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Chiff' - Page 113

  • Marseille, Marseille...

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    Parcourant du regard les catégories, je me suis soudainement rendu compte qu’il y avait une sacrément belle lurette que je n’avais pas papoter autour d’une autre des mes activités : hanter les salles obscures !
    Et je reviens avec une solide déception. Encore que, y étant allée peu convaincue, peut-on réellement parler de déception…
     
    Un tueur en série ensanglante Marseille. Louis Schneider, flic au SRPJ, mène l'enquête malgré l'alcool et les fantômes de son passé.
     
    MR73, dernier film d’Olivier Marchal avec Daniel Auteuil est un cumulé de clichés comme j’en ai rarement vu au cinéma. Car si les blockbusters les cumulent, les clichés, c’est souvent en connaissance de cause, et pas avec un sérieux confondant comme dans le cas qui nous occupe. Commissariats crasseux, flics alcooliques, violents et corrompus, belles bagnoles, criminels aux têtes de criminels, rien n’est épargné. J’oubliais, Daniel Auteuil, tout alcoolique qu’il soit trouve plus perdu que lui : il se console en recueillant l’ensemble des animaux abandonnés de Marseille. En regard de la décrépitude des lieux et des hommes, le fait que tous circulent dans de magnifiques voitures de service, que le commandant de la criminelle habite dans une magnifique villa avec piscine surplombant la mer semble pour le moins invraisemblable. Et je ne cite là que ce dont je parviens à me souvenir !
    Le scénario, apparemment tiré de faits réels est bourré d’ellipses, de raccourcis, de lieux communs et de flash-backs. Rien qui permette de suivre correctement l’histoire si tant est qu’il y en ait une ! Au générique de fin, le rapport entre les différents récits qui s’entrecroisent est toujours un mystère digne de l’Atlantide.
    Le tout est d’autant plus sordide que les giclées de sangs sont exagérées, les corps filmés sous les angles les plus scabreux et le symbolisme hasardeux. Opposition naissance-mort, Christ en croix éclaboussé de sang quand le « héros » se fait justice, dialogues tellement profonds que le dernier des people parviendrait sans peine à faire mieux, rien n’est oublié !
    Quand à la photo, elle accentue l’impression de décor en papier mâché : crépuscules crépusculaires, nuits trop profondes pour être vraies, ciels orageux hallucinants S’y ajoutent des envolées instrumentales qui visent sans doute à faire comprendre au malheureux perdu là que le moment est particulièrement important !
    Reste heureusement quelques moments de franche rigolade, comme le moment où nos deux héros en manteaux de cuir à la Néo et armés de fusils à pompes sont matés par un méchant qui fait d’un seau un objet contondant des plus efficaces !
     
    Bref, 2h20 d’ennui entrecoupé de quelques éclats et la sensation pesante d’avoir été prise pour une imbécile !
  • Mais que lisait donc Saint-Patrick?

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    La campagne irlandaise. Une carte postale dans laquelle Mary est régulièrement violée par son père. A 14 ans elle est enceinte. Et bascule dans un autre cauchemar quand son village puis l’Irlande apprennent sa tentative d’aller avorter en Angleterre.
     
