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  • De beaux mariages

     

    Ondine Spragg et jeune et très belle. Fille d'un homme d'affaire de la petite ville d'Apex, elle s'ouvre les portes de l'aristocratie new-yorkaise par son mariage avec Ralph Marvell. Mais son ambition dévorante ne peut se contenter de la respectabilité que lui apporte cette union. Ce que veut Ondine c'est le succès, la célébrité, la richesse, toutes choses qu'elle va chercher à obtenir de mariages en mariages et quelqu'en soit le prix.

    Il est rare de rencontrer en littérature une héroïne aussi antipathique, égoïste, lamentablement inculte, arrogante et imbue d'elle-même qu'Ondine Spragg. Et pourtant qu'elle est fascinante cette jeune femme avec ses défauts qui ne rachètent certainement pas ses qualités: une fois qu'on commence à suivre son ascension et ses chutes au sein de la Society, on ne peut plus faire autrement que tourner une page après l'autre. On est loin, très loin du roman de moeurs à l'anglaise. Pas d'humour, pas de légéreté, juste une description presque entomologique d'un monde en mutation et de sa cruauté. Ondine est une américaine de son temps: fiançailles rompues, divorces, rien ne la choque sinon l'échec dans la quête de la respectabilité et de la richesse. Elle est à l'image de l'univers des nouveaux riches, de Wall Street et de la spéculation et devient le symbole de la guerre qui se déclare entre ce monde et celui de l'ancienne aristocratie et de ses valeurs. Ondine au sein d'une vieille famille new-yorkaise, Ondine au sein d'une vieille famille de l'aristocratie française, Ondine dans l'univers interlope de la richesse, ses aventures montrent la rupture entre l'ancien monde et le nouveau monde. A travers elle, ce sont les rouages des sociétés américaines et européennes et de leur évolution qui sont analysés et décryptés avec un luxe de détails et une lucidité atroce. Ondine est le capitalisme: l'argent au centre de tout pour ce qu'il apporte de confort et de succès...

    Ondine est une sorte d'animal conduit par ses désirs et ses jalousies, son instinct social, jamais par la réflexion. Son histoire est celle de l'ambition: jamais satisfaite de ce qu'elle obtient, Ondine Spragg cherche à obtenir toujours plus, toujours mieux que ce qu'elle a, quitte à détruire ce qui ne lui sert plus qu'il s'agisse d'objets ou d'êtres humains sans jamais se soucier des dégâts. La dernière phrase du roman laisse sans voix. Pas de sentiments, pas d'âme, presque pas de sensations physiques, Ondine est une espèce de machine mue par sa volonté d'ascension sociale. Un personnage qui donne d'autant plus froid dans le dos qu'elle n'est pas seule de son espèce. En même temps, c'est une femme qui se bat admirablement pour exister, qui utilise toutes les armes à sa disposition pour obtenir ce qu'elle veut. Dans son cas, c'est une position sociale et de l'argent, ses armes sa beauté et le désir des hommes, le mariage et le divorce. Elle se trompe, elle tombe et se relève, elle lutte contre son éducation, sans jamais renoncer. Admirable, mais glaçant: on a un peu l'impression d'être devant une fourmi qui ne renonce jamais à passer un obstacle qu'elle pourrait éviter en prenant une autre direction. Or, qui ne s'est jamais entêté dans un projet, dans l'accomplissement d'un désir qui pourtant n'a pas apporté le bonheur escompté? Ondine est aussi un miroir dans lequel on se reconnaît un peu.

    Brillant, superbement écrit, De beaux mariages est une chronique sans fards et diablement actuelle malgré ses presque cent ans du Nouveau Monde. Passionnant, glaçant, c'est un roman qu'on lâche pas avant la dernière page et difficile à oublier.

     

    L'article d'Un renard dans une bibliothèque, Allie, Stéphanie, Canthilde,...

