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  • L'histoire de l'amour

     

    Alma 15 ans qui essaie de sauver sa mère d’un deuil sans fin tout en essayant de composer avec la mort de ce père tant aimé, Léopold le vieil homme qui écrit à ce fils qui ne l’a jamais connu, Bird l’enfant qui se prend pour un Juste, Litvinoff l’écrivain exilé, Bruno l’ami fidèle et les autres. Des enfants, des adolescents, des adultes dans la force de l’âge ou vieillissant qui se croisent, chacun luttant contre ou avec la solitude qui les accompagne, les pertes. Tous unis par un roman L’histoire de l’amour, si peu connu mais qui a changé leurs vies.

     

    Après les notes de lecture enthousiasmées d’Emeraude et de Fashion, pouvais-je seulement résister aux sirènes qui m’appelaient vers L’histoire de l’amour ? Je suis certaine que vous m’absoudrez va ! Vous savez trop bien combien il est difficile de ne pas céder à la tentation !

    D’autant que l’enthousiasme des deux tentatrices n’était que trop justifié.

     

    L’histoire de l’amour est un roman profond, à la fois infiniment désespéré et éclairé par l’espoir et une force de vie intense. C’est aussi un roman sur l’écriture et la force de la littérature. La littérature qui exprime si bien ce que nous sommes incapables de dire et de transmettre : amour, haine, regrets, désespoir. La littérature qui est un moyen de se retrouver, de faire comprendre à ceux qui le peuvent ou le veulent ce qui est et aurait du être. Tous les personnages à leur échelle sont bouleversants. Alma qui essaie de faire face à cette mère perdue dans son deuil et à ce frère qui frôle la folie, qui tente de déchiffrer le message contenu dans ce roman que son père décédé aimait tant qu’il l’avait offert à sa femme et avait prénommé sa première née d’après son héroïne. Léopold surtout, ce vieil exilé qui a tout perdu, amour, enfant, espoir d’une vie « normale » et qui fait tout ce qu’il peut pour ne pas mourir un jour où personne ne l’aurait remarqué, allant jusqu’à poser nu pour être vu.

    Ce n’est pas un roman facile : on se perd un peu, on s’interroge sur l’endroit où nous amène l’auteur en nous égarant dans les plis et replis d’une histoire d’autant plus complexe qu’elle se déroule entre Pologne, Chili, Israël et Etats-Unis. Mais finalement, comme le dit Emeraude, nous ne sommes pas plus perdus que ces personnages qui tentent de trouver tout simplement l’amour et qui se perdent dans les méandres de vies qui ne sont jamais celles qui étaient rêvées. Pour finalement retrouver le sens des choses quand les voix des personnages se rejoignent enfin et que les fils de l’intrigue se nouent.

    Amour, fidélité, souvenir, oubli sont au centre du roman. Les personnages de Nicole Krauss doivent finalement tous composer avec la Shoah, le souvenir douloureux, l’impossible oubli. Quoi qu’ils cherchent, c’est ce qu’il s’est passé pour eux, individus à partir de cette période qui a été le point de départ.

    La musique de ces voix résonne longtemps après que la dernière page de ce roman dense, intelligent, infiniment nostalgique et fort ait été tournée.

     

     

    L'avis de Papillon et celui de Clarabel.


    Nicole Krauss, L’histoire de l’amour, Folio, 2008, 459 p.

     

  • Il faut sauver Saïd

     

    Saïd aime les mots, le français, son dictionnaire et être bon élève. En tout cas, il aimait avant le collège Camille Claudel et ses 1200 élèves, le bruit, le racket, le mépris et la haine de ceux qui veulent détruire tout ce qui est beau et bon. Ce n’est pas qu’il ne veut pas s’en sortir Saïd, mais comment lutter quand on a 11 ans, une famille déchirée par la délinquance et la religion. A quoi s’accrocher ? Un tableau vu pendant une visite scolaire au musée d’Orsay ? L’amitié de son copain Antoine ? Le professeur d’histoire-géographie qui ressemble à l’acteur de Mission : impossible ?

