Un vieux musicien vit seul avec ses souvenirs dans une maison isolée, attendant de mourir vraiment après avoir organisé son enterrement pour pouvoir disparaître et changer de vie. La mort d'un chanteur qu'il avait côtoyé jeune l'incite à soudain à sortir de son exil et à tenter un come-back.
Je l'avoue, la vue de ce très court roman ne provoquait en moi aucun enthousiasme, et c'est en traînant la patte que je me suis décidée à l'ouvrir à un moment perdu. Ce qui est une fort bonne chose puisque je serais passée à côté d'un fort joli texte. Pour son premier roman (mais pas son premier livre), Denis Soula rend un bel hommage à la musique: jazz, soul, blues, et surtout rock et folk. Au fil de souvenirs du vieil homme dont il a fait son héros, on voit défiler toute une galerie de magiciens: Johnny Cash, June Carter, Jerry Lee, Bob Dylan et bien d'autres dont nous avons forcément un jour entendu résonner la voix.
Mais ce vieil homme n'est pas n'importe qui. Il est l'homme qui fut connu autrefois sous le nom d'Elvis Presley (même moi j'ai fini par comprendre les indices qui émaillent le texte). Il raconte au fil des jours et des nuits le chemin qu'il entreprend pour retourner vers la musique après l'avoir abandonnée. L'importance que prend petit à petit la jeune femme qu'il a embauchée pour l'aider dans cette entreprise. Les doutes, la souffrance de ne plus pouvoir retrouver le même son, la même passion que celle qui avait pu l'animer. Il parle de l'importance de la musique, de la révolte dont elle est porteuse. Il dit la passion de la musique qui habite, qui consume, puis qui un jour console. Qui permet de dire la souffrance. Et qui permet le partage.
On n'enregistre pas pour passer le temps, on enregistre parce qu'on pense qu'on a quelque chose à dire qui intéressera les autres. Ou parce qu'on a mal et qu'on veut se soigner. Parce qu'on a envie de hurler."
Si le postulat de départ peut faire peur, il s'avère très vite que ce n'est pas tant qui est ce vieil homme qui importe que ce qu'il représente: pas d'hystérie de fan, pas de fascination, juste l'amour de la musique et du rock qui transpire dans ces pages. Sans complaisance non plus: le portrait du milieu musical, de ses dérives et de ses défauts peut se faire glaçant au détour d'une page. L'histoire que raconte Denis Soula est aussi celle d'une longue descente aux enfers, des compromissions, des renoncements, du plaisir pris dans ce qui est appelé les ténêbres.
" Au fond Kurt Cobain, Robert Johnson, Hank Williams, Cash et lui, c'est la même graine. Misfits... Sauvages, poètes, bandits, ils cherchaient autre chose et ils ont fini par se pousser hors du monde. Foudroyés."
En quatre saisons et de courts chapitres portés par une plume simple et agréable, Denis Soula raconte Memphis et le rock, les crooners, le jazz, le cinéma, dresse un beau portrait, et donne envie d'écouter de nouveau ces monstres sacrés.
Denis Soula, La dernière ballade, Autrement, 2009, 4/5