Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Avant l'hiver, Architectonique des clartés

    Vous l’aurez peut-être remarqué si vous fréquentez ce terrier depuis un certain temps, ou si vous avez croisé ma route : j’ai une marotte. On pourrait presque dire un auteur chouchou si la créatrice de ce label veut bien me passer cet emprunt expliquant en partie mon attitude proprement hystérique dès que j’entends parler de la sortie d’un nouvel opus. Le nom de la marotte ? J’y viens !

     

    Il est des livres, des plumes dans lesquelles le lecteur se noie, d’immerge, se perd à en oublier le monde autour de lui. C’est l’effet que me font les œuvres de la Tisseuse : chaque mot, chaque ligne m’enferme un peu plus dans la trame. Je ralentis, je biaise, espérant faire durer un peu plus le plaisir, je cède à l’envie de lire encore et encore, je tourne et retourne le livre, le caressant, le feuilletant… Et je le referme avec une grimace en pensant au temps qu’il faudra avant de découvrir d’autres aspects du monde de Vertigen. Pour moi Léa Silhol, puisque c’est d’elle qu’il s’agit est une magicienne. Par elle me viennent le souffle de Féerie, la froideur des flocons d’un hiver non naturel d’être tellement vrai, la passion de la nuit la plus profonde.

     





    Avec Avant l’hiver, elle offre un recueil de nouvelles à la construction éblouissante. Quatre actes pour de multiples aspects du monde des fays et de son histoire. Au fil des pages, la voix de Kelis, le barde chargé par les siens de raconter les temps anciens, donne à entendre la vie des Cours et des monarques de Féerie : les amours interdites, les trahisons, les guerres, mais aussi les comptines, les pactes avec les mortels et les dieux. Des réponses sont données, de nouvelles questions posées. On voit en tout cas se dessiner de plus en plus l’architecture de Vertigen.

    Toutes les nouvelles du recueil ne sont  pas inconnues du lecteur assidu : certaines appartenaient à d’autres recueils, d’autres avaient été publiées dans des revues diverses. En tout cas, elles sont réunies avec un talent, une tension qui laissent pantois.

    On retrouve au fil des pages les personnages qui nous étaient devenus chers dans La Sève et le Givre et La Glace et la Nuit : Angharad et Finstern, Kelis lui-même, et des personnages que l’on pouvait juger secondaires et qui acquièrent épaisseur et vie avec les nouvelles qui leurs sont consacrées. On retrouve des événements évoqués, des objets, des lieux. Mais surtout, on rencontre Dana, Anaa, et on assiste à la création de Féerie, ou plutôt à la transformation de Féerie. Et c’est passionnant.

    De plus, les textes sont accompagnés de magnifiques photographies, la maquette élaborée, bref, tout concourt au plaisir de lecture.

     

    Une fois de plus Léa Silhol joue de sa plume et de son talent pour enchanter ses lecteurs. Ceux qui sont d’ors et déjà tombés sans ses filets retrouveront avec un bonheur sans faille son univers, ceux qui voudront l’approcher en picorant le pourront aussi.

     

    L'article magnifique de Psycheinhell.  Une interview de l'auteur sur le site des Moutons électriques.

    Léa Silhol, Avant l'hiver, Les moutons électriques, 2008, 349 p. 

     

     

  • La naissance du jour

     

    J’ai bien du mal à commencer cette note de lecture ! Comment parler de ces pages qui m’ont coupé le souffle, je me le demande !!

     

    On ne présente plus Colette la fille de Sido, la femme de Willy, la scandaleuse, l’académicienne, l’écrivain hors pair. Celle qui a écrit : « Je ne cesserai d’écrire que pour cesser de vivre »

    On ne la présente plus et pourtant, sa vie est un tourbillon qui ne perd rien de son attraction dès lors qu’on y revient.