     

    Mois après mois, Saïd raconte dans son cahier sa vie d’enfant des cités. Une vie qui a radicalement changé depuis qu’il est entré en sixième et qu’il a quitté le petit monde douillet de l’école primaire pour la jungle d’un collège sans âme. Smadja ne caricature pas. Au contraire, avec des mots simples, elle donne à voir à ses jeunes lecteurs et aux adultes qui auront la curiosité d’ouvrir son roman un quotidien qui fait froid dans le dos mais qui n’est pas exempt d’espoir et de petits bonheurs. Avec intelligence, elle aborde des thèmes graves : l’extrémisme religieux auquel se livrent des adolescents perdus, le chômage, l’échec scolaire, l’avenir fermé malgré l’énergie et la volonté des parents, des enseignants. Alors bien sûr on peut reprocher un brin de caricature, un trop plein de tendresse et une fin peut-être trop idyllique, mais on ne peut que d’attacher à ce gamin. Saïd tente de garder la tête haute, de protéger son tout petit frère, sa sœur, la belle et grande Samira qui a décidé de vivre en femme libre ; Tout en sachant qu’il n’est pas meilleur que les autres, qu’il peut céder au chantage, renoncer à intervenir pour se protéger. Qu’il a besoin de l’aide et de la protection des adultes alors qu’il est contraint de quitter le monde de l’enfance de la manière la plus violente qui soit.

    Le tout est ponctué des définitions de ces mots qu’aime tant Saïd : invectives, rictus, abdiquer, tintamarre, admonestation, apogée, dignité, méditer, mépriser, etc.

     

    Un beau roman sur la vie et le destin.

     

    « Devant moi, les lignes forment des lignes comme les mailles d’un filet dont on ne peut pas s’échapper. »

    Brigitte Smadja – Il faut sauver Saïd, Neuf de l’Ecole des loisirs, 2003, 92 p.

  • Mémoria

    Memoria

     

    C’est un tueur sans nom et sans visage qui travaille qui vend ses talents aux grandes compagnies qui se partagent l’univers. Personne ne sait qui il est, pas même lui. C’est à ce prix qu’est cette immortalité que lui procure l’artefact extra-terrestre unique qui lui permet de passer de corps en corps. Mais des crises de souvenir le terrassent de plus en plus souvent, au point de mettre ses missions en danger et de faire remonter à sa conscience une terreur profonde et secrète.

     

     

    Laurent Genefort après presque quarante romans publiés et des prix prestigieux est considéré comme une des figures de proue de la science-fiction française actuelle. Avec Mémoria, il revient à la science-fiction. J’avoue d’entrée que si sa réputation n’est sans doute pas usurpée, je n’ai pas été entièrement convaincue par ce roman malgré ses qualités indéniables.

    Tout d’abord, il est extrêmement bien construit: trois parties le composent et reposent sur les missions successives du personnage principal. Elles permettent au lecteur de s’installer confortablement dans sa lecture, de faire connaissance avec le héros et le monde qui l’entoure. Le fait que le récit se déroule dans un univers que l’auteur développe depuis plusieurs années n’est en rien un handicap : il amène très bien les choses et un lexique à la fin de l’ouvrage permet de s’y retrouver dans le pire des cas.

    Petit à petit, Laurent Genefort instille le suspense, les questions. Qui est-il ? D’où lui vient cette mystérieuse machine qui fait de lui cet être sans mémoire ? Quelle est cette peur qui le ronge ? Pourquoi avoir choisit cette vie ?  Et avec ces questionnements, on entre dans une réflexion intéressante sur ce qu’est l’esprit humain, ce qu’est l’humain. Le héros, passant de corps en corps n’est finalement qu’un esprit parasite. Et encore, il est une entité pensante. Il n’est pas humain dans le sens où il n’a pas de mémoire qui lui soit propre. Or, qui est-on quand la mémoire ne permet plus de savoir d’où l’on vient et qui l’on est ? L’immortalité a-t-elle un sens si elle ne permet plus d’exister qu’à travers des vides et des manques ?

    Malheureusement,

    Mais malheureusement, il n’y a guère de surprise dans un dénouement qui est amené un peu trop rapidement à mon goût et qui pêche par une certaine confusion. Et surtout, ce personnage de tueur immortel et son artefact extra-terrestre auraient mérité un traitement plus fouillé. Mémoria reste une lecture fort agréable et prenante malgré tout ! Je lirai d’autres romans de Genefort pour me faire une idée plus complète de son œuvre !

