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Bulles - Page 2

  • Polina - Bastien Vivès

    20110420183512_t0.jpg"Il faut être souple si vous voulez espérer un jour devenir danseuse. Si vous n'êtes pas souple à six ans, vous le serez encore moins à seize ans. La souplesse et la grâce ne s'apprennent pas. C'est un don. Suivante..."

    Et pourtant Polina va intégrer la prestigieuse école Bojinski et vivre avec intensité sa passion pour la danse.

    Evidemment, dit comme cela, on se demande s'il ne va pas s'agir d'une ressucée version BD d'un roman d'Anne-Marie Pol. Mais dois-je l'avouer puisque nous ne sommes pas mardi, j'ai adoré les romans d'Anne-Marie Pol fut un temps. Surtout Le sang des étoiles tiens, que j'ai lu, relu, rerelu, rererelu avec enthousiasme. Même si je n'aimais pas danser.

    Mais revenons à nos moutons. Enfin, à Polina. Autant attaquer tout de suite, cette BD est un petit bijou, tant en terme de scénario que de dessin. Car Bastien Viviès retrace avec sensibilité et crédibilité le parcours d'une enfant puis d'une jeune femme dont la vie tourne autour de la danse, qui s'y perd, s'y retrouve, la fuit, y revient. On la suit dans sa relation à son maître, dans sa découverte progressive qu'il est possible de danser autrement, dans sa vie d'une certaine manière en dehors de la vie au sein d'écoles et de troupes. Avec en filigrane une réflexion sur l'exigence, la discipline que requiert la danse, discipline indispensable qu'il faut néanmoins dépasser pour que la technique devienne art. Le tout est servi par un dessin au trait épais, tout de noir et de gris qui parvient pourtant à se faire léger, à traduire le mouvement, la souffrance, les émtions de Polina et de ceux qui l'entourent.

    Une très belle réussite!

    Une interview de Bastien Vivès...

    Polina est la BD RTL du mois de mars!

    Vivès, Bastien, Polina, KSTR, 2011, 206p. 4/5

  • Les larmes de l'assassin - Thierry Murat

    les-larmes-de-l-assassin.jpgPablo vit avec ses parents en un endroit où personne n'arrive par hasard. Là, à l'extrême sud du Chili, ils ne voient guère que quelques scientifiques,  parfois un poète. Jusqu'au jour où frappe à leur porte Angel, l'assassin en fuite. Et l'assassin assassine, épargnant, sans trop savoir pourquoi l'enfant.

    Les larmes de l'assassin a été mon premier roman d'Anne-Laure Bondoux, une baffe, un de ces textes qui vous prennent au tripes et vous laissent épuisés au bout du chemin, mais littéralement transporté. Dur, violent, profondément humain. C'est vous dire si en voyant arriver cette adaptation en bande-dessinée de ce bijou, j'étais mi-enthousiaste, mi-méfiante.

    Or, c'est un magnifique album qu'offre Thierry Murat, à la fois fidèle à l'oeuvre d'Anne-Laure Bondoux, à son atmosphère, et empreint de sa patte grâce à un trait charbonneux, des jeux d'ombres, des noirs, ocres, bleus profonds, gris, marrons qui font sourdre la solitude des grands espaces de la Patagonie, la violence, l'amour improbable qui naît entre l'enfant et l'assassin, la tension provoquée par l'arivée du poète.

    Planche_bd_1183_LARMES DE L'ASSASSIN (LES).jpg575715394.jpg1022828_3349777.jpg

    Impossible de chercher la petite bête, l'infidélité au roman tant son dessin et son choix de texte s'avère parfait, équilibré, poétique et rend justice à cette histoire de mort, d'amour et de trahison.

    Une très belle réussite donc, élue BD RTL du mois de février, et un coup de coeur pour moi.

    Fashion, Noukette en parlent.

     

    Pour ceux qui voudraient lire le roman, il est disponible chez Bayard.

