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  • Connaître son ennemi

    Oui, l'ennemi! Je vous ai présenté Mlle Chiffon la benjamine précédemment. Elle est l'héroine de ce billet. Que cela soit clair entre nous: j'adore ma frangine. Elle a généralement bon goût en matière de livres. Et même de mangas. Oui, j'ai bien dit en général... Parce qu'elle traverse cette étrange période où les hormones transforment l'enfant le plus civilisé et sage en... un ADOLESCENT! Ô stupeur! Ô étonnement! Devant vos yeux ébahis, un nouvel être se dresse. Et dans le cas qui me concerne, l'être nouveau lit des shôjo. Poussée par une saine curiosité professionnelle (connais ton fond de manga et un bon professionnel tu seras), je me suis penchée sur ce qui trainait sur le plumard (enfin, ce que j'ai réusi à récupérer au milieu du chaos).

     

    C’était nous, Yuuki Obata, Soleil, t. 1 à 6

    Bon, là on reste dans le domaine du classique et du mignon. Je t'aime, je ne t'aime plus, je t'aime encore et puis finalement est-ce que je n'aimerais pas ton meilleur ami? Être ou ne pas être? Ketchup ou mayo? Ceci dit, j'ai relativement accroché même si l'intrigue est assez longue à se mettre en place, et comme il se doit quasi inexistante. Mais les personnages sont assez attachants et le tout se lit sans faim.


    Par contre, après, c'est du lourd!! Ou alors c'est que j'ai définitivement dépassé l'âge!

    Princesse Ai, Misaho Kujiradou, Soleil, en trois tomes.

    La princesse Ai est transbahutée sur la planète terre avec son mystérieux médaillon (sic), a perdu la mémoire (resic), tombe sur un bô sauveteur super gentil (reresic), et s'emploie à sauver son monde des méchants (rereresic). En résumé... Moi les magical girls je ne peux pas. Mention spéciale au design des personnages dus à Ai Yazawa que par contre je révère (c'est du shôjo aussi? On s'en fiche, c'est du bon! Et non, je ne suis pas de mauvaise foi): gothique à souhait.

     

    Kimi shika iranai, Wataru Yoshizumi, Glénat, 2 tomes.

    Comment dire... La demoiselle a 16 ans et est divorcée! Ce qui n'empêche pas machin de tomber amoureux d'elle! Mais voilà que son ex-mari revient à la charge! Mais comment tout cela va-t-il se finir???! On, se le demande n'est-ce pas? Bien avec fleurs angelots et une dose de sirop à écoeurer l'estomac de plus de 14 ans le plus accroché!

     

    Des fois la conscience professionnelle, ce n'est pas une sinécure...

  • Déneiger le ciel

    David, veuf de 60 ans vit seul et isolé dans la vallée de Sisteron. A la veille de Noël, la neige tombe, recouvre tout. Et son ami Antoine marche seul dans la nuit vers sa maison. Effrayé de le retrouver mort, David va partir à sa recherche dans la nuit et le froid. Commence pour lui une longue errance où les uns après les autres, disparus et souvenirs vont se rappeler à lui.

    C'est une déception pour moi. A force de lire des commentaires élogieux, j'en attendais sans doute trop. Je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages, et surtout à David, ce qui est dommage puisqu'il s'agit du personnage principal! Son introspection, malgré le cadre fantastique de ce paysage enneigé m'a laissée froide (c'est le cas de le dire). Son combat contre la nature, contre lui-même et sa souffrance ne m'a pas semblé artificiel, mais n'a pas trouvé d'écho pour moi. Quelques belles pages, quelques belles phrases qui me laisseront des traces, mais pas de magie. Même la plume d'André Bucher ne m'a pas fait frissonner. Ce qui a sauvé cette lecture pour moi, c'est le cadre magnifique, où j'ai déjà eu la joie de trainer mes guêtres. Il décrit à merveille l'endroit où il vit, et on sent tout l'amour qu'il a pour ce pays. J'ai eu envie de montagne. Ce qui me laisse à penser que je n'ai tout simplement pas lu le bon roman d'André Bucher.

    Je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai soupiré d'ennui, mais ce n'était pas loin.

    Laurent, lui, a aimé, tout comme Cuné et Cathulu.

    André Bucher, Déneiger le ciel, Sabine Weispierser, 2006, 146 p.

  • Vous reprendrez bien un petit noeud de chanvre?

