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Côté soleil levant - Page 3

  • Mer nourricière

     

     

    On raconte qu’autrefois, un pacte fut scellé entre les pêcheurs d’Amidé et une ondine. En échange d’une pêche abondante et d’une mer clémente, les pêcheurs gardent pendant soixante ans un mystérieux œuf et rendent un culte à la mer. Le contrat fut respecté par les prêtres shintô, jusqu’au jour où la légende attira prospecteurs immobiliers et investisseurs et où le prêtre céda à l’envie de donner un nouvel essor à sa ville. Quitte à la mener à sa perte.

     

    C’est un manga qui dans sa forme et son fond rappelle un peu les œuvres de Taniguchi. On ne se sent donc guère dépaysé. Le dessin est vraiment très agréable. On retrouve un trait accessible pour des lecteurs occidentaux qui ne sont pas habitués au manga, fluide et clair.

    Il est question du pacte passé entre les forces de la nature et les hommes en des temps où le magique et le merveilleux n’étaient pas remis en question. Il est question de ce qui se passe quand l’homme décide de ne plus respecter le monde qui l’entoure et se laisse mener par l’appât du gain. Il est question de ce qui arrive quand l’homme oublie qu’il partie prenante d’une création dont il ne connaît pas tous les aspects. Il est question de l’opposition entre tradition et modernité.

    C’est une course contre la montre qui démarre pour sauver la ville, mais aussi la foi en la nature et en sa force.

    C’est un manga prenant, intéressant et  aux personnages attachants. Il donne la possibilité de découvrir le shintoïsme et un certain nombre d’aspects de la vie au Japon. Seul bémol, l’aspect parfois un brin manichéen de l’affaire qui s’atténue sur une fin qui fini un peu trop bien (si vous voyez ce que je veux dire), le fait que les rebondissements sont souvent attendus et l’aspect merveilleux de l’ensemble qui peut rebuter les lecteurs qui ne seraient pas amateurs du genre. Pour les autres… Et bien il n’y a aucune raison de bouder son plaisir. Cela reste un seinen de très bonne tenue !

     

    Pour la petite histoire, Satoshi Kon est surtout connu pour ses films d’animation, dont l’excellent Tokyo Godfathers et Perfect blue.

     

    Satoshi Kon, Kaikisen, retour vers la mer, Casterman, coll. Sakka, 2004, 255 p.

  • Vague à l'âme

     

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    Ce recueil réunit quatre nouvelles de la mangaka Mari Okazaki dont j’avais entendu parler à plusieurs reprises. C’est donc presque naturellement (hum) que mise en présence du-dit recueil, ma main s’est tendue et emparée de l’objet de ma convoitise !
     
    Quatre nouvelles donc qui tournent toutes autour d’histoires d’amour plus ou moins heureuses, vues du regard féminin.
    Dans la première, Les vacances de l’été 1996, quatre femmes se retrouvent dans une maison autour du souvenir d’un jeune homme dont on ne sait pas s’il est vivant ou mort. L’occasion d’évoquer des modes de relations, des modes de vie féminins très différents.
    Dans la seconde, Conte allégorique de la salle de bain, un jeune homme qui vient de rompre est transformé en pingouin et hébergé par son ancienne petite amie dans une baignoire.
    La troisième, Conte de fée estival voit l’intervention d’une fée dans la vie d’un couple au bord de la rupture.
    Pierrot ou le tonnerre d’applaudissements tourne autour d’une prise d’otage et d’un suicide amoureux.
     
    A chaque fois très oniriques, ces nouvelles ont pour base l’inconscient féminin, les désirs rentrés, les attentes et les douleurs des jeunes filles et des femmes japonaises. Avec délicatesse, avec finesse, des thèmes difficiles sont abordés : mort de l’être aimé, entrée dans l’âge adulte, rejet amoureux, sexualité, liberté, etc.
    Les personnages, perdus, trouvent à travers des rencontres, la force de grandir, d’évoluer. Elles apprennent à dépasser leur solitude, à exister à travers le regard des autres, et c’est doux. Chargé de souffrance, mais doux.
    Le dessin, facile d’accès comparé à d’autres mangas est malheureusement accompagné de textes qui partent un peu dans tous les sens, rendant difficile de suivre le fil des pensées et des actions. Cela n’enlève toutefois rien au plaisir de repartir à la découverte des josei, ces mangas destinés aux femmes.