     

    La naissance du jour n’est pas un roman, mais une sorte de journal. Colette raconte l’été de ses cinquante-cinq ans. Elle relit les lettres de sa mère, elle tente d’écrire le roman qu’attend son éditeur. Et surtout, elle vit intensément ce que lui offre la Provence : la chaleur, le soleil, la nature, l’amitié et l’amour qui reste possible.

     

    L’émerveillement est présent dès les premières lignes. S’ouvrant sur une lettre de Sido, le récit prend s’affirme d’emblée comme une déclaration d’amour. « Au cours des heures où je me sens inférieure à tout ce qui m’entoure, menacée par ma propre médiocrité, effrayée de découvrir qu’un muscle perd de sa vigueur, un désir de sa force, une douleur la trempe affilée de son tranchant, je puis pourtant me redresser et me dire : « Je suis la fille de celle qui écrivit cette lettre, - cette lettre et tant d’autres que j’ai gardées. Celle-ci en dix lignes, m’enseigne qu’à soixante-seize ans elle projetait et entreprenait des voyages, mais que l’éclosion possible, l’attente d’une fleur tropicale suspendait tout, faisait silence même dans son cœur destiné à l’amour. »

    Colette n’est pas Sido, mais elle a, comme elle, l’amour de la vie, l’égoïsme instinctif de ceux qui savent que se préserver est essentiel, l’attachement viscéral aux gens et aux bêtes. Toutes choses qu’elle sait mettre en mots dans une langue d’une poésie rare, d’une force d’évocation presque sans égal. Peut-être est-ce parce que je connais les paysages qu’elle décrit, les sensations des ces étés écrasés et écrasant de chaleur, mais au fil de ma lecture, malgré le bruit environnant, les mouvements, le froid et l’humidité, je sentais sur ma peau la brûlure du soleil et du vent, j’entendais la stridence entêtante des cigales, les bruits de la vie qui reprennent le soir venu. L’art de Colette égal celui des peintres qu’elle fréquente au cours de cette période de sa vie. Elle réussit à traduire la vie, avec une sensualité qui laisse pantois. Il suffit de lire ces quelques lignes, extraites des toutes premières pages : « J’entends tinter les bouteilles qu’on rapporte du puit, d’où elles remonteront rafraîchies, pour le dîner de ce soir. L’une flanquera, rose de groseille, le melon vert ; l’autre, un vin de sable trop chaleureux, couleur d’ambre, convient à la salade –tomates, piments, oignons, noyés d’huile- et aux fruits mûrs. »

     

    Pourtant, Colette est en retrait. Cet été est pour elle l’occasion d’une réflexion sur l’amour, sur le vieillissement, sur la manière dont elle veut voir arriver la mort. A travers le triangle amoureux qui se dessine entre Vial, Hélène et elle-même, elle montre son cheminement vers l’abandon, la sérénité. Pour elle, cette situation est représente la tentation du dernier amour, une manière de se prouver qu’elle est toujours femme séduisante et séductrice. Y renoncer est donc un grand pas. Mais si elle renonce à l’amour, elle ne renonce pas au monde. Elle s’ouvre à lui, le frôle. Elle renonce à un amour qui l’aurait une fois de plus menée vers l’agitation, la souffrance. « J’ai encore des jours et des jours devant moi, je suppose, mais je n’aime plus les gâcher. Timidité dessaisonnée, un peu flétrie et amère, comme tout ce qui demeure suspendu, équivoque, inutile… Ni parure, ni pitance… »  Elle préfère respirer le monde. « L’aube vient, le vent tombe. De la pluie d’hier, dans l’ombre, un nouveau parfum est né, ou c’est moi qui vais encore une fois découvrir le monde et qui y applique des sens nouveaux ?... Ce n’est pas trop que de naître et de créer chaque jour. Elle est roide d’émotion, la main couleur de bronze qui court, s’arrête, biffe, repart, froide d’une jeune émotion. L’avare amour ne voulait-il pas, une dernière fois, m’emplir le creux des paumes d’un petit trésor racorni ? Je ne cueillerai plus que par brassées. De grandes brassées de vent, d’atomes colorés, de vide généreux, que je déchargerai sur l’aire avec orgueil. »