    Edith Wharton, De beaux mariages, La découverte, 2003, 4/5

  • Avril enchanté

    Par une atroce journée pluvieuse de mars, Mrs Wilkins et Mrs Arbuthnot tombent à leur club sur une charmante petite annonce publiée dans le Times: un ravissant château à louer en Italie leur tend les bras. Ni une ni deux, nos deux dames qui sympathisent décident de louer l'endroit et partent en quête de deux complices décidées à partager les frais de ces vacances avec elles. Ce sera Lady Caroline qui cherche un refuge contre son rang, sa famille et ses amis, et Mrs Fisher, respectable vieille dame qui souhaite évoquer le souvenir de ses chers grands hommes victoriens au soleil. Tout voyage réservant de folles surprises, San Salvatore va transformer nos quatre voyageuses et, par ricochet, leurs époux et admirateurs.

     Délicieux, c'est le qualificatif qui me vient à l'esprit quand j'évoque le souvenir de cette lecture. Délicieux comme un bonbon, une guimauve, ou une glace italienne par exemple! Avec ce roman qui a été un de ses plus grands succès, Elizabeth von Arnim offre une belle histoire sur le pouvoir sans partage des vacances et un hymne enchanteur à l'Italie (comme s'il y avait besoin de me donner envie de retourner dans ces contrées exotiques!).

    Effectivement, des vacances, Lotty Wilkins et Rose Arbuthnot en ont besoin. La première s'enlise dans un mariage qui ne la satisfait guère avec un homme rigide. La seconde s'est réfugiée dans les oeuvres de charité pour oublier les oeuvres impies de son écrivain d'époux, lequel fuit autant qu'il le peut le domicile conjugal. San Salvatore pour elles c'est la rupture, le moyen de s'éloigner, l'indépendance et le mensonge qui renversent des années de conduite vertueuse. En un mot l'aventure! Lady Caroline, elle, étranglée dans le carcan de sa trop grande beauté et de ses privilèges de classe a un ardent besoin de solitude. Mrs Fisher, s'englue dans une vieillesse poussièreuse et stérile.

    Quatre femmes qui ne se connaissent pas réunies autour d'un rêve italien font, vous me l'accorderez, de belles prémisses à un roman. Si on y ajoute le légendaire humour anglais, il va sans dire que les prémisses tiennent leurs promesses!

    San Salvatore va se révèler à nos aventurières un paradis sur terre: jardin luxuriant, vieilles pierres pleines de charme, autochtones pittoresques, mer et temps splendide. Un lieu envoûtant qui va petit à petit amener nos quatre héroïnes à sortir de leurs chrysalides en une débauche de chassés croisés absolument hilarants. Il faut dire qu'entre Mme Fisher qui fait une petite crise de possession, lady Caroline qui tente déséspérement d'avoir l'air revêche et de trouver un coin de jardin tranquille, Rose qui dispute le statut de maîtresse de maison à la doyenne et Lotty qui flotte sur un petit nuage de félicité, les quiproquos et les disputes sont légions. Passant de personnages en personnages, Elizabeth von Arnim donne à voir les diférentes psychées qui s'affrontent, et utilise avec art et finesse ses connaissances de la psychologie humaine. C'est très drôle ces points de vue croisé, mais cela révèle aussi à quel point ce que nous pensons comprendre des actes et des désirs des autres n'est en fait qu'une illusion. Petites pensées mesquines, légère avarice, tentation permanente de jouer des tours, rien n'est épargné! Bien sûr, tous les habitants de San Salvatore vont se laisser gagner petit à petit par l'esprit du lieu, mais les motifs de départ de leurs actes ne sont guère reluisants. Et qui sait si toutes ces belles choses résisteront à la fin des vacances?

    Et puis ces anglais en vacances faisant face à une Italie débordante de vie, de truculence donne des situations extrêmement comiques provoquées par les incompréhensions entre domestiques italiens et vacanciers anglais (ces macaronis, seigneur! Et la chaudière!!).