    Bon, Papa Chiffon était enthousiaste, Maman Chiffon hilare rien que d'y repenser, et ce n'était pas la première fois que j'entendais parler de M. Jean Teulé. Du coup, j'ai attrapé Le magasin des suicides et l'ai ouvert. Quelques gloussements et éclats de rire plus tard, je peux affirmer que je ne regrette rien.

    Dans un futur post-apocalyptique où l'acide sulfurique pleut et où l'Amérique n'est plus que cendres vitrifiées, M. et Mme Tuvache tiennent un magasin où les déséspérés peuvent trouver tout le nécessaire pour passer de vie à trépas. Leur slogan: Vous avez raté votre vie, avec nous vous ne raterez pas votre mort". Tout va pour le mieux jusqu'au jour où naît Alan, fruit du test d'un préservatif troué (spécial pour mourir d'une MST). Et Alan est bizarre: il sourit. Et il voit la vie en rose. Dès lors, c'est le début de la fin.

    C'est tout simplement hilarant. Complétement absurde du début jusqu'à une fin qui fait se dresser les sourcils sur le front. Les Tuvache vendent du poison comme d'autres des boites de conserves et se veulent de bons commerçants. M. Tuvache en train de faire l'article d'un sabre et d'un kimono pour faire seppuku est un spectacle proprement fabuleux. Quand à son frère et sa soeur, entre l'anorexique psychopathe et la blonde ignorant son devastateur potentiel sexuel... C'est un magnifique remède anti-morosité. Face au monde et face à la joie du petit Alan, nos désespoir d'individus finalement bien lotis par la vie prennent un aspect dérisoire. Et quand ce n'est pas le cas, l'hymne à la beauté de la vie reprend le pas.

    C'est court, c'est bien écrit, c'est facile à lire, c'est drôle, c'est bon pour le moral. Chaudement recommandé.

    "Qu'est-ce que tu lis?

    -Les statistiques de l'an dernier: un suicide toutes les quarante minutes, cent cinquante mille tentatives, douze mille morts. C'est énorme...

    -Oui, c'est énorme le nombre de gens qui se loupent. Heureusement qu'on est là [...]"

    Jean Teulé, Le magasin des suicides, Julliard, 2007, 157 p.

  • Terre et sang

    J'avais aimé Soie, j'ai aimé Sans sang. Le texte est très différent, et il est agréable d'être surprise et destabilisée. Par contre, l'écriture est toujours aussi agréable, un peu hachée, très belle.

    C'est avant tout l'histoire d'une vengeance, celle de Salinas sur le docteur Manuel Roca, dont on devine qu'il a été un tortionnaire de guerre. Puis celle de Nina, la fille du médecin, qui une fois devenue adulte, venge à son tour son père et son frère assassinés presque sous ses yeux.

    C'est fou le nombre de thèmes qu'Alessandro Baricco parvient à faire passer en si peu de pages. La vengeance bien sûr et le cycle sans fin qu'elle provoque. Mais aussi la guerre, les reniements auquels on est contraint par ce en quoi on croit. Dans les personnages masculins et leurs interactions, la folie où mènent les engagements, les idéologies est décrite sans l'être. Je suis un brin confuse là, non? Simplement, Baricco a le talent, à mon avis, de faire comprendre les choses sans les décrire. Par le simple jeu des relations humaines. Et par des introspections qui laissent pantelant.

    J'ai aimé aussi la démonstration billante du fait que la manière dont chaque être humain perçoit les choses est différente, et que la vérité, si elle existe, est totalement et entiérement contingente à ces individualité. Et puis cet amour improbable qui est simplement et qui est accepté, presque aussi simplement.

    Difficile de faire passer là la complexité de ces pages sans déflorer le texte. J'ai aimé et voilà tout!

    Et je vous offre, pour ceux qui ont eu le courage d'arriver jusque là un petit bout de texte que je trouve magnifique: "Alors elle pensa que même si la vie est incompréhensible, nous la traversons probablement avec le seul désir de revenir à l'enfer qui nous a engendré, et d'y habiter auprès de qui, un jour, de cet enfer, nous a sauvé. Elle essaya de se demander d'où venait cette absurde fidélité à l'horreur, mais elle s'aperçut qu'elle n'avait pas de réponse. Elle comprenait seulement que rien n'est plus fort que cet instinct de revenir là où on nous a brisé, et de répéter cet instant pendant des année. En pensant seulement que ce qui nous a sauvé une fois pourra nous sauver à jamais. Dans un long enfer indentique à celui d'où nous venons. mais clément tout à coup. Et sans sang."

