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  • Rosa Candida - Audur Ava Olafsdottir

    rosa-candida.jpgArnljotur a 22 ans,un frère jumeau autiste, un vieux père octogénaire qui le verrait bien biogénéticien ou quelque chose comme ça, une petite fille accidentelle et une passion dévorante pour le jardinage qui l'amène dans un village perdu pour restaurer la roseraie mondialement renommée d'un monastère. Histoire de remettre en place ses idées un brin confuses sur le monde et la vie. Mais même au bout du monde, on n'est pas à l'abri de quelques rencontres...

    Un petit bijou, un moment de bonheur confortable comme un vieux canapé recouvert d'un plaid douillet, un banc à côté d'une fontaine un jour de beau temps, un fruit mûr qu'on déguste... J'en ai encore plein comme ça pour qualifier ce joli roman initiatique aux dehors simples et avenants et au contenu plein de poésie. Rosa Candida est emplit de ces petits moments qui rendent la vie plus belle et qui donnent envie d'avancer. Emplit d'humour et de confiance dans l'humanité. De questions qui ne trouvent pas forcément de réponses mais qui vous construisent petit à petit.

    A sa manière, malgré ses doutes et ses interrogations existentielles, ou peut-être un peu grâce à elles, Arnljotur rend le monde autour de lui plus beau, change les gens en se trouvant une place dans le monde: celle d'un jardinier, celle d'un père et d'un fils, d'un frère. On suit ses tribulations avec le sourire, ses questionnements avec un sentiment d'empathie qui donne envie de l'entourer de ses bras pour le réconforter. La vie, la mort, l'amour, la paternité, il se pose de sombres questions Arnljotur, se heurte aux aléas de la vie, mais cela ne l'empêche pas de répandre autour de lui de la lumière, de la confiance et l'odeur des roses qu'il s'applique à faire revivre. On voudrait parcourir avec lui les routes, la forêt, les rues de ce village qu'on devine inondé de lumière, on voudrait regarder un film chinois sans les sous-titres avec une petite liqueur de cerise et un abbé dont la réponse à toutes les questions se trouve dans les films qui tapissent les murs de sa chambre. On voudrait le même vieux père et ses expériences culinaires, et découvrir la rosa candida et ses huit pétales, et contempler avec une petite fille aux boucles blondes et aux quelques dents un enfant Jésus qui lui ressemble étrangement.

    C'est un roman gourmand, plein de vie, d'odeurs, de couleurs, et de cuisine! Il m'est venu au fil des pages l'envie de cuisiner des boulettes de viande et de poisson, de la soupe de cacao, une paëlla et du pot-au-feu, du pâté nappé de sauce aux champignons, l'envie de me promener dans un jardin.

    Pas besoin de grandes envolées et de profondes réflexions pour regarder la vie en face. Parfois, un roman débordant de douceur suffit. Rosa Candida est de ceux-là. En ce qui me concerne, comme Cathulu et Cuné, je suis séduite. Il rejoint tous ceux qui me font du bien et vers lesquels je retourne les jours de grisaille.

    Olafsdottir, Audur Ava, Rosa Candida, Zulma, 2010, 332p., 5/5

     

    "Les hommes passent leur vie à la recherche d'eux-mêmes. On n'arrive jamais à une conclusion définitive en ce domaine."

     

  • Un autre amour - Kate O'Riordan

    arton19016-4e85b.jpgConnie et Matt sont le couple parfait: unis depuis l'adolescence, toujours amoureux, parents de trois garçons, propriétaires d'une belle maison, entourés. Jusqu'à ce que Connie rentre seule d'un voyage en amoureux à Rome. A son amie Mary et à ses fils, elle raconte que Matt est resté à un congrès professionnel, à d'autres qu'il a été victime d'une commotion... Une commotion dont le nom est Greta et qui va tout remettre en cause...

    La premier qualificatif qui me vient à l'esprit quand je repense à Un autre amour c'est "finesse". Parce que de bout en bout, malgré un sujet difficile, scabreux même, Kate O'Riordan réussit à éviter les clichés rebattus de l'adultère et de la crise de la quarantaine pour se concentrer sur les ondes de choc d'une rencontre. Pas n'importe quelle rencontre d'ailleurs: quand Matt et Connie croisent par hasard, ou presque Greta, c'est un premier amour qui remonte au jour, des relations amicales et une fascination qui ont marqué leurs jeunesses. Pas de jeunette donc, pas de gentil et de méchant, mais une réflexion acérée et toute en nuance sur l'amour et l'amitié, sur le temps.