    C'est donc un roman en apparence léger, drôle, mais qui aborde avec profondeur les ressorts des relations humaines en livrant de beaux portraits de femmes confrontées à leurs désirs et à la mort des espoirs qu'elles fondaient en la vie jeune fille, ou à la vieillesse et à la solitude qui l'accompagne. Au delà des mondanités et du rituel du thé, des rebondissements et de l'humour c'est d'un voyage dans l'esprit humain dont on ressort en tournant la dernière page.

    A savourer au jardin avec une bonne tasse de thé!

     

      L'avis d'Allie, de Malice,  de Philippe,...

    Elizabeth Von Arnim, Avril enchanté, 10/18, 1999, 4.5/5

  • William Blake, génie visionnaire

    Une fois n'est pas coutume, il va être question dans le Terrier d'un genre littéraire et artistique avec lequel mes relations sont pour le moins contradictoires, chaotiques et passionnelles, j'ai nommé le romantisme. Je ne reviendrais pas sur l'ennui profond qui m'étreint à la lecture de Lamartine et sur mes états d'âmes qui n'intéressent personne, mais ceci me permet de souligner que me trouver dans l'exposition consacrée par le petit palais à William Blake, artiste pré-romantique s'il en est n'était pas une évidence. La curiosité, ce si vilain défaut, mais cependant poussée à pointer le bout de mon nez par là-bas. 

     

    L'oeuvre de cet artiste pré-romantique anglais né en 1757 est pour le moins étrange. Il faut dire que l'homme lui-même est complexe: fils de bonnetier éduqué, graveur de talent, jeune homme habité par des visions et une grande sensibilité religieuse, poéte, admirateur des idéaux révolutionnaires en révolte contre les églises et le monde politique... Un foisonnement d'idées, de convictions, de manières d'être et de faire qui a donné une oeuvre qui a bouleversé les canons académiques et qui l'a longtemps fait considéré par ses contemporains comme fou. On peut les comprendre.Mon sentiment dès les premières oeuvres exposées est que ses gravures, ses poèmes, ses dessins et ses autres oeuvres traduisent la violence de la révote qui l'habite, son dégoût du monde et de la religion. Je ne suis pas historienne de l'art mais pour moi, si Blake est un graveur et un dessinateur néo-classique, son oeuvre est tout de même une rupture marquée avec les canons esthétiques de la fin du 18e siècle: violence des couleurs, travail de la perspective, symbolisme des sujets, ... Tout cela tranche avec ce que nous pouvons avoir l'habitude de voir. Ses dessins préparatoires aux gravures sont d'une étonnante modernité.

    Le cheminement dans l'exposition suit l'évolution de l'homme. On commence par les années d'apprentissage et des dessins et gravures classiques et maîtrisés, des reproductions de tombes, d'oeuvres de Watteau, etc. Rien qui révèle la^personnalité de ce jeune homme qui avait commencé à écrire des poèmes dans le style élizabéthain à l'âge de 12 ans, ou qui  dessinait déjà le Fantôme d'une puce.

    File:William Blake 002.jpg

     Puis on passe à ses eaux-fortes et ses livres enluminés selon une technique nouvelle (dictée en rêve par son frère décédé d'une tuberculose): Il n'est pas de religion naturelle, Tiriel (un poéme épique), Les chants d'innocence et Les chants d'expérience.  Les planches extraites de ces deux derniers recueils sont des petites merveilles où les textes sont imbriqués à des gravures d'une grande finesse aux couleurs douces et aux détails souvent adorables et/ou terrifiants.

    File:Blake Nurse's Song.jpg

    Rien à voir avec les livres enluminés prophétiques su'il commence à élaborer et publier à partir de 1794. Le livre de Thel, Le mariage du ciel et de l'enfer, Les visions de illes d'Albion, Amérique, Prophétie, Europe Prophétie rompent avec ses oeuvres précédentes. Il y exprime sa certitude que l'histoire est une lutte permanente entre la liberté et la tyrannie, les révolutions et la poésie étant les seuls moyens pour l'homme de se libérer de la malédiction des oppressions religieuses et sociales, de la guerre, l'esclavage, etc.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les années qui suivent, il se consacre à des eaux-fortes sans texte sur des thèmes mythologiques ou symboliques, à une série de portraits de poètes a tempera, à des illustrations de poèmes de Milton, à des aquarelles sur le thème de la Bible.