    Mari Okazaki, Vague à l’âme, Delcourt, 2006, 224 p.
  • Bleu Indigo

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    Et un shôjo, un !
    Kaoru est un étudiant désargenté en rupture de ban avec sa famille. Or, voilà que débarque un soir chez lui la ravissante Aoi qui lui annonce qu’ils sont fiancés depuis l’enfance et qui a la ferme intention de l’épouser.
    Commence dès lors une histoire d’amour et d’amitié à rebondissement.
     
    Si Bleu Indigo est une série qui ne casse pas des briques elle a quand même quelques atouts. Nul doute que des adolescentes ou préadolescentes y trouveront leur compte d’histoire d’amours contrariés, d’humour, d’amitié et autres. Pour les plus grands, il reste cela (oui, oui, midinette un jour…) et des éléments de réflexion intéressants sur l’image de la femme au Japon.
    Nous retrouvons le fantasme de la lycéenne avec des jeunes filles dénudées, des seins imposants et des postures parfois équivoques. C’est désarçonnant, voire un peu choquant. Mais on s’y fait, d’autant que le tout reste plutôt innocent et que la découverte de l’amour, de la sensualité et de la sexualité est rendue avec une certaine finesse. Puis nous avons des héroïnes qui sans doute recouvrent tous les types de femme : la femme traditionnelle et traditionaliste au foyer en la personne d’Aoi, la femme d’affaire, la femme libérée, l’étrangère. J’étais un peu agacée au départ par le fait qu’il me semblait que c’était l’image de la femme traditionnelle et soumise qui était privilégiée. Aoi est la femme parfaite : toute sa vie elle s’est préparée au mariage et au service de son mari. Et les réactions d’envie ou d’admiration autour d’elle montrent bien que cet idéal est toujours prégnant. Mais au fil des volumes, les personnages gagnent en profondeur, en complexité et une réflexion s’initie sur les choix de vie de chacune et la tolérance.
    Bien sûr, avant d’en arriver là, il faut supporter quelques litres de larmes, un certain nombre de déclarations d’amour enflammées, des atermoiements presque sans fin et une relation cachée qui permet aux concurrentes directes d’Aoi de draguer impunément un héros qui n’est pas très dégourdi sur le plan sentimental !
    En plus de cela, la série dégage une espèce de bonne humour et de chaleur assez agréable.
    Je me suis laissée prendre, mais il faut quand même que je vous l’avoue : c’est… sans grand intérêt ! Un bon passe-temps pour les amateurs du genre !
     
     
    Kou Fumizuki, Bleu indigo, Pika, 17 tomes, série terminée.

  • Voyage à Uroshima


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    Et bien voilà, j’ai lu mon premier hentai (manga pour plus de 18 ans dirons nous pudiquement) tout à fait par hasard ! Vous ouvrez un volume au hasard puisqu’il n’y a pas de quatrième de couverture et que la couverture justement n’est guère explicite et voilà ! Bien que, je m’interroge encore sur la classification !
     
    Un quinquagénaire en voyage fait un rêve érotique mettant en scène une lycéenne voyageant dans le même wagon que lui. Lorsque celle-ci descend du train, elle oublie son portefeuille. Il s’empresse de descendre derrière elle pour lui rendre et se retrouve coincé dans la petite gare d’Uroshima. Un endroit, où, il s’en aperçoit bien vite, faire l’amour au vu et au sus de tout le monde et avec la première personne rencontrée est aussi naturel que de dire bonjour.
    Après avoir fuit, il revient, obsédé par le visage de la jeune femme. Pendant son séjour, il va devenir rien de moins qu’un dieu du sexe (monsieur toujours-prêt) pour les autochtones et réaliser ses fantasmes. Mais quand on ouvre la boîte de Pandore, il faut accepter d’en payer le prix.
     