    Kate O'Riordan imbrique avec patience les points de vue, distille les indices qui laissent deviner, sous le masque que porte chacun, les êtres bruts avec leurs doutes, leurs mesquineries, leurs peurs et l'amour qui les dévore, la solitude. Pourtant, pas d'hypocrisie, l'amour est vrai, l'amitié aussi, mais il y a des failles, des rancoeurs, et de pages en pages, les personnages s'affirment dans leur complexité, deviennent de plus en plus attachants, d'autant plus attachants qu'ils apparaissent terriblement réels. Marqués par leur famille, par leur éducation. Marqués par leurs relations amoureuses. Marqués par leurs amitiés. Mary par exemple est un personnage terrible avec sa solitude qui la ronge, le bonheur qu'elle trouve avec la famille de Connie et Matt, sa terreur de les perdre. Matt, qui essaie d'être un homme bien, qui se pense un homme bien et qui se rend compte de la trahison dont il est capable envers celle qu'il pensait aimer. Connie qui mène son petit monde à la baguette, toujours menée par la peur de recevoir, de se décevoir. Même ceux qui ne font que passer sont plus que des silhouettes, sans doute parce que les rencontres, même brèves, mêmes professionnelles, même de hasard peuvent changer le cours d'une vie ou changer une personne. Tout sonne juste, des réactions des enfants à celle des parents et de Greta.

    Kate O'Riordan rappelle avec brio à quel point il est difficile de comprendre et de juger une crise comme celle que traverse ce couple si comme il faut.

     Un autre amour, c'est aussi un roman sur les insatisfactions, sur les rôles qu'on joue pour trouver sa place, des rôles qu'on a construit pour se protéger et qui deviennent essentiels:

    " C'était pitoyable: même avec sa meilleure amie, celle à qui elle confiait la vie de ses enfants, elle jouait un rôle. Mère de trois garçons, épouse de leur père, soeur, fille. On serrait les dents, on continuait, on se levait tous les matins, on s'habillait et on mettait du mascara et du rouge à lèvre, on disait: "Bien, merci et vous?" Si on perdait cette personnalité, celle qu'on avait façonnée, il était impossible de savoir qui on trouverait pour la remplacer."

    Or, tous les personnages jouent un rôle, Connie, Matt, Mary, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent mis à nu dans cette crise et face à la vie qu'ils se sont construits:

    "Elle avait eu ce qu'elle voulait et elle était paradoxalement fâchée contre elle-même d'avoir voulu si peu."

    Finalement, même si on atteint ce que l'on a voulu de toutes ses forces, ce n'est pas toujours suffisant:

    "Au fond de lui-même, Matt pensait que les gens naissaient avec une aptitude au bonheur ou que, comme pour sa mère, celui-ci ne venait tout simplement pas facilement à eux, voire pas du tout. Pour elle, il restait un objet lointain, une lueur attendant au bout  de tunnels sombres. Elle avait beau essayer de toute ses forces, elle ne parvenait pas à s'extirper du labyrinthe d'obscurité pour atteindre cette lumière. Il avait fait consciemment l'effort tout au long de sa vie d'être aussi heureux que possible à chaque moment et dans toutes les circonstances. Il avait travaillé dur, goûté différents degrés de réussite, apprécié sa vie de famille et sa maison. Il aurait trouvé indécent de désirer autre chose, de reconnaître un insatisfaction. Aujourd'hui, tout cela lui semblait un point de vue naïf et simpliste. Ce qui était présent ne compensait pas forcément ce qui était absent."

     

    Ce ne sont là que quelques aspects de ce roman foisonnant, froid et en même temps débordant d'émotions, de colère et d'amour. Kate O'Riordan redonne à une situation statistiquement banale, sa dimension humaine et sa complexité. C'est brillant et touchant.

     

    "Les peines les pires sont celle qu'on ressent quand quelqu'un ne veut surtout pas vous en faire."

     

    Cathulu, Khatel,...

