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Littérature jeunesse - Page 2

  • Les soeurs Eden et le maître des loups - Lyn Gardner

    Il était une fois trois soeurs vivant dans une maison pleine de courants d'air et de poussière. La première, Aurore, était aussi belle que bonne ménagère, la seconde, Alice, aussi aventurière que la première prudente, la troisième, Nico, son don n'était pas des moindres. Mais quand les hurlements des loups se font entendre au loin et que le danger se rapproche avec la silhouette de l'Eterminateur, que peuvent-elles faire? Et qu'est-ce que cette vieille flûte confiée par leur mère à Alice sur son lit de mort peut-elle bien avoir de particulier pour que l'Eterminateur veuille la faire sienne?

    Les âmes chagrines diraient que Lyn Gardner s'est gentiment contentée de mélanger quelques contes de fée au aventures un brin convenue de trois têtes blondes. Elles ont tort. Les soeurs Eden et le maîtres des loups est un petit bijou réjouissant et brillant qui transporte dans le monde étrange, merveilleux et terrifiant des contes de fée. Un peu comme John Connolly avec Le livre des choses perdues, Lyn Gardner se promène dans les contes, connus ou moins connus et les utilise pour créer son propre univers et raconter une histoire aux personnages attachants et aux rebondissements incessants. Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit! Là où John Connolly écrit un conte propre à terrifier petits et grands, dense et intense, Lyn Gardner offre une histoire drôle, haletante et cache sous les aventures de ses trois héroïnes une sacrée finesse psychologique!

    Evidemment, les rôles des trois soeurs sont clairement définis, mais par petites touches, elles se révèlent plus complexes que ce à quoi on pouvait s'attendre. Alice n'est pas seulement la plus courageuse des trois, elle est aussi celle qui doute le plus et qui a tellement, tellement peur d'être abandonnée. Aurore sous ses dehors de jeune fille sage et de ménagère coriace cache aussi des surprise et un sens pratique étonnant. Quand à Nico, elle est bien plus que ce que le bébé qu'elle paraît être. Et il en va de même pour les personnages secondaires: la Mère Crochue par exemple, et C'est la grande leçon de ce joli conte de pas-si-fée:  les gens ne sont jamais ce que nous croyons qu'il sont, et il faut être bien idiot pour le juger sur les apparences! Car ils révèlent bien souvent des profondeurs et des capacités cachées, en bien ou en mal!

    Là est la grande leçon reçue par Alice, personnage principal de toutes ces aventures: au cours d'un long voyage initiatique, elle va apprendre la complexité du monde et passer ainsi de l'enfance à un autre statut. Pas encore celui d'adulte, mais celui d'une personne consciente du monde qui l'entoure, de ses dangers et de ses beautés. Consciente, aussi, et surtout, de qui elle est, de ses forces et de ses limites.  En faisant grandir son héroïne, Lyn Gardner aborde des thèmes connus dans les contes de fée mais toujours d'une manière légèrement différente: l'abandon des parents n'est plus celui du Petit Poucet par exemple, mais celui de parents incapables de dépasser leur égoïsme et leur amour, le maître des loups est assoiffé de pouvoir mais non sans raisons qui expliquent son comportement et le mal qu'il fait autour de lui... Sans avoir l'air d'y toucher, Lyn Gardner parle de l'amour fraternel, de la place que chacun occupe dans une fratrie et des conséquences que cela peut avoir, elle parle de maternité et de paternité. Elle aborde en filigrane les thèmes graves de la dictature et de la quête de pouvoir sans oublier de rappeler au passage que les méchants le sont rarement sans raison. C'est extrêmement riche. Mais tout en restant drôle et débordant de tendresse et de chaleur, et d'un amour des contes de fée qui jamais ne se transforme en plagiat. J'ai adoré croiser au détour des chapitres des personnages et des décors bien connu. J'ai adoré deviner qui était qui et à quel conte Lyn Gardner pouvait bien faire référence: de Rapunzel au Petit Poucet en passant par Le joueur de flûte, Hansel et Gretel, La belle au bois dormant, La reine des neiges, on en rencontre de ces merveilleux contes. J'en suis sortie avec l'envie de me replonger dans ces histoires qui m'ont fait frémir!

