Que voulez-vous, un titre comme ça, moi, je ne résiste pas! Et il était temps pour moi de découvrir cette plume incontournable de la littérature sud-américaine que représente Mario Vargas Llose. Avec en plus un bon whisky et un feu de bois à la faveur de vacances plus si récentes, j'ai ouvert avec gourmandise cet opus du grand monsieur sans me douter encore que j'allais me faire balader sur quelques centaines de pages de belle manière.
Mais avant de continuer, quelques mots sur l'intrigue: Varguitas a 18 ans et passe ses journées d'étudiant en droit à rédiger les nouvelles pour la radio locale, espérant plus que tout faire reconnaître au monde entier sa vocation d'écrivain et rendant visite à sa nombreuse famille dans laquelle débarque un beau jour la belle Julia, superbe trentenaire bolivienne divorcée et fermement décidée à se trouver un second mari, quitte à s'entraîner un brin sur ce petit Vargas monté en graîne. Mais au jeu de l'amour, tel et pris qui croyait prendre...
Voilà du moins pour l'intrigue principale. En fait, La tante Julia et le scribouillard ne peut pas vraiment se raconter. C'est une histoire d'amour scandaleuse entre un jeune homme et sa tante plus âgée que lui, c'est c'est l'histoire d'un apprenti écrivain, et c'est l'histoire du Pérou des années 50 avec sa bonne société, ses classes populaires, ses étudiants désargentés et la radio qui prend une place considérable dans l'existence de tout un chacun. La tante Julia et le scribouillard, c'est l'histoire d'un écrivain, mais par forcément de celui auquel on penserait au départ. Varguitas écrit, déchire ses oeuvres, se vexe, écrit àa la manière de truc et de muche avant de recommencer de plus belle. Varguitas est un débutant et moins que rien face à Padro Camacho, le maître absolu, l'auteur des feuilletons radiophonique qui tiennent en haleine le Perou tout entier. Sous sa plume, c'est une débauche de personnages hauts en couleur, de pages d'histoires familiales sordides ou drôlatiques qui se dessinent. Entre chaque chapitre suivant le développement des relations de Varguitas et de Julia, le lecteur a droit à un chapitre de feuilleton et rencontre à cette occasion un gynécologue qui parle trop vite, un flic un peu trop consciencieux, un clandestin nu, un dératiseur fou, une drôle de psychanalyste, un guitariste aux amours tragiques et pléthore d'autres personnages embringués dans des tragédies, des tragi-comédies, ou des comédies dont aucune n'est exempte d'une bonne dose de points d'exclamation et de suspense. J'avouerai qu'il m'a fallu un moment pour comprendre ce que venaient fiche au milieu de l'histoire de Varguitas ces élucubrations, il m'arrive d'être un peu lente (ou alors c'était le whisky et non je ne me cherche pas d'excuses), mais une fois le principe découvert, j'ai pris d'autant plus plaisir à ces chapitres que petit à petit Camacho perd la tête et le fil de ses histoires qui deviennent autant de monstres autonomes qui dévorent leur créateur.
Ceci dit, si le procédé est indéniablement drôle et fascinant par ce qu'il dit de l'écriture et des relations entre l'écrivain et ses créations, on arrive un peu essouflé à la fin, fatigué par le trop-plein d'exagérations et d'envolées dans des histoires qui perdent de leur sel à force d'en avoir trop et qui porteraient presque un peu préjudice à l'histoire de Varguitas et de Julia. Parce qu'il ne faut pas croire, elle est belle cette histoire d'un amour presque interdit, clandestin en tout cas et auquel personne ne croit sauf les intéressés près à soulever des montagnes pour vivre au grand jour. D'autant plus belle que la situation était scandaleuse à l'époque et que le fond est manifestement autobiographique. Elle donne en plus l'occasion de découvrir un petit bout du Pérou, de son histoire et de son opposition aux argentins dont on ne sait pas vraiment ce qu'ils ont fait pour être détestés à ce point si ce n'est qu'ils ont du faire quelque chose!
Et puis c'est une belle réflexion sur l'écriture et sur les affres de la création au final: de la naissance d'une grande plume à la mort d'une autre, d'un écrivain reconnu à un scribouillard qui enchante les masses, c'est un joli tableau que dresse Vargas Llosa.
Bref, malgré mes petites réserves, toutes personnelles, c'est un tourbillon plutôt jubilatoire à découvrir!
Vargas Llosa, Mario, La tante Julia et le scribouillard, Folio, 1985, 469 p., 3.5/5