    O'Riordan, Kate, Un autre amour, Joëlle Losfeld, 2010, 300p., 5/5

  • La citation du jeudi: Rosa Candida

    "C'est peut-être inhabituel pour un type de vingt-deux ans d'éprouver une telle joie d'être en vie, mais je trouve qu'il y a ample motif à réjouissance après les vicissitudes des jours passés. Il n'y a pas de jour ordinaire tant qu'on est en vie, tant que ses jours ne sont pas comptés."

    rosa-candida.jpg"Le jeune Arnljótur va quitter la maison, son frère jumeau autiste, son vieux père octogénaire, et les paysages crépusculaires de laves couvertes de lichens. Sa mère a eu un accident de voiture. Mourante dans le tas de ferraille, elle a trouvé la force de téléphoner aux siens et de donner quelques tranquilles recommandations à son fils qui aura écouté sans s'en rendre compte les dernières paroles d'une mère adorée. Un lien les unissait : le jardin et la serre où elle cultivait une variété rare de Rosa candida à huit pétales. C'est là qu'Arnljótur aura aimé Anna, une amie d'un ami, un petit bout de nuit, et l'aura mise innocemment enceinte. En route pour une ancienne roseraie du continent, avec dans ses bagages deux ou trois boutures de Rosa candida, Arnljótur part sans le savoir à la rencontre d'Anna et de sa petite fille, là-bas, dans un autre éden, oublié du monde et gardé par un moine cinéphile."

     

     

     

     

     

    Le jeudi c'est citation.gif

    Edit 22h

    Anne

    AnneLaureT

    Bookworm

    Caro[line]

    Cathulu

    Choupynette

    Chrys

    ClaudiaLucia

    Cuné

    Delphine

    Don Lo

    Doriane

    George

    Herisson08

    Irrégulière

    Juliette

    Katell

    Lenemae

    Lhisbei

    Lucie

    Lystig

    Maijo

    Mango

    Marie

    Marie L.

    Mirontaine

    Naolou

    Noukette

    Océane

    Ofelia

    Papillotte

    Sara

    Sofynet

    Stéphanie

    Stephie

    Sylire

    Theoma

    Tinusia

    Yueyin

     

  • Vango - Thimotée de Fombelle

    51500619.jpgParis, Notre-Dame, avril 1934. Sur le parvis,  Vango Romano s'apprête à être ordonné prêtre lorsque tout bascule: la police tente de l'arrêter, un mystérieux tueur lui tire dessus. Le jeune homme prend la fuite sans savoir que c'est le début d'une course-poursuite qui va l'amener à savoir enfin, qui il est et d'où il vient.

    Foisonnant, enthousiasmant, passionnant sont quelques uns des termes qui me viennent à l'esprit quand je repense à Vengo. Rien que ça oui. Et plus encore en fait. Vengo est un roman extrêmement riche qui campe des personnages attachants et tire parti de la période de l'entre-deux-guerre pour construire une intrigue passionnante et qu'on devine devenir de plus en plus dense, complexe, et fascinante. A priori pourtant, rien de très original puisqu'il s'agit d'une quête des origines. Déjà vu, déjà lu. Mais Thimotée de Fombelles entremêle le destin de son personnage principal avec les drames européens du début du 20e siècle, de la Première guerre mondiale en passant par la montée du nazisme, le stalinisme sans jamais oublier qu'avant tout, il raconte une histoire d'aventure. C'est du coup bourré de rebondissements et de changements de point de vue qui rendent le tout dynamique et permettent de s'attacher aux divers personnages. Il faut dire que de Vengo à Ethel l'écossaise, en passant par le moine Zefiro, Eckener et les autres, il y en a pour tous les goûts. Tout ce petit monde se croise, se recroise, se perd, fuit, court, grimpe, vole, ça n'arrête jamais pour le plus grand plaisir du lecteur qui a bien du mal à lâcher son bouquin. Et visite au passage une bonne partie de l'Europe tout en révisant sans en avoir l'air son histoire du 20e siècle.
    Sans vouloir avoir l'air d'être dithyrambique, je me permets de souligner au passage que l'intrigue, policière mais pas que se tient parfaitement et que le tout est servi par un style fluide, soutenu sans jamais paraître précieux et qui sonne juste, fait de chaque personnage bien plus qu'une ombre de papier, même ceux qui ne font que passer. On suit avec passion cette quête des racines qui rappelle, en filigrane, l'importance de savoir d'où l'on vient et qui l'on est, pour grandir.

    Il n'y a pas à dire, Vengo est porté par un sacré souffle. Vivement la suite!

    Au passage, j'aimerais bien rencontrer Mademoiselle moi!
     

    "Mademoiselle était une magicienne de la cuisine.

