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les romancières anglaises sont une merveilleuse invention

  • Avril enchanté

    Par une atroce journée pluvieuse de mars, Mrs Wilkins et Mrs Arbuthnot tombent à leur club sur une charmante petite annonce publiée dans le Times: un ravissant château à louer en Italie leur tend les bras. Ni une ni deux, nos deux dames qui sympathisent décident de louer l'endroit et partent en quête de deux complices décidées à partager les frais de ces vacances avec elles. Ce sera Lady Caroline qui cherche un refuge contre son rang, sa famille et ses amis, et Mrs Fisher, respectable vieille dame qui souhaite évoquer le souvenir de ses chers grands hommes victoriens au soleil. Tout voyage réservant de folles surprises, San Salvatore va transformer nos quatre voyageuses et, par ricochet, leurs époux et admirateurs.

     Délicieux, c'est le qualificatif qui me vient à l'esprit quand j'évoque le souvenir de cette lecture. Délicieux comme un bonbon, une guimauve, ou une glace italienne par exemple! Avec ce roman qui a été un de ses plus grands succès, Elizabeth von Arnim offre une belle histoire sur le pouvoir sans partage des vacances et un hymne enchanteur à l'Italie (comme s'il y avait besoin de me donner envie de retourner dans ces contrées exotiques!).

    Effectivement, des vacances, Lotty Wilkins et Rose Arbuthnot en ont besoin. La première s'enlise dans un mariage qui ne la satisfait guère avec un homme rigide. La seconde s'est réfugiée dans les oeuvres de charité pour oublier les oeuvres impies de son écrivain d'époux, lequel fuit autant qu'il le peut le domicile conjugal. San Salvatore pour elles c'est la rupture, le moyen de s'éloigner, l'indépendance et le mensonge qui renversent des années de conduite vertueuse. En un mot l'aventure! Lady Caroline, elle, étranglée dans le carcan de sa trop grande beauté et de ses privilèges de classe a un ardent besoin de solitude. Mrs Fisher, s'englue dans une vieillesse poussièreuse et stérile.

    Quatre femmes qui ne se connaissent pas réunies autour d'un rêve italien font, vous me l'accorderez, de belles prémisses à un roman. Si on y ajoute le légendaire humour anglais, il va sans dire que les prémisses tiennent leurs promesses!

    San Salvatore va se révèler à nos aventurières un paradis sur terre: jardin luxuriant, vieilles pierres pleines de charme, autochtones pittoresques, mer et temps splendide. Un lieu envoûtant qui va petit à petit amener nos quatre héroïnes à sortir de leurs chrysalides en une débauche de chassés croisés absolument hilarants. Il faut dire qu'entre Mme Fisher qui fait une petite crise de possession, lady Caroline qui tente déséspérement d'avoir l'air revêche et de trouver un coin de jardin tranquille, Rose qui dispute le statut de maîtresse de maison à la doyenne et Lotty qui flotte sur un petit nuage de félicité, les quiproquos et les disputes sont légions. Passant de personnages en personnages, Elizabeth von Arnim donne à voir les diférentes psychées qui s'affrontent, et utilise avec art et finesse ses connaissances de la psychologie humaine. C'est très drôle ces points de vue croisé, mais cela révèle aussi à quel point ce que nous pensons comprendre des actes et des désirs des autres n'est en fait qu'une illusion. Petites pensées mesquines, légère avarice, tentation permanente de jouer des tours, rien n'est épargné! Bien sûr, tous les habitants de San Salvatore vont se laisser gagner petit à petit par l'esprit du lieu, mais les motifs de départ de leurs actes ne sont guère reluisants. Et qui sait si toutes ces belles choses résisteront à la fin des vacances?

    Et puis ces anglais en vacances faisant face à une Italie débordante de vie, de truculence donne des situations extrêmement comiques provoquées par les incompréhensions entre domestiques italiens et vacanciers anglais (ces macaronis, seigneur! Et la chaudière!!).

    C'est donc un roman en apparence léger, drôle, mais qui aborde avec profondeur les ressorts des relations humaines en livrant de beaux portraits de femmes confrontées à leurs désirs et à la mort des espoirs qu'elles fondaient en la vie jeune fille, ou à la vieillesse et à la solitude qui l'accompagne. Au delà des mondanités et du rituel du thé, des rebondissements et de l'humour c'est d'un voyage dans l'esprit humain dont on ressort en tournant la dernière page.

    A savourer au jardin avec une bonne tasse de thé!

     

      L'avis d'Allie, de Malice,  de Philippe,...

    Elizabeth Von Arnim, Avril enchanté, 10/18, 1999, 4.5/5