Lombres - China Miéville

     

    Il se passe des choses étranges dans la vie jusque là sans histoire de Zanna et Deeba. De gens bizarres abordent Zanna, une fumée épaisse semble la traquer, les parapluies se mettent à bouger... Et tourner la roue d'une chaudière les fait basculer dans Lombres, la ville où vont s'échouer toutes les choses perdues ou cassées, objets ou êtres vivants. Un univers merveilleux, loufoque, effrayant parfois qu'un nuage doué de vie, Smog, veut détruire. Une ville merveilleuse et loufoque qui attend la Schwazzy, celle qui pourra combattre le Somg... Mais les choses sont loin d'être aussi simples qu'elles le paraissent.

    On pense à beaucoup de chose au tout début de Lombres. On pense à Alice au pays des Merveilles, on pense au Neverwhere de Neil Gaiman par exemple. Il faut dire que c'est facile: Zanna et Deeba passent de l'autre côté du miroir pour ainsi dire, entrant dans un univers curieusement distordu, où la magie et les choses les plus étranges sont légion et qui est une image distordue du Londres humain! Mais petit à petit, China Miéville se démarque en créant un monde bien à lui et une histoire qui se révèle, somme toute, assez originale.

    Première chose à noter, Lombres est un roman pour adolescents publié par Le Diable Vauvert dans une collection adulte. Seule indice, la référence à la loi de 1949 et une citation de Wired sur la quatrième de couverture. Rien à dire à cela, c'est typiquement le genre de roman "pour jeune adulte" qui va plaire de 15 à 115 ans! Du moins si l'on est pas trop regardant sur le style un peu plat. C'est mon seul regret d'ailleurs. Je ne sais guère si cela est du à la traduction, à la volonté d'adopter un style d'écriture simple et facile, ou au style de l'auteur, mais j'ai trouvé que l'écriture ne servait pas suffisamment l'histoire racontée. Il y manque un petit brin de folie qui irait parfaitement avec les aventures de Zanna et Deeba. Et je n'ai pas toujours été convaincue par les jeux de mots et autres anagrammes qui rythment les pages. Ceci étant dit, si cela m'a chagrinée pendant quelques pages, j'ai bien vite mis mes réticences de côté pour partir avec enthousiasme à la découverte de Lombres!

     C'est qu'il est passionnant cet univers, délirant juste comme j'aime. Il est pourvu d'un Anti-Sol, un espèce de beignet dont le trou correspondrait au morceau qui s'est détaché et éclaire Londres, les girafes y sont des prédateurs, les fantômes tiennent registre, les mots peuvent y prendre vie... Quelque part, tout au long, China Miéville parle du pouvoir des mots et des histoires. Un de mes passages préféré se passe dans le royaume de M. Parroll, un despote qui créé des créatures à chaque mot qu'il prononce et qui les tient sous sa coupe puisqu'il leur donne sens. Avide de connaître de nouveaux mots pour obtenir de nouveaux sujets, il va perdre le contrôle de ses créations. Parce qu'on n'est jamais maître du sens des mots... J'ai aussi beaucoup aimé Obaday, le couturier qui habille ses clients avec des pages et des pages de romans! Et les bibiothécaires de l'extrême, qui risquent tout pour rapporter à leurs usagers les livres demandés et qui délivrent les livres... Allez savoir pourquoi, j'ai adoré ce concept! Et il y a le Smog, avide de tout brûler pour absorber avec la fumée tout le savoir du monde et devenir maître de tout! Il brûle le Smog, les gens, les maisons... Et par-dessus tout, il rêve de brûler le Puit Lettré. Tout le récit est sous-tendu par des inventions, des aventures qui soulignent l'importance et le rôle fondamental de la connaissance et des mots. D'ailleurs, j'en avait oublié le Grimoire, recueil de prophétie qui parle, qui recherche lui-même dans son index et qui se révèle chatouilleux et irascible!