    Suivent des gravures sur bois des Bucoliques de Virgile, superbe dans le détail, des gravures, des aquarelles pour illustrer Le voyage du pélerin (plutôt ironique quand on pense à son rejet des églises), ou encore La divine comédie de Dante.

    File:Blake Dante Hell XII.jpg 

     

    Il meurt à Londres en 1827, laissant un certain nombre d'oeuvres inachevées.

    Une exposition passionnante, donc, qui permet de découvrir un poète, un graveur, un aquarelliste et sa postérité (la dernière de l'exposition est consacrée aux traces qu'à pu laisser Blake, avec des extraits de films, de chansons, une toile de Francis Bacon, etc.). Pour information, les oeuvres que j'ai trouvé au fil du net et qui illustrent ce billet ne sont pas forcément celles qui se trouvent dans l'exposition! Je ne peux que vous conseiller d'aller voir tout cela en vrai au petit Palais!

     

  • L'heure du loup

     

    Il est beau, il est grand, il est fort, il est sexy, il est loup-garou et espion. Et, ce qui ne gate rien, il a les yeux verts.

    Avouez, vous êtes intrigués. Mais si, je vous ai vus!

    Michael Gallatin est espion pour le compte de l'Angleterre. Son atout majeur est classé secret défense. Car c'est le loup garou en lui qui lui permet de réussir les missions les plus périlleuses. Comme démêler les fils de cette mystérieuse opération nazie qui menace le débarquement allié.

    C'est du niveau des meilleurs romans d'espionnage de Jack Higgins, maître du genre auquel je vouais un culte du temps de mon inavouable adolescence. Cousu de fils blancs, certes, mais plutôt bien ficelé, haletant, mettant en scène un héros attachant et diablement sexy pris dans des aventures rocambolesques. Grande innovation par contre, le héros est un loup-garou et l'auteur entrecoupe le récit de sa mission par l'histoire de son enfance, de sa transformation et de sa vie dans une meute. C'est l'occasion d'un brin de réflexion sur l'humain, la violence, l'animalité. Rien de très original, mais ça donne une certaine profondeur au roman. J'ai bien aimé ces chapitres où l'on voit Michael s'adapter à la vie dans le meute, apprivoiser le loup en lui, ce qui donne lieu à quelques scènes assez cocasses et des drames suffisant pour tirer son mouchoir. Sans casser le rythme de l'histoire en elle-même, McCammon donne une dimension supplémentaire à son roman avec les interrogations existentielles de son héros: qu'est-ce qu'un homme loup aux yeux de Dieu, plus qu'un animal, moins qu'un homme, mieux que les deux? Michael Gallatin cherche désespérement une réponse à cette question.

    J'avoue, j'ai eu du mal à quitter le beau Michael quand il fallait aller travailler! C'est un excellent divertissement, plein de combats sanglants dans des trains (ça vous rappelle quelque chose?), de méchants atrocement méchants, de courageux résistants, de belles espionnes, de galipettes torrides, de tunnels humides et de ciels brumeux. On voyage d'un bout à l'autre de l'Europe sans coup férir!

     Le tout fait un sacré feuilleton difficile à lach, er. Je n'y ai pas vu beaucoup d'horreur, mais de l'action, de l'amour, de la sexytude, bref, tous les meilleurs ingrédients pour passer un bon moment!

    Stegg n'est pas convaincu, Fildefer a aimé, tout comme Dehlya, tout comme Impromptu.

     

    Robert McCammon, L'heure du loup, Milady, 3.5/5