    Il semblerait que l'auteur travaille à un deuxième tome: s'il est aussi bien troussé et aussi joliment illustré, ce sera un cadeau de moi à moi que je me ferai avec jubilation avant de plonger aussi vite que possible dans le petit monde d'Alice, Aurore et Nico!

     

     L'avis de Loula, de Lael, Emmyne, ...

    Gardner, Lyn, Les soeurs Eden et le maître des loups,  Tourbillon, 2009, 5/5

  • Le château de Hurle

    Lorsque Sophie, l'ainée de trois soeurs, croise le chemin de la Sorcière du désert, c'est pour elle le début d'une aventure qui va l'amener à investir le château du terrifiant magicien Hurle, à terroriser quelques araignées, apprivoiser un démon du feu, le tout, pour le meilleur et pour le pire.

    C'est un article sur les femmes en fantasy publié sur le site Elbakin qui m'a fait me souvenir que le superbe desin animé de Miyazaki, Le château ambulant est une adaptation de ce classique de la littérature de jeunesse anglo-saxonnes. C'est peu de dire qu'aussitôt pensé, aussitôt fait, je me suis procuré l'objet de ma convoitise!

    Les aventures rocambolesques de Sophie sont rondement menées, haletantes parfois, portées par des personnages plus ambivalents qu'il n'y paraît au premier abord. Ils ne sont pas méchants, ou gentils, mais un peu perdus, un peu lâches, un peu courageux, un peu soupes au lait. Il y a bien sûr la méchante sorcière qui provoque tous les rebondissements, mais même elle finalement, est surtout une victime. Diane Wyne Jones amène petit à petit à regarder au delà des apparences: c'est ce que symbolise le personnage de Sophie, transformée en vieille femme par vengeance. Cette transformation va l'obliger à mieux regarder autour d'elle et en elle, à se méfier de ce que disent les convenances et les traditions.

    Diane Wyne Jones parvient à emprisonner gentiment son lecteur dans son château qui ressemble à une cheminée et qui court dans les collines, poursuivi par un épouvantail enchanté, porte ouverte sur des univers parallèles. On voit avec plaisir les héros sauter d'un port de pêche à une capitale en passant par un jardin enchanté, le pays de Galles,... enfiler des bottes de sept lieux, papoter avec un crâne qui claque des dents.

    L'avis de Lilly, celui d'ActuSF.

     Et pour la route, un extrait de ce merveilleux dessin-animé, tellement magique que ça en devient indécent.

  • Il faut sauver Saïd

     

    Saïd aime les mots, le français, son dictionnaire et être bon élève. En tout cas, il aimait avant le collège Camille Claudel et ses 1200 élèves, le bruit, le racket, le mépris et la haine de ceux qui veulent détruire tout ce qui est beau et bon. Ce n’est pas qu’il ne veut pas s’en sortir Saïd, mais comment lutter quand on a 11 ans, une famille déchirée par la délinquance et la religion. A quoi s’accrocher ? Un tableau vu pendant une visite scolaire au musée d’Orsay ? L’amitié de son copain Antoine ? Le professeur d’histoire-géographie qui ressemble à l’acteur de Mission : impossible ?

     

    Mois après mois, Saïd raconte dans son cahier sa vie d’enfant des cités. Une vie qui a radicalement changé depuis qu’il est entré en sixième et qu’il a quitté le petit monde douillet de l’école primaire pour la jungle d’un collège sans âme. Smadja ne caricature pas. Au contraire, avec des mots simples, elle donne à voir à ses jeunes lecteurs et aux adultes qui auront la curiosité d’ouvrir son roman un quotidien qui fait froid dans le dos mais qui n’est pas exempt d’espoir et de petits bonheurs. Avec intelligence, elle aborde des thèmes graves : l’extrémisme religieux auquel se livrent des adolescents perdus, le chômage, l’échec scolaire, l’avenir fermé malgré l’énergie et la volonté des parents, des enseignants. Alors bien sûr on peut reprocher un brin de caricature, un trop plein de tendresse et une fin peut-être trop idyllique, mais on ne peut que d’attacher à ce gamin. Saïd tente de garder la tête haute, de protéger son tout petit frère, sa sœur, la belle et grande Samira qui a décidé de vivre en femme libre ; Tout en sachant qu’il n’est pas meilleur que les autres, qu’il peut céder au chantage, renoncer à intervenir pour se protéger. Qu’il a besoin de l’aide et de la protection des adultes alors qu’il est contraint de quitter le monde de l’enfance de la manière la plus violente qui soit.