    Sur son petit fourneau de pierre, au bord de cette île perdue en Méditerranée, elle faisait chaque jour des merveilles qui auraient fait pleurer les gastronomes des plus grandes capitales. Au fond de ses poêles profondes, les légumes faisaient une danse ensorcelante dans des sauces dont l'odeur montait à la tête et à l'âme. Une simple tartine de thym devenait un tapis volant. Les gratins vous tiraient des larmes alors que vous n'aviez pas encore passé le pas de la porte. Et les soufflés... Mon Dieu. Les soufflés seraient allés se coller au plafond tant ils étaient légers, volatils, immatériels. Mais Vango se jetait dessus avant qu'ils s'évaporent.

    Mademoiselle préparait des soupes et des feuilletés impossibles. Elle faisait lever à la main des mousses aux parfums interdits. Elle servait le poisson dans des jus noirs au goût d'herbes inconnues qu'elle trouvait entre les pierres.

    Vango avait cru longtemps qu'on mangeait ainsi dans toutes les maisons. Il n'avait d'ailleurs jamais rien goûté en dehors de chez lui. Mais, depuis le jour où l'on avait fait venir le docteur pour une pneumonie du petit garçon, quand il avait cinq ou six ans, il avait compris que Mademoiselle n'était pas une cuisinière comme les autres."

    Fombelle, Thimotée de, Vango, Gallimard Jeunesse, 2010, 370p., 5/5

     

  • Starfish - Peter Watts

    9782265089488R2.JPGLenie Clarke et ses compagnons ne sont pas plongeurs, peu d'entre eux sont des scientifiques et pourtant, ils vont se retrouver pendant un an à plus de 700 mètre de profondeur. Leur travail, entretenir les installations qui permettent d'utiliser l'énergie phénomènale dégagée par le jeu de la tectonique des plaques. Leur compétence, être capable de s'adapter à cet endroit. Mais quand on réunit au fond de l'océan des psychotiques, garder le contrôle de la situation est un voeu pieu. Surtout quand une apocalypse se dessine à l'horizon.
      
     
    "L'abysse devrait vous clouer le bec.
    Le soleil n'a pas touché ces eaux depuis un million d'années.
    Les atmosphères s'y accumulent par centaines, les fosses pourraient avaler douze Everest sans le moindre rot. On dit que la vie elle-même a commencé au fond des océans. Possible. Sa naissance n'a pas dû être facile, à voir ce qu'il en reste..."


    D'un côté (mais d'un côté seulement hein, pas besoin de commencer à taper), pour vous donner une idée, j'ai pensé à Abyss, le film de Cameron. De l'autre, Starfish explose totalement Abyss. Abyss c'est beau, c'est la découverte d'une nouvelle forme de vie, c'est le combat d'une joyeuse et sympathique équipe de branquignoles contre de méchants militaires en proie au mal des profondeurs. J'ai adoré. Starfish, c'est une bande de psychotiques lâchés en milieu hostile et manipulés par un consortium aux intentions pas franchement avouables. J'ai adoré aussi.
    J'ai adoré parce que c'est une oeuvre ambitieuse qui démarre comme un roman psychologique et termine comme un roman de SF pur jus. Le  début est intriguant: on suit l'installation d'une équipe dans une station d'entretien sur le rift entre les plaques tectoniques nord-américaine et pacifique. Des personnalités difficiles, des individus psychologiquement atteints, névrosés, capables de s'adapter à des conditions de vie hallucinantes, à la confrontation à des formes de vie monstrueuses et à un corps modifié. C'est assez fascinant de suivre cette équipe, de la voir se déchirer, s'habituer, se modifier petit à petit jusqu'à devenir dépendante de cette vie qui pour les "sêcheux" a tout du cauchemar et devenir plus ou moins qu'humains. Peter Watts explore ainsi les limites de l'humanité en une réflexion qu'il prolonge en introduisant le thème de l'intelligence artificielle et en l'exploitant avec finesse.
    En même temps, Starfish est aussi un thriller politique, écologique et scientifique dont les enjeux se dessinent petit à petit, introduisant dans le récit une tension croissante qui devient presque insupportable sur la fin, tant on se demande où diable veut en venir l'auteur et vers quoi il va. Le dénouement en forme d'explosion est ma foi assez magnifique encore qu'un brin rapide à mon goût et son effet est accentué par le style froid, presque clinique de l'auteur.
    Bref, une oeuvre ambitieuse qui fait l'effet d'un coup de poing et qui laisse espérer une suite que j'attends avec impatience. En attendant, je vais me pencher sur le cas de Vision aveugle qui attend sur mes étagères depuis bien trop longtemps!
    Watts, Peter, Starfish, Fleuve Noir, 2010, pas assez de pages j'en veux encore, 4.5/5