    Laurent Genefort, Mémoria, Le Bélial, 2008, 289 p.

  • Les encombrants

     

    Sept nouvelles pour dire la vieillesse qui s’en vient, qui s’en va. Pour dire la douleur, l’amertume, l’amour, le deuil, la maladie. Sept nouvelles et autant de points de vue, de la soignante aux enfants.

     

    Pas grand-chose à dire de ce petit recueil de nouvelles. J’en attendais beaucoup, appréciant l’auteur, mais si quelques nouvelles sont effectivement touchantes, j’ai trouvé beaucoup de clichés dans ce recueil : la soignante amère et maltraitante, le politique qui exploite la nouvelle centenaire de la ville, la grand-mère abandonnée par sa famille… Des clichés mais aussi de la tendresse et quelques bonnes idées. Raconter l’histoire du point de vue d’une perruche par exemple, utiliser tous les points de vues possibles et imaginables Et ne pas hésiter à aborder un sujet qui reste tabou : celui de la vieillesse et de ces « vieux » que l’on abandonne ou délaisse, faute de mieux ou faute de les aimer assez. Des encombrants auxquels Marie-Sabine Roger donne une certaine épaisseur sans les idéaliser.

     

     

     Marie-Sabine Roger, Les encombrants, Ed. Thierry Magnier, 2007, 86 p.

     

     

  • Sans parler du chien... Et du chat... Et de la potiche...

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    Un chat victorien, des essuie-plumes, une potiche, un canot, un professeur amphibie, quelques poissons de collections, des esprits, des bombes incendiaires, tels sont les moyens qu’emploie le continuum pour tenter de redresser la mystérieuse anomalie qui pourrait bien provoquer la fin de l’humanité. Mais est-ce bien la faute de miss Kindle qui a ramené au 21e siècle un chat victorien ? L’intervention de Ned Henry, passablement déphasé par ses sauts en série dans le passé va-t-elle réellement permettre de trouver une solution au problème ? Sans parler du chien… Et de l’obsession de lady Schrapnell pour la cathédrale de Coventry et l’introuvable potiche de l’évêque !

     

    Et bien, voilà un roman qui vaut son pesant de cacahuètes et qui a bien mérité les nombreux prix qui l’ont récompensé ! Connie Willis utilise avec brio le voyage dans le temps pour construire une intrigue foisonnante et drolatique. Rendant un hommage avoué à la littérature anglaise, elle s’amuse à utiliser tous les clichés littéraires et historiques possibles et imaginables pour perdre aussi bien ses personnages que ses lecteurs ! Imaginez donc un instant un voyageur dans le temps complètement épuisé, rendu lyrique par le déphasage induit par les sauts, et perdu dans une Angleterre victorienne dont il ne connaît pas le début des conventions. Continuez avec une historienne trempée et fermement décidée à protéger un chat mangeur de poissons de collection ! L’un adore Trois hommes dans un bateau, l’autre se passionne pour les romans policiers des années 30. Ajoutez encore un professeur d’Oxford excentrique noyé par un collègue suite à une dispute sur les forces qui dirigent l’histoire. Un chien qui grimpe aux arbres. Un majordome lecteur. Une jeune fille totalement écervelée. Une matrone fascinée par le spiritisme. Un chien prénommé Cyril. Secouez bien le tout, soupoudrez de quelques personnages secondaires tout aussi farfelus et vous obtiendrez Sans parler du chien ! Ou comment un minuscule détail peut définitivement faire basculer l’histoire de l’humanité. Vous vous demandiez pourquoi Waterloo ? Et bien vous obtiendrez moult réponses ! Pourquoi la cathédrale de Coventry dû brûler ? Là encore, vous aurez la solution !

    Maîtrisé de bout en bout, ce roman est un petit bijou d’humour anglais jouant sur le décalage entre des voyageurs dans le temps complètement dépassés par les événements et une bonne société victorienne embourbée dans les kermesses, les sels et les séances de spiritisme !.

     

    L'avis de Fashion que je remercie pour le prêt!  

    Connie Willis, Sans parler du chien, J’ai Lu, 2003, 573 p.