     

    Gambadou en parle un peu aussi!

     

    Alessandro Baricco, Sans sang, Folio Gallimard, 2003, 120 p.

  • Aquaforte, d'art et de mystère

    Alors ça, pour un roman bizarre, c'est un roman bizarre. La quatrième de couverture averti le malheureux lecteur, mais quand on se trouve pris dans les rets de ces pages, ce n'est pas une consolation! Un peu comme si Dante disait "Je vous l'avais bien dit" à celui qui aurait passé les portes (je ne me trompe pas d'auteur au moins!?)!

     Gwynn le mercenaire et Raule le médecin sont les soldats damnés d'une révolution perdue. En fuite, pourchassés, ils vont aller trouver refuge à Escorionte, cité sombre et décadente.

     

     

     

    Aucun des deux personnages principaux n'est sympathique. Gwynn a l'attraction du tueur dandy, du mauvais garçon. Cynisme, absence totale de morale autre que celle de sa propre survie. Il travaille d'ailleurs comme homme de main d'un vendeur de chair humaine sans aucun scrupule. "Le colonel et lui ne partageaient ni lien de sang ni camaraderie de combat. ils n'avaient rien en commun sinon une sauvagerie aussi prononcée que celle d'un cannibale". Raule, elle, n'est en rien plus agréable. Le médecin qui soigne les pauvres ne le fait guère par amour de son prochain. "Après tout un comportement civilisé ne requiert pas de compassion en soi, mais seulement l'aptitude à observer des règles compatissantes." Elle n'hésite guère d'ailleurs à utiliser son bistouri pour faire autre chose que soigner.

    Et pourtant, on s'attache à eux. Plus qu'à d'autres héros de fantasy, car moins lisses, plus humains avec leurs failles, leurs compromis, leurs vilénies.

    L'atmosphère que dégage le roman est étrange. Gwynn et Raule évoluent dans une cité étrange, violente, âpre, totalement décadente et brisée. Un peu à l'image de leurs âmes d'ailleurs. Aquaforte est l'histoire de "méchants", mais c'est aussi celle des idéaux brisés et de ce qu'il se passe lorsqu'on survit au pire. La désillusion est totale et la rédemption une idée dépassée, inaccessible, presque une mauvaise blague. Les personnages oscillent entre délire mystique, folie, désespoir, espoir. C'est poisseux, glauque, dérangeant, curieusement attirant et fascinant

    Chacun travaille à se reconstruire lorsque soudain, par l'intermédiaire de l'art, le fantastique, le merveilleux font irruption. Deux univers se mélangent, chacun avec leurs règles. C'est assez philosophique en fait! A la réflexion, une fois la perplexité dépassée, j'ai pensé aux monades de Leibnitz (oui, ce genre de chose m'arrive. En général je vais manger du chocolat et ça passe tout seul): chaque individu a sa sphère de perception et ce sont les interactions entre ces perceptions qui font le réel. Mais que se passe-t-il quand ces univers, ces perceptions sont totalement différentes? "Si cette théorie des mondes multiples que défendait Beth s'avérait exacte [...] et si son univers se mêlait à un autre, les règles de se dernier dépassaient son entendement. Un tel monde pouvait se comparer à une plante qui, repiquée en terre étrangère, s'y répandrait de manière incontrôlable comme une maladie infectieuse". Et que l'un est en passe de modifier radicalement l'autre?

    J'ai lu quelque part, qu'il s'agit d'un monde post catastrophe nucléaire. C'est possible avec les mutations constatées sur les enfants, le désert qui gagne, le feu qui frappe du ciel décrit dasn certaines pages. Je ne l'affirmerais pas. En tout cas, la réflexion sur le rôle et le pouvoir de l'art est bien présente! Et sur la possibilité de la rédemption et du changement aussi.

    Je reste un brin mal à l'aise, et sans savoir dire si j'ai vraiment aimé. En tout cas, l'expérience était intéressante!

     

     

     

     "Il faut être étrange pour avancer, car nos actes étranges poussent la norme outragée à nous rejeter, à nous propulser vers une normalité qui nous convient davantage."

    Une belle critique sur Phénix-Web.

    K.J. Bishop, Aquaforte, L'Atalante, 2006, 376 p.