    Rien qu'avec ça, il y avait la matière d'un roman attachants. Mais ce n'est pas tout ce que l'on trouve dans Lombres. China Miéville a aussi choisi de prendre le contre-pied de toutes les histoires d'élu et de prophétie qui sont légion depuis quelques années. Certes, Zanna est la Schwazzy, mais ce n'est pas l'héroïne de l'histoire. C'est Deeba qui va tout prendre en main, et notamment la destinée de Lombres. De déductions en déductions, elle comprend le terrible danger que court la ville et part à la rescousse de ses amis, devenant au fil de ses aventures la Pas-Schwazzy qui va quand même sauver le monde! Au grand dam du Grimoire qui va se rendre compte qu'il y a quelque chose qui cloche dans ses prophéties! J'ai adoré cette idée et le personnage de Deeba, pas toujours courageuse, parfois un peu pleurnicharde, mais fermement décidée à tout faire pour sauver Lombres malgré la bande bizarre qui lui colle aux basques. Être une héroïne aidée d'un demi-fantôme, de quelques mots incarnés et d'un aventurier pour le moins volatile n'est pas une sinécure!

    On peut aussi lire Lombres comme un roman écologique. Tout le monde admettra que c'est facile: une anti-ville où vont s'échouer tous les objets cassés et abimés, lesquels servent de nouveau comme matériel de construction par exemple, ou deviennent étrangement vivants! Quand au Smog, le grand méchant de toute cette histoire, il est composé de toutes les émanations toxiques de notre monde: gaz d'échappement, fumées d'usines... Et avide d'étouffer Lombres après avoir échoué à prendre le pouvoir à Londres au 19e siècle. C'est un ennemi terrifiant: rampant, rusé, et aidé par tous ceux qui voient un intérêt à s'allier avec lui et à produire toujours plus de fumée et de gaz sans se rendre compte qu'ils seront perdant à l'arrivée puisque le Smog ne se contrôle pas...

    Au final, Lombres est un roman qui malgré de petits défauts, attrape son lecteur et ne le relache qu'une fois arrivé au bout de son histoire! C'est souvent drôle, parfois effrayant, en tout cas intelligent et intéressant, riche d'idées, et émaillé d'illustrations que j'ai personnellement trouvé réussies.

    Pour la petite histoire, c'est le premier roman pour la jeunesse de cet auteur qui a été primé plusieurs fois pour ses romans adultes. Que je vais bien entendu maintenant lorgner d'un oeil intéressé, pour ne pas dire concupiscent.

    Miéville, China, Lombres, Au Diable Vauvert, 2009, 4/5

  • Thomas Drimm, La fin du monde tombe un jeudi - Didier Van Cauwelaert

    "J'AI 13 ANS MOINS LE QUART
    ET JE SUIS LE SEUL
    A POUVOIR SAUVER LE MONDE
    SI JE VEUX."

    Dans une société sous contrôle total où le jeu règne en maître, un ado se retrouve détenteur d'un secret terrifiant, qui déchaîne contre lui les forces du Mal... et celles du Bien.
    Tiraillé entre la femme de ses rêves et un vieux savant parano réincarné dans un ours en peluche, Thomas va découvrir, de pièges en rebondissements, l'exaltant et périlleux destin d'un super-héros à mi-temps.
    Course contre la montre et voyage initiatique, cette aventure de Thomas Drimm, au suspense haletant et à l'humour féroce, a tout pourt passionner les lecteurs de douze à cent douze ans."

    Ou comment Thomas se retrouve à assassiner un vieux professeur bougon à l'aide de son cerf-volant, à abriter ledit professeur dans son ours en peluche et à patauger dans les ennuis.

    J'ai retrouvé dans ce premier tome des aventures de Thomas, les raisons pour lesquelles j'aime les littératures dites de l'imaginaire. Elles, plus que toute autres, permettent de parler de notre monde et de ses évolutions. Didier Van Cauwelaert ne se prive pas de ces possibilités. Le monde de Thomas est un véritable cauchemar: puce implantée dans le cerveau, contrôle et punition par déclassement social de toute transgression, pénalisation de tous les aspects de l'existence de la conception des enfants à la mort. Autant dire qu'on pense très fort aux puces RFID et à certains nombres d'événements. Ainsi qu'à nombre de classiques de la SF.  Ceci dit, si le fonds est riche de références et porteur de réflexion plus intéressantes les unes que les autres, il n'est en rien un obstacle au plaisir de la lecture: Thomas et le professeur sont des personnages attachants et leurs aventures s'enchaînent tambour battant, faisant penser à un feuilleton (ce que Thomas Drimm a été puisqu'il a été publié en épisodes sur téléphone portable cet été). Le premier est d'ailleurs un adolescents fort crédible dans ses petites crises et le second provoque quelques scènes pour le moins cocasses. Il faut dire qu'habiter le corps d'un vieil ours en peluche n'est pas de tout repos!