     

    Mais La naissance du jour n’est pas vraiment, ou pas seulement un journal. La préface est à cet égard absolument passionnante : « Il lui faut écrire le roman du renoncement. Mais elle renonce à renoncer. On n’écrit que du passé. Elle vit le présent. Elle écrit donc le poème du renoncement, pour conjurer l’avenir qui la menace et protéger cet amour d’automne qui l’attache à Maurice Goudeket. La naissance du jour fait silence sur cet amour : c’est le gage que ce dernier amour se transformera en amitié tendre, en amitié première et qu’alors le monde – souvent réduit pour elle à un seul être- lui sera de nouveau offert. »

    Et effectivement, Colette passe sous silence, elle ment. Mais elle en averti son lecteur : « Imaginez-vous, à me lire, que je fais mon portrait ? Patience : c’est seulement mon modèle ». Dès lors, il appartient au lecteur de démêler le vrai du faux, ou de se contenter de suivre Colette dans les méandres de sa réflexion sur l’art et la création, sur l’écrivain et son statut, la difficulté d’écrire et la souffrance qu’apporte parfois la célébrité.

     

    La naissance du jour a scellé mes retrouvailles avec cet écrivain que j’avais tant aimé adolescente et dont L’étoile Vesper avait fasciné l’étudiante que j’ai été. Un magnifique moment de lecture que je ne peux trop conseiller à ceux qui aiment la poésie et le plaisir des sens.

    Colette, La naissance du jour, GF-Flammarion, 1981, 191 p.

  • Comme un rond ballon

     


     

    Gabi, seize ans, a du retard. Une petite graine a pris racine au fond de son ventre. Gabi a seize ans mais elle ne veut pas avorter, même si elle sait que ça va être dur. Neuf mois de grossesse où il va falloir affronter le regard des autres, de son frère et de Clara la fiancée, avec pour soutien Ninou sa grand-mère et ses trois copines. Neuf mois entre joie, doute et peurs.

     

    Frédérique Niobey a adopté la forme du journal intime pour cette histoire de toute jeune maman. Les avantages de cette forme sont non négligeables. Elle lui permet d’entrer profondément dans la psyché de Gabi, de lui donner entièrement la parole.  Or, Gabi est une héroïne attachante : une enfant encore, une adulte déjà,  même si elle a seize ans. Elle pose la douloureuse question de savoir si on peut être mère avant d’être femme, mère sans être femme. Pourtant, femme, elle l’est, et pas seulement parce qu’elle va donner la vie. Elle est femme parce qu’elle doute, parce qu’elle souffre, parce qu’elle s’interroge sur sa vie après la naissance, les renoncements, l’amour et bien d’autres choses. Seulement, ces questions sont d’autant plus angoissante qu’elle est jeune.

    Ce qui est intéressant c’est que Gabi choisit cet enfant qu’elle porte : elle se doute bien qu’elle est enceinte, et elle choisit d’attendre ! Si fausse couche il doit y avoir, il y aura fausse couche. Sinon, elle mettra au monde son enfant. Son choix n’est pas compris d’ailleurs. D’autant qu’il n’est pas sans rapport avec la mort accidentelle de ses parents, la solitude.

     

    Mais malheureusement, la psychologie des personnages reste effleurée, les situations caricaturales. Et le choix de phrases elliptiques, saccadées, si elle permet de coller à l’état d’esprit de Gabi devient un peu pénible sur la fin du roman.

    Dommage, ce qui aurait pu être excellent devient juste bien !

     
    Frédérique Niobey, Léonore, Ed. du Rouergue, coll. Doado, 2007, 58 p.

  • Caresser le velours

     

    Nancy est promise au destin sans heurts d’une petite écaillère de Whitstable jusqu’au jour où, au music-hall, elle croise la route d’une chanteuse travestie en homme. Pour elle, c’est le début d’une vie  hors du commun.