     

     

    Murat, Thierry, Les larmes de l'assassin, librement adapté du roman d'Anne-Laure Bondoux, Futuropolis, 2011, 125p., 5/5

     

  • L'hôte - Jacques Ferrandez d'après une oeuvre d'Albert Camus

    hote-ferrandez-Camus.jpgAlgérie, dans les hauteurs semi-désertiques du pays, un instituteur français reçoit la visite d'un gendarme et de son prisonnier indigène. A lui d'amener l'homme à Tinguit où il sera jugé pour meurtre.  Cette tâche, l'homme l'accepte à contre-coeur et devra la confronter à sa conviction intime et la complicité étrange qui va le lier à cet homme dont il ne sait rien.
    J'aime Ferrandez depuis ma découverte de ses sublimes Carnets d'Orient, une fresque qui m'a fait découvrir un pays et une histoire qui fait partie de mon histoire familiale. J'aime ses dessins délicats, son sens du récit, ses personnages, les couleurs magnifiques qu'il emploie, sa finesse et sa sensibilité pour aborder des thèmes forts, durs, et des événements qui provoquent encore la passion et la haine.
    Il choisit là d'adapter l'Hôte d'Albert Camus, un texte court, une nouvelle que je n'ai, je l'avoue, pas lue mais que j'ai découverte par les images de Ferrandez. Toujours aussi sublimes les images: on parcourt du regard les paysages immenses des montagnes algériennes, on ressent jusqu'à l'os l'isolement, le froid, la rudesse de ce monde de pierre, une rudesse qui répond à celle des hommes et à celle d'une époque où l'on doit choisir son camp et où toute humanité se heurte à la violence et l'incompréhension. Entre l'instituteur et le prisonnier se tisse un lien étrange, fait d'une sorte de respect mutuel, de découverte silencieuse de l'autre, un lien qui ne résistera pas au monde extérieur. Pas ou peu de dialogue, juste l'image et la force qu'elle donne au récit, sa fausse simplicité qui mène au dénouement qu'on devine tragique mais qui reste dans l'ombre. Comme si le bref instant de compréhension et de respect devait être préservé de la violence à venir.
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    C'est une très belle oeuvre, qu'on aurait aimé plus longue pour savourer encore les images et Camus, qu'on devine en filigrane.

    Ferrandez, Jacques, L'hôte, Gallimard, coll. Fétiche, 2009, 4/5

  • Freaks of Heartland

    FreaksOfTheHeartland_06012008_185640.jpgUne vallée isolée, quelques fermes, un secret soigneusement préservé par les familles depuis des années : des enfants monstrueux sont nés, soigneusement cachés et tenus à l’écart. Jusqu’à ce que la peur et l’incompréhension deviennent trop fortes et que la violence se déchaîne. Trévor, dont le frère Will est un de ces enfants décide de le sauver quand son père prend la décision de l’abattre.

     

    Habituellement, j’ai un peu de mal avec les dessins de comic books : même avec des scénarios qui m’enthousiasment, il me faut faire un petit effort. Et puis il y a les exceptions, où dessin et scénario s’allient pour satisfaire mes exigences de lectrice de comics du dimanche. Freaks of heartland est de ces exceptions. Le dessin est purement et simplement somptueux : dans des teintes ocres et sépia, les détails se dessinent en douceur jusqu’aux explosions de violence qui brouillent tout repère et traduisent à merveille la souffrance de Will, de Trévor et des autres. Par moment, ce sont des toiles et non pas des cases qu’on a sous les yeux. En guise de décors, le lecteur découvre l’Amérique profonde, ses villages perdus et faussement tranquilles, le monde rural dans la splendeur de ses champs et l’horreur de ses secrets. La grande force du dessinateur est d’instiller par petites touches le fantastique. En fait, alors qu’on sait, qu’on sent qu’il y a quelque chose d’anormal, seuls des détails et des sous-entendus permettent de se faire une idée de ce qui a pu se passer : mutations due à un nuage étrange, grossesses simultanées, on pense bien sûr à toute la littérature fantastique et aux comics dans ce genre, ou encore aux histoires de complots, d’extraterrestres, d’expériences scientifiques qui ont mal tourné. Sans ces allusions, on pourrait presque penser à un drame de la consanguinité, le genre de chose qui a pu arriver dans des villages isolés et fermés au monde comme celui où vit Trevor.
    Steve Niles, le scénariste met en scène la relation, touchante, de deux frères, et la capacité, aussi, des enfants à accepter l’autre dans ses différences sans peur. Bien sûr le choix a été fait de montrer deux enfants normaux accepter ceux qui ne le sont pas, en opposition aux parents qui rejettent une différence qui les terrifie. Les enfants peuvent être aussi cruels que les adultes, et surtout, aussi cruels que leurs parents. Mais dans le cas de Trevor et de Will, et de Maggie qui va les accompagner et les aider, c’est la confiance, l’acceptation, l’ouverture d’esprit qui est mise en valeur et la richesse qu’elle apporte. Rien d’original en fait puisque la plupart des histoires de freaks touchent à ces thématiques (Cristal qui songe, Elephant Man, Lilliputia…) , mais une manière de raconter, de dessiner, qui font de Freaks of heartland une très belle œuvre.

