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mourlevat

  • Toujours plus loin vers l'ouest

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    Yann a dix ans et six frères. Trois paires de jumeaux qui se suivent et ne se ressemblent pas. Trois paires de jumeaux solides quand lui n’est pas plus haut que deux pommes. Pourtant c’est lui, qui par une nuit pluvieuse, va entraîner ses frères sur le chemin de l’Océan.
     
    Mourlevat offre avec ce roman une jolie relecture de petit Poucet. Car c’est ce qu’est Yann : un petit Poucet, malin, débrouillard et mignon comme tout. Et s’il s’enfuit avec sa fratrie, c’est pour des raisons bien voisines.
    Cette fuite vers l’ouest, le lecteur va la vivre par les récits des frères, par ceux des adultes qui ont croisé leur route, plus ou moins brièvement. On découvre ainsi les difficultés du chemin, les petits larcins pour manger et se réchauffer, les courses folles pour échapper aux menaces. Un routier, une boulangère, une vieille dame, une jeune étudiante, un gendarme… Autant des personnes, autant de regards différents sur ces enfants : délinquants, enfants maltraités, survivants… Car finalement, cette histoire de petit Poucet, ce n’est pas tout à fait celle d’enfants fuyant des parents qui veulent les assassiner. C’est celle d’enfants dans une France rurale et profonde où l’amour ne s’exprime guère même s’il existe. C’est celle d’un enfant trop différent dans un monde où ce qui ne répond pas à la norme ne peut être que craint et ma aimé. C’est celle d’un enfant prêt à tout trahir pour réaliser ses rêves d’évasion.
    Les rebondissements foisonnent et l’humour ne manque pas sur un sujet pourtant grave.
     
    On se laisse emporter par la grande vague de cette fuite. Par le sourire et le mutisme de ce petit bout d’homme décidé et qui tient ferme face à la vie. Ce qu’on trouve au bout du chemin ? Et bien… un certain paquet d’amour… Et un brin d’espoir.



    Jean-Claude Mourlevat, L’enfant Océan, Pocket jeunesse, 2002, 151 p.

  • Le combat d'hiver

     



    Quatre adolescents évadés de leur orphelinat prison reprennent le combat perdu 15 ans plus tôt par leurs parents contre la barbarie de la dictature. Milana à la voix d’ange, Bartoloméo le charismatique, Milos et Helen les courageux. Poursuivis par une phalange sûre de son impunité, ils vont devoir se battre pour leur vie, leur liberté et celle des autres. Un combat perdu d’avance ? Peut-être, mais un combat qu’il faut mener.
     
    Mourlevat offre avec Le combat d’hiver un excellent roman de politique fiction pour adolescents comme pour adultes. Dans le combat qu’ils découvrent et reprennent, les quatre adolescents dont Mourlevat a fait ses héros perdent leur naïveté, leur innocence, leur regard d’enfant sur le monde. Ils avaient 17 ans, vivaient des choses dures dans leur orphelinat, mais en en sortant, ils découvrent que conserver sa liberté signifie parfois se salir les mains, risquer de perdre son âme. Ils découvrent la complexité. Car si la phalange est parvenue au pouvoir, c’est que la population l’a voulu, et si elle s’est maintenue au pouvoir, c’est que personne n’a plus eu le courage de se dresser ouvertement contre elle. Ils découvrent que la différence entre la vie et la mort tient parfois aux concessions et aux compromissions que l’on est prêt à faire.
    Les thèmes abordés tout au long de ces pages sont traités de manière approfondie et sans céder à la facilité. Mourlevat n’hésite pas à décrire la peur, la panique, les interrogations morales. Il n’hésite pas à décrire le sang qui coule. Il allège le tout avec deux belles histoires d’amour sans pour autant sombrer dans le sentimentalisme. Car tout ne finit pas bien. Et c’est bien justement, car c’est ainsi que va la vie. Ce faisant, il met en valeur la courage la loyauté, l’amitié, l’amour, le désir de liberté et la force de combattre pour ses idéaux. J’ai aimé le rôle qu’il donne à l’art, à la musique. Par le chant, un peuple trouve le courage de se battre, par la musique vient la pensée et la révolte.
    Ce qui est extraordinaire c’est la résonance que l’auteur parvient à donner à son intrigue. En utilisant des références à l’Antiquité, des paysages typiques de l’Europe de l’Est, il amène à penser au passé européen. Les systèmes décrits, notamment politiques ne sont pas inconnus. C’est avec une petite touche semi-fantastique qu’il construit un univers bien particulier.
    De la grande littérature « jeunesse ».
     

     

    Jean-Claude Mourlevat, Le combat d’hiver, Gallimard Jeunesse, 2006, 330 p.
  • Chou blanc et blanc chou ne sont guère les mêmes

     




    En un temps où l'on n'avait pas encore inventé le confort moderne, il y avait tout de même les arcs-en-ciel, la confiture d'abricot avec des amandes dedans, les bains de minuit et aussi les chagrins d'amour et le rhum des foins. C'est dans cet autrefois que vit Tomek, dans un petit village dont il tient l'épicerie. Il y vend tout Tomek. Ses tiroirs regorgent de trésors. Mais il n'a pas d'eau de la rivière Qjar, la rivière qui coule à l'envers et dont l'eau, lorsqu'elle cesse de couler donne la vie éternelle. Cete eau que lui demande la jolie demoiselle de passage dont il tombe amoureux. Faute d'avoir pu la satisfaire et su la retenir, il va partir sur ses traces. Peut-être ne l'aurait-il ps fait s'il ne s'était tant ennuyé...

    Quelle différences entre une rivière qui coule à l'endroit et une rivière qui coule à l'envers? Ni plus ni moins celle qui sépare le joli quotidien de la magie! Avec la rivière à l'envers, Jean-Claude Mourlevat offre à ses lecteurs une petite merveille de roman. Beaucoup de poésie dans ces pages, et une utilisation des figures du merveilleux qui laisse un grand sourire aux lèvres. La forêt de l'oubli qui efface de la mémoire des vivants ceux qui pénètrent en son sein, la prairie aux fleurs tellement odorantes qu'elles rendent fous ceux qui la traverse, l'île inexistante puis existante, et finalement la rivière elle-même sont un cadre idéla aux aventures de Tomek. A chacune de ses étapes, il rencontre des hommes ou des femmes qui lui permettent de grandir, de s'affirmer et de comprendre le monde qui l'entoure. Il est question de la mort dans ce roman, mais aussi de l'amour, de l'amitié, du courage. 

    Avec la quête de l'eau de la rivière Qjar, Tomek quitte le domaine du rationnel. Il passe en quelque sorte de l'autre côté du miroir. Mais si ses aventures sont "réelles", elles ne sont que le prétexte à lui faire comprendre que le merveilleux et le bonheur sont aussi dans son village, dès lors qu'il sait ouvrir les yeux.

    Une belle découverte. Je vais lire avec plaisir d'autres de ses oeuvres.

    Jean-Claude Mourlevat, La rivière à l'envers, Pocket Junior, 2000, 190p.