    Ce roman est inspiré d’un fait divers qui a agité l’Irlande dans les années 1980. Ceci dit, l’avortement est un sujet encore et toujours d’actualité en Irlande comme ailleurs.
    Tout comme l’est l’hypocrisie de sociétés qui refusent de regarder en face la violence faite aux femmes.
    Ce que raconte Edna O’Brien, c’est l’horreur qui peut survenir dans une vie, soudainement, c’est le poids d’un secret vécu comme honteux pour une adolescente dont l’avenir a été brisé par un père violent. C’est la difficulté de faire face quand on sait que le monde auquel on appartient n’aura aucune pitié. Et en effet, il n’en a aucune de pitié : la réaction des femmes du village quand elles apprennent la grossesse et la tentative d’avortement de Mary est de ces réactions qui tordent l’estomac et qui rappellent qu’en chacun de nous dort un être mesquin et mauvais. Condamnations, rumeurs, médisances, rien n’est épargné à la jeune fille.
    Mais le pire n’est sans doute pas cela. On voit se dessiner à travers cette histoire le portrait de femme profondément convaincues que l’avortement est un pêché mortel et dont la foi, pour être profonde sur ce point précis, ne les empêche pas d’avoir des comportements fort peu chrétiens. Et de faire subir à la jeune fille des violences physiques et psychologiques atroces.
    Plus que l’inceste, c’est cela qui brise Mary : « Les gens étaient affreux, les gens étaient dangereux, les gens étaient prêts à vous crucifier, les gens qu’on connaissait et qu’on ne connaissait pas. Ce dernier constat était peut-être le plus terrible de tous et le plus effroyable. Peut-être que c’était ça qu’on entendait par vieillir, ce n’était pas les années mais le savoir. Elle l’avait maintenant. »
    Bien que sachant que les femmes sont parfois les plus durs des bourreaux envers elles-mêmes et leurs semblables, j’ai reçu ces personnages comme autant de coups de poings.
    En tout cas, on découvre à quel point l’avortement est une question qui déchaîne les passions en Irlande. Mary devient un enjeu national. Son cas étant porté devant les tribunaux, des juges doivent décider, mais surtout, les idéaux, les croyances, les manières de vivre s’opposent et se confrontent, tous essayant d’utiliser cette histoire pour parvenir à leurs fins, sans jamais prendre en compte la souffrance de l’individu.
    Heureusement que l’espoir reste, à travers la rencontre de personnes, hommes et femmes, qui ne cherchent pas à faire le bien de Mary. Qui se contentent de l’aider et de la soutenir quelques soient ses choix.
    C’est donc un roman, dur, fort. Il pâtit néanmoins à mon sens d’un style difficile, et surtout d’une narration éclatée. Les points de vue d’un grand nombre de protagonistes sont utilisés, sans que des indications de temps et de lieux permettent de se retrouver. J’ai donc eu l’impression de sauter du coq à l’âne à plusieurs reprises et de me perdre dans les méandres des courts chapitres. Ce qui ne m’a pas aidé à le terminer !
     

    Edna O’Brien, Tu ne tueras point, Le livre de poche, 1998, 276 p.
  • Rêve d'amour

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    « Je m’appelle Alice Grangé. J’ai trente ans. Je cherche ma mère. »
     
    J’ai lu au gré de mes promenades dans la blogoboule des avis élogieux sur Laurence Tardieu et sur son dernier opus, Rêve d’amour. Je vais devoir, à mon grand regret, être bien moins dithyrambique.
     
    Le thème abordé, ou plutôt les thèmes abordés sont des plus intéressant. Comment une enfant a grandi dans le silence, le secret tenu sur la vie et la mort de sa mère trop tôt disparue. Comment ce vide, ce manque initial a conditionné son existence toute entière. Ou plutôt sa non existence. Car ce que Laurence Tardieu montre à travers le personnage d’Alice, c’est à quel point le secret, le manque rongent, détruisent tout sur leur passage. A quel point il faut être fort, bien plus fort que ne le sont les hommes et les femmes à l’ordinaire pour surmonter ce manque. Et ce que peut apporter l’art, la création à ceux qui sont perdus.
    J’ai eu du mal à démarrer, je me suis laissée emportée sur la fin, au point de m’endormir sur cette impression de flottement que l’on peut avoir parfois à la fin d’un roman. Mais au réveil le lendemain… Et à relecture de certains passages… Le bilan est bien plus mitigé.
    De fait, à quelques instants de grâce près, je me suis un tantinet ennuyée. J’ai aimé certaines phrases sur l’acte d’écriture, la musique, la vie comme elle vient. Parce qu’elle sonnaient juste.
    Mais le reste du temps, les phrases hachées, décousues, interrogatives m’ont menée à la lassitude. Ce qui me ramène d’ailleurs à quelques débats assez animés sur la prose de Juliette Dupont-Monod dont je m’étais faite avec plus ou moins de bonheur et de conviction le défendeur. Autant celle-ci m’avaient touchée malgré, ou à cause de son style « froid » (© au Golb), de ses personnages, autant Laurence Tardieu m’a laissée froide. Allez comprendre ! C’est une langue certes incisive, au plus près du cheminement mental de l’héroïne, de ses moments de panique comme de sérénité,  mais qui oscille entre soutenu et parlé en un balancement que j’ai trouvé pénible.
    Je ne dirais rien sur le chemin de deuil qui est celui d’Alice. Il lui est propre. Il est propre à l’auteur. Mais ce que Laurence Tardieu dit sur la perte des parents, l’importance de la mémoire familiale et du lien est à retenir.
     