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    C’est une belle histoire, qui se clôt malheureusement de manière un peu abrupte : j’aurais bien continué l’aventure avec Trevor, Will, Maggie et les autres….

    Greg Ruth, Steve Niles, Freaks of hearland, Semic, 2007, 170p., 4/5

  • Le combat ordinaire - Manu Larcenet

    le-combat-ordinaire-tome1-cf2f2.jpgMarco a quitté la ville pour la campagne, il a arrêté le psy parce qu’il a l’impression que ça va vraiment mieux, il a arrêté de partir photographier les guerres et les catastrophes et il s’occupe à croiser de temps à autre son frère rigolard, ses parents qui vivent au bord de la mer. Marco est monsieur tout-le-monde, mais il est tellement, tellement plus…

    Il y a des œuvres comme ça qui croisent votre route l’air de rien et qui vous bouleversent au-delà de toute mesure. Ce n’est pas qu’elles soient particulièrement drôles, non, ni particulièrement tristes d’ailleurs, c’est juste qu’elles touchent quelque chose d’intime, et en même temps d’universel. Dans Le combat ordinaire, il y a une histoire particulière, celle de Marco, et il y a tout ce qu’elle dit sur la vie, l’amour, l’amitié, la famille. Manu Larcenet réussit le tour de force de raconter une histoire banale en lui donnant une force peu commune et en dressant une galerie de personnages terriblement humains et qui en disent long sur sa capacité à observer les gens et à en faire des personnages plus vrai que natures. Du coup on s’attache à eux, malgré l’agacement qu’ils provoquent parfois, voire la colère.

    Marco et sa trouille de l’engagement, son incapacité totale à passer à l’âge adulte, Emilie et sa patience, la maman qui se révèle un jour, les secrets du père, les ouvriers de l’arsenal, les journalistes et les artistes, on retrouve les petits travers, les grandes qualités, les petites histoires de la vie quotidienne.

    C’est tout simple et débordant d’émotion et de réflexions sur l’angoisse, sur les liens familiaux et les secrets de famille, sur l’amour et le changement radical qu’implique accepter un autre dans sa vie. De petits événements en grands changements, Manu Larcenet s’emploie à montrer de quelle manière on change et on grandit, qu’on le veuille ou non, et quels conflits et bonheurs cela provoque. Le combat ordinaire est celui que tout un chacun connaît à un moment ou à un autre de sa vie, ou toute sa vie et c’est la force immense de cet album qui met le lecteur face à ses propres questionnements, face à sa propre tendance à fuir les problèmes et les choix, face aux réactions que l’on peut avoir quand la maladie, la mort, le racisme, le chômage font soudain leur apparition. Avoir la chance de lire les quatre tomes d’affilé, c’est pouvoir percevoir mieux l’évolution de Marco, de son entourage, de la société aussi. J’ai apprécié ce moment passé avec les personnages.

    Les aventures de Marco sont servies à merveille par le dessin, tout en détails, en finesse, qui transcrit à la perfection les émotions et les ambiances. C’est un beau tableau, humain, sensible, touchant de la vie aujourd’hui, un petit chef d’œuvre qui démontre la force que peut avoir la bande-dessinée.

     

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    Larcenet, Manu, Le combat ordinaire, Dargaud, t.1 à 4, 5/5