    Voilà pour le scénario. Il est tiré d’une légende japonaise, l’histoire d’un pêcheur qui sauve une tortue des mer du bande de gamins et qui est invité en remerciement dans un palais sous-marin où il épouse une princesse et coule des jours heureux. Le voilà pourtant un beau jour atteint par le mal du pays. Sa princesse le laisse aller en lui confiant un coffre qu’il ne doit à aucun prix ouvrir. Arrivé dans son village, le pêcheur s’aperçoit que trois cent années ont passé. Désespéré, il s’assoit sur le sable et ouvre le coffre d’où s’échappe son grand âge. Il meurt là.
    On y retrouve, vous l’aurez remarqué, un certain nombre de figures connues dans d’autres traditions : celle de la suspension du temps dans le pays des fées, celle de la boîte de Pandore, etc. Ceci étant dit, il ne s’agit pas de faire de la littérature comparée, mais de souligner que je n’ai pas franchement compris le rapport entre cette légende et le manga censé en être tiré ! Si ce n’est que le héros de cette histoire, à courir après le rêve que représente cette lycéenne se retrouve perdu dans une chimère cauchemardesque. A ne pas avoir su retenir ses désirs et sa curiosité, il se perd. Et à tout quitter pour courir après le bonheur, il le perd.
    Curieusement, ce manque de rapport ne porte pas préjudice à l’œuvre. Pas plus que la crudité des planches ! Tout le monde s’envoie tout le temps en l’air avec tout le monde, mais avec un burlesque et un naturel qui éloignent toute vulgarité. Aucune vision abaissante de la femme, ou de la sexualité. Le sexe est à Uroshima un aspect comme un autre des relations sociales et les femmes sont tout aussi « demandeuses » que les hommes ! Une bien étrange égalité ! Notre (anti)héros, tour à tour perdu, satisfait de lui-même, fébrile, et fou d’amour, a un air à côté de la plaque réjouissant. Quand aux dialogues… Mon Dieu !
    Je n’irais sans doute pas rouvrir ce manga, mais j’en garderai un souvenir hilare. Une curiosité à ne pas manquer.
     

    Yôji Fukuyama, Voyage à Uroshima, Sakka Casterman, 2006, 192 p.
  • Le cercle du suicide

     

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    Par une belle journée de l’année 2001, 54 adolescentes japonaises se jettent sous un train dans la gare de Shinjuku. Une seule, Saya, survit. Sous les yeux inquiets de son amie d’enfance Kyoko se constitue bientôt autour d’elle un groupe de jeunes filles qui la vénèrent. Car ce à quoi Saya a survécu n’était pas moins que le suicide collectif orchestré par Mitsuko, la fondatrice du cercle du suicide, elle-même rescapée d’un suicide collectif… Et elle prend à son tour le nom de Mitsuko…
     
    Le cercle du suicide est un seinen glaçant ! Un thriller dont les rebondissements sont parfois un peu attendus amis qui se démarque par les thèmes qu’il traite. Automutilation, suicides collectifs, pression scolaire et familiale, phénomène de la prostitution adolescente, etc. Saya est une jeune collégienne perturbée : solitaire par la force des choses, encline à l’automutilation, elle se prostitue. A 16 ans, elle a déjà connu deux avortements. C’est donc une réalité sociale bien noire qui est décrite. Son cheminement est d’autant plus frappant qu’il est décrit par son amie d’enfance, paniquée par la dérive de Saya mais incapable de lui venir en aide. Car Saya lui a échappé, allant vers ceux qui étaient capable d’entendre et de comprendre sa souffrance.
    Quand à l’auteur, il se garde bien de porter le moindre jugement sur cet univers adolescent. Il se contente de décrire, introduisant en sus une pointe de fantastique et de suspense. Mitsuko est comme un virus qui s’installe dans le corps et l’esprit de celle qui survit, perpétuant le massacre. Et on ne sait pas où et quand ce virus va s’arrêter.
     
     Une réussite dans le genre.
     
    Un autre avis sur Glop!

    Usumaru Furuya, Le cercle des suicides, Sakka, 2005, 176 p.