    Les avis bien plus enthousiastes de Sylvie, LaureEmeraude, AmandaClarabelFashion
     

    Laurence Tardieu, Rêve d’amour, Stock, 2008, 158 p.

  • Dans ma cuisine il y a deux amants

     
    9782742768653.jpgNana a deux amants. Elle est aussi friande de leurs baisers que de leurs bons petits plats. Et lorsque les deux hommes se rendent compte qu’ils sont non seulement voisins de palier mais rivaux, ils vont rivaliser de talent pour gagner sa préférence.
     
    17 chapitres, 17 rebondissements, 17 menus. Autant de petits bonheurs où l’on voit deux hommes s’affronter de manière originale pour les beaux yeux d’une femme. Et quelle femme : Nana est sensuelle, capricieuse, intrigante dans tous les sens du terme, intelligente. Elle les mène en bateau du début à la fin de leurs relations, parvenant à retourner toutes leurs velléités de résistance et de rébellion à la situation insensée qu’elle leur fait vivre. Ils sont à la fois admirables de pugnacité, pitoyables de faiblesse et incroyablement bons cuisiniers. Parce que le fond de la chose est leur talent culinaire. Chaque rendez-vous amoureux est l’occasion de mitonner un repas de reine. Et chaque chapitre d’achève sur les recettes détaillées de ce qu’ils ont servi.
    Agneau aux petits pois, artichauts à la mode de Constantinople, dolmas et feuilles de vigne ou de chou farcis, keftedes, moussaka, aubergines confites dans du vinaigre, purée de sésame, poulpe au vin, soupe de poulet…. Autant de plats traditionnels grecs qui font saliver. Ca sent les oignons, les épices, les aubergines et les courgettes. On voit les petits morceaux de viande et de légume s’attendrir, se colorer.
    S’y ajoute un marivaudage amoureux de bonne tenue qui à défaut de faire rire aux éclats fait franchement sourire.
    Un sympathique petit roman qu’il va être difficile de positionner : dans ma bibliothèque ou dans ma cuisine ?
     
    Moustafette n’a pas aimé, Chimère si !
     

    Andréas Staïkos, Les liaisons culinaires, Babel, 2007, 145 p.

  • Et tourne la roue

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    Paris, 1980. Le narrateur accompagne sa belle-fille Paule dans son combat contre le cancer. Jour après jour il prend les transports en commun, il roule le long du boulevard périphérique, de plus en plus envahit par les souvenirs de son ami Stéphane, résistant mort dans des circonstances troubles pendant la guerre, assassiné par le colonel Shadow… Ce colonel qu’il a rencontré après la fin des hostilités.
     
    « Comme dit l’Ange,”quand on tient le beau pour beau, cela implique l’existence du laid. “ »
     