     

    Voilà un court résumé qui ne rend pas justice au deuxième roman de mes vacances ! J’étais pourtant un peu craintive en l’ouvrant : j’avais beaucoup aimé Affinités et j’attendais beaucoup de son premier roman. Je n’ai pas été déçue : happée dès les premières lignes, je n’ai pas vu passer le voyage de retour !

     

    Petite biographie de l’auteur : Sarah Waters est britannique et titulaire d’une thèse en littérature anglaise. Après avoir été libraire puis enseignante, elle a publié en 1998 Caresser le velours, suivi en 1999 d’Affinité, puis de Du bout des doigts, et Ronde de nuit. Chacun est à sa manière un roman historique, un roman érotique, et une belle manière de découvrir l’univers du lesbianisme.

    Sarah Waters campe à merveille les atmosphères, les personnages, les décors. On se retrouve sous les feux de la rampe, on frémit dans les rues de Londres, on sent l’iode au bord de la mer. Et surtout, on suit passionnément les récits des amours de Nancy. C’est romantique, c’est quelque fois beau, c’est parfois extrêmement cru : de la découverte du premier amour à celle de la sensualité la plus débridée, Nancy va connaître une vie amoureuse chaotique avant de trouver l’apaisement, et enfin, des pareilles qu’elle. Rien de plus facile et difficile à la fois que d’être différent dans cette Angleterre victorienne si prude. La rigidité des carcans sociaux est compensée derrière les apparences par les débordements insoupçonnés que permet la richesse, et un militantisme qui va de pair avec les luttes ouvrières, syndicales et politiques. En tout cas, on a le sentiment à cette lecture que l’auteur est documentée et ne tente pas de faire à son lecteur un tableau de l’homosexualité par trop anachronique. Et surtout, Sarah Waters ne sombre pas dans le voyeurisme sans pour autant éviter de décrire en détail ce qui pour beaucoup reste du domaine de l’interrogation et parfois du dégoût : l’acte sexuel lesbien.

    Je regrette simplement qu’elle sombre par moment dans un romantisme fleur bleu qui alourdit la narration et rend finalement ses héroïnes moins attachantes et fascinantes qu’elles pourraient l’être. Ceci étant, elle ne cherche en rien à rendre ses héroïnes attachantes : Nancy est un parangon d’égocentrisme, Florence n’a pas le caractère facile, et Kitty avec ses atermoiements perpétuels et ses geignements agace !


    Un beau roman malgré tout, fortement conseillé!

    Des avis éclairés: 

     

     

     Sarah Waters, Caresser le velours, 10/18, 2003, 590 p.

     

     

    La bibliothèque du Dolmen, Eclats de dire!

  • Dialectique de la girlitude

     

    A 27 ans, Pulsatilla est passée du statut de blogeuse à celui de d’écrivain prometteur. Un changement qui la laisser elle-même enchantée mais perplexe ! Mais après tout, et-ce si surprenant quand une jeune italienne parle avec un humour dévastateur de tous les aspects de la vie d’une femme ?

     

    Un roman ? Un récit ? Un journal ? Non, un livre tout simplement. Pulsatilla y raconte sa vie, sa famille, ses boulots, ses histoires d’amour désastreuses, le tout entrecoupé de théories hilarantes sur des choses aussi diverses et essentielles que les culottes, les régimes, les coiffeurs. C’est d’autant plus drôle qu’elle ne se passe rien : ses travers d’enfants, ceux de l’adolescente qui a réussi à retourner un pensionnat de jeune fille, les contradictions de la jeune femme qui crache sur la société de consommation plongeant avec délice dans tous ses pièges, l’aveuglement volontaire de celle qui cherche le prince charmant et tombe toujours sur un crapaud,…

     

    Malheureusement, si son humour fait passer la pilule sans aucun problème, le tout est décousu, parfois un peu lourd et pas toujours intéressant. Reste un bon livre à picorer sur la plage.

     

    L’avis de Cathulu 

    Pulsatilla, La cellulite, c’est comme la mafia, ça n’existe pas, Le diable Vauvert, 2008, 258p.