    Le tout est ponctué des définitions de ces mots qu’aime tant Saïd : invectives, rictus, abdiquer, tintamarre, admonestation, apogée, dignité, méditer, mépriser, etc.

     

    Un beau roman sur la vie et le destin.

     

    « Devant moi, les lignes forment des lignes comme les mailles d’un filet dont on ne peut pas s’échapper. »

    Brigitte Smadja – Il faut sauver Saïd, Neuf de l’Ecole des loisirs, 2003, 92 p.

  • A vos dictionnaires!!!


     

    Vladimir a  voulu fêter à sa manière la naissance du tout petit riquiqui duc Ivan avec un poème ! Un poème plein de V et rimes en vlan ! Un poème que le grand-duc n’a pas du tout, mais alors pas du tout apprécié ! Résultat : tous les mots en v sont purement et simplement interdits et la police spéciale de Répression du V créée !

    Seulement, avec la lettre 22 en moins, est-il encore possible de parler ? Et de penser ? Et de sentir ?

     

    Voilà un roman pour les plus jeunes fort agréable ! Je connaissais Marie-Aude Murail par ses œuvres pour adolescents, mais je découvre là qu’elle est tout aussi douée pour les autres ! Ce dont il est question ave finesse sous la forme d’un conte drolatique n’est rien moins que le pouvoir des mots, de la poésie et des chansons !

    Une lettre vous manque et tout est dépeuplé ! Rien de plus vrai ! Car le vent, ce n’est pas le zéphyr ou la brise ! » Je vous adore », ce n’est pas la même chose que « Je vous aime » ! Les mots ont leur importance ! C’est ce dont tout le monde va très vite se rendre compte ! Mais impossible de résister quand la police veille au grain ! Qui aurait envie de perdre sa langue, voire sa tête pour avoir laisser échapper ce petit son si anodin ! Même le grand-duc va se rendre compte de sa bêtise, et du fait qu’avoir le pouvoir absolu n’empêche pas de faire des erreurs, bien au contraire !

    Heureusement que les enfants sont moins idiots, et bien plus courageux que les adultes !

    Une jolie histoire qui laisse avec le sourire !

    Marie-Aude Murail, 22 !, Mouche de l’Ecole des loisirs, 2008, 51 p.

  • Toujours plus loin vers l'ouest

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    Yann a dix ans et six frères. Trois paires de jumeaux qui se suivent et ne se ressemblent pas. Trois paires de jumeaux solides quand lui n’est pas plus haut que deux pommes. Pourtant c’est lui, qui par une nuit pluvieuse, va entraîner ses frères sur le chemin de l’Océan.
     
    Mourlevat offre avec ce roman une jolie relecture de petit Poucet. Car c’est ce qu’est Yann : un petit Poucet, malin, débrouillard et mignon comme tout. Et s’il s’enfuit avec sa fratrie, c’est pour des raisons bien voisines.
    Cette fuite vers l’ouest, le lecteur va la vivre par les récits des frères, par ceux des adultes qui ont croisé leur route, plus ou moins brièvement. On découvre ainsi les difficultés du chemin, les petits larcins pour manger et se réchauffer, les courses folles pour échapper aux menaces. Un routier, une boulangère, une vieille dame, une jeune étudiante, un gendarme… Autant des personnes, autant de regards différents sur ces enfants : délinquants, enfants maltraités, survivants… Car finalement, cette histoire de petit Poucet, ce n’est pas tout à fait celle d’enfants fuyant des parents qui veulent les assassiner. C’est celle d’enfants dans une France rurale et profonde où l’amour ne s’exprime guère même s’il existe. C’est celle d’un enfant trop différent dans un monde où ce qui ne répond pas à la norme ne peut être que craint et ma aimé. C’est celle d’un enfant prêt à tout trahir pour réaliser ses rêves d’évasion.
    Les rebondissements foisonnent et l’humour ne manque pas sur un sujet pourtant grave.
     
    On se laisse emporter par la grande vague de cette fuite. Par le sourire et le mutisme de ce petit bout d’homme décidé et qui tient ferme face à la vie. Ce qu’on trouve au bout du chemin ? Et bien… un certain paquet d’amour… Et un brin d’espoir.



    Jean-Claude Mourlevat, L’enfant Océan, Pocket jeunesse, 2002, 151 p.