    Henry Bauchau est un maître. Sa plume, fluide, fine, sensible touche au cœur. Son narrateur est un peu lui-même. Battu et malmené par les vents de la vie, travaillant avec ceux que rien ni personne n’a épargné.
    La question qu’il se pose, la question que se posent d’autres et qui est le fil conducteur de ce récit, est la suivante : « Comment supporter cette vie partagée entre le doute et l’espérance, comment ne pas la supporter ? »
    Cette question est personnifiée par sa belle-fille Paule, cette femme de cadre international, angoissée par l’idée de ne pas être à la hauteur de ses rôles d’épouse, de mère, de femme active, et surtout, par le fait de n’avoir rien, ni dieu, ni culture à quoi se raccrocher dans l’épreuve. Le doute, c’est la maladie, la douleur au quotidien, la lutte contre la panique. L’espérance c’est la guérison tant et tant attendue qui se dérobe. Et pourtant, comment ne pas se battre pour vivre ?
    Voir cette jeune femme en lutte, amène le narrateur à réfléchir à la mort, à ce qu’elle représente dans le monde contemporain. Cette mort qui advient dans des lieux froids, impersonnels, qui se cache et s’efface. Cette mort à laquelle on ne peut se préparer puisqu’elle est niée, repoussée. Et que peu de choses permettent de supporter puisque la spiritualité s’est effacée au profit de l’action sans combler tout à fait le vide. Sans expliquer l’absurdité des choses.
    « Ni Dieu, ni maître ! […] Oui, c’est bien joli, mais il faut avoir la force. » A plus forte raison dans un monde où le bonheur devient une obligation. « C’est bien d’être heureux, c’set bien de jouir. Mais il n’y a pas de devoir de jouir, pas de devoir d’être heureux. »
    Voir Paule en souffrance, répondre à ses questions sur la guerre vécue amène son beau-père à se souvenir. Se souvenir de ce deuil, de son amitié avec Stéphane. Elle a été profonde, trouble cette amitié, très proche de l’amour. Stéphane l’a initié à l’alpinisme, l’a conduit sur les chemins du dépassement et de la sérénité. Cet homme a accepté de la vie ce qu’elle pouvait lui apporter : l’absence d’amour comme le bonheur. Il a transformé ses manques en force, en légèreté, en courage. Il a persisté à espérer.
    Il est une des deux faces de la médaille de la vie. L’autre est son assassin, Shadow. Un homme qui n’a pas non plus été aimé, qui a subi beaucoup. Et qui a accepté la totalité de la noirceur du monde en lui, qui s’est voué à l’iniquité, à la souffrance. Totalement libre de tous liens avec ses semblables, il est devenu un animal dangereux, pervers. Le pire étant sans doute qu’il ne fait qu’exploiter les peurs, les failles, les vices de ceux qu’il veut abattre.
    Stéphane, Shadow, deux adversaires, deux siamois, bien plus liés qu’il n’y paraît et incapables de survivre à leur rencontre.
    Au final, ce que nous apprennent ces deux hommes qui meurent l’un de l’autre, c’est que le monde ne va pas sans la légèreté et la pesanteur. Sans l’ombre et la lumière. Sans le bonheur et la souffrance.
    Et que la vie ne va pas sans la mort, même si on espère l’oublier en tournant indéfiniment autour d’un boulevard périphérique qui sans que ceux qui l’empruntent en aient conscience, relie les morts et les vivants. Qui ne représente pas moins que le chemin long et tortueux qui mène de l’enfance colorée et heureuse à la vieillesse.
     
    « Je revois Paule mourante, à sa droite la mère pleure, à sa gauche Mykha agenouillé la tient dans ses bras. Au pied du lit, la présence de Stéphane, à la tête, l’ombre immense de Shadow. Ils se font face, les yeux clos, comme les grands gisants des abbayes d’autrefois. Ils protègent Paule de leurs yeux fermés, ayant vu ce que je n’ai pas su voir, ils mes forcent à comprendre qu’elle était, qu’elle et un être mystérieusement éveillé à sa condition mortelle.
     
    C’est une œuvre qui mériterait bien plus, plus d’éloges, plus d’analyse, et moins d’incohérence. Je n’ai pas les mots pour exprimer à quel point elle m’a touchée. L’humanisme de cet auteur, la profondeur de ses phrases en font un des grands de ces temps. Et un auteur qui permet de mieux regarder et de mieux voir le monde qui nous entoure sans leçons, sans lourdeurs.
     
     
     
     
    L'avis de Bellesahi.
                                                                                        


    Henry Bauchau, Le boulevard périphérique, Actes Sud, 2008, 254 p.