    Il est vrai que j'ai eu un peu de mal à rentrer dans cet univers et à me faire au style de Didier Van Cauwelaert, mais une fois installée dans le récit, la lecture a été facile et agréable. Certes les ficelles se voient parfois un peu mais il y a du potentiel chez Thomas Drimm, et des choses tout à fait intéressantes qui donnent envie de savoir ce qu'il va bien pouvoir se passer dans le tome 2. Après tout, maintenant que le décor est planté, la lutte entre le Bien et le Mal va sans doute déployer toute la complexité qu'on aperçoit par moment dans les décisions que doit prendre Thomas et les mystérieux Nox et Noctis. Rien de révolutionnaire donc, mais après tout, en est-il besoin? Thomas Drimm est un bon roman d'aventure, le récit du passage à l'âge adulte d'un adolescent confronté aux dérives d'un monde qui permet de réfléchir au notre.

    Merci à Paola, aux Editions Albin Michet et à Didier Van Cauwelaert pour sa gentille dédicace!
    Van Cauwelaert, Thomas Drimm, La fin du monde tombe un jeudi, Albin Michel, 2009, 3.5/5
  • A-Apocalypse

    Moz joue de la musique depuis des années avec son meilleur ami, Zahler. Les choses vont brutalement changer le jour où sa route croise celle d'une guitare mythique et de Pearl, surdouée, musicienne et fermement décidée à monter un groupe avec les deux compères. Et son amie Minerva qui se remet d'une étrange maladie. Ensemble, ils parviennent à créer une atmosphère, une musique étrange qui entre en résonnance avec le monde qui tombe en ruine autour d'eux. Rats, vampires, chats et vers, la bataille pour la survie de l'espèce humaine a commencé.

     

    Il y a déjà belle lurette, j'avais lu avec enthousiasme le V-Virus de Scott Westerfeld, une variation intéressante sur le thème du vampire. Or, V-Virus a eu une suite. Et bien évidemment arriva ce qui devait arriver, cette suite croisa ma route. Comme chacun le sait maintenant, je suis faible et ma main s'est donc automatiquement tendue vers ce roman. Qui se lit très vite. Qui n'a pas fait long feu. Et qui m'a beaucoup plu.

    Parce que Scott Westerfeld n'a pas perdu la main. Plutôt que de donner une suite linéaire à son premier tome, il a choisit de changer totalement de point de vue. Plus d'étudiants, plus de biologie, mais de la musique, et la volonté d'un petit groupe d'adolescents fort attachants de monter un groupe et de faire connaître leur musique. Celle qui les habite et les fait avancer. Ce qui commence comme une aventure presque banale prend un tour progressivement plus angoissant jusqu'à l'explosion, la chute du monde tel qu'ils l'ont connu et la découverte de cet univers étrange où les vampires sont les protecteurs de l'humanité. Ce qui est intéressant est la position que l'auteur donne au lecteur. En lisant le premier tome, on découvre les vampires, les vers, et la lutte millénaire qui les oppose. Dans le second, c'est plutôt la manière dont cette lutte émerge au grand jour qui est au centre du récit. On assiste à la prise de conscience, aux angoisses, à la destruction, aux batailles et à la naissance de la volonté de se battre et de gagner. D'une chronique adolescente, on passe à un récit apocalyptique. Autant dire que la montée en tension est comme il faut!

    Intéressante aussi la place centrale accordée à la musique: elle devient une arme, ce qui est une manière de montrer que l'art, la musique comme d'autres discplines est un moyen de lutter et d'affirmer. Et ce qui ne gache rien, Westerfield utilise à merveille son thème, employant des noms de groupesparfaitement adaptés comme tête de chapitre! J'ai passé un certain temps ensuite à les chercher et les écouter, découvrant au passage quelques perles!

    Mon seul regret, la fin est un peu rapide, et sans doute un peu trop happy end au regard de l'univers sombre qui la précède, mais il n'y a pas là de quoi bouder son plaisir!

     Virginie en parle.

    Westerfeld, Scott, A-Apocalypse, Milan, 2008, 3.5/5