Hollingford, petit village rural de l'Angleterre. Molly y grandit entre son père médecin, les vieilles filles de la ville et sa nourrice. Une enfance heureuse, entourée, qui prend fin quand son père décide de se remarier après avoir intercepté une lettre d'amour enflammée à destination de son innocente fille. une belle-mère, une demi-soeur, Molly change de vie alors que l'amitié et les prémisses de l'amour viennent bousculer ses certitudes.
J'avais aimé Cranford, j'avais aimé Nord et Sud, sans surprise, j'ai aimé Femmes et Filles et mes retrouvailles avec la plume d'Elizabeth Gaskell se sont fait dans une atmosphère de bonheur qui ne s'est pas démentie quoi qu'aient pu en dire mes vertêbres et les lanières de mon sac à main. C'est que l'objet est imposant, l'auteur ne s'étant pas privé de raconter, avec un souffle incontestable, l'histoire de Molly Gibson.
De son enfance à l'orée de sa vie de femme, Elizabeth Gaskell raconte son histoire et celle d'une petite communauté d'hommes et de femmes, fait partager la vie quotidienne d'Hollingford, les drames, les bonheurs, les disputes et les commérages, tous les petits riens qui agitent la bonne société locale et disent mieux que les grands événements l'essence d'une société.
Une lecture superficielle du roman pourrait laisser penser qu'Elizabeth Gaskell s'appuie sur les clichés pour écrire un long récit irrigué par le thé et solidifié par d'indigestes petits fours. Il est vrai que Molly est une jeune fille digne, morale et vertueuse, que sa demi-soeur Cynthia est frivole et séductrice, que sa belle-mère est aussi inintelligente qu'égoïste, que les nobles sont nobles et capricieux, les vieilles filles et les veuves rigides et cancanières... Mais a bien y regarder, Elizabeth Gaskell croque ses personnages avec une grande finesse psychologique et les rend à la fois complexe et attachants, même les plus agaçants d'entre eux. Au point qu'on regrette de laisser Hollingford à la dernière page tant on a le sentiment d'avoir vécu avec ses habitants.
C'est souvent drôle, les petits travers des uns et des autres provoquant diverses catastrophes, c'est parfois indiciblement triste, et il va sans dire qu'il arrive que l'on frémisse d'indignation face aux injustices et aux méchancetés auxquelles font face les héros et les héroïnes du récit.
Elle mêle les fils des intrigues amoureuses et familiales, n'est jamais avare de rebondissements et d'événements qui donnent toujours envie d'en savoir plus tout en brossant avec réalisme le quotidien dans ce qu'il peut avoir de plus prosaïque et en se moquant avec tendresse de ses personnages.
Un très beau roman donc, à découvrir et savourer comme il se doit... avec une tasse de thé!