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  • Jardins de cristal

    Une des choses que j'aime à Paris, c'est qu'il y a toujours des endroits à découvrir. Il y avait belle lurette que j'étais intiguée par le mystérieux jardin de Bagatelle. Pour moi, ce nom a des résonnances de romans de Maurice Denuzière, de folles aventures et de déchirements amoureux. C'est donc avec un fol enthousiasme que j'ai enfourché le métro pour une épique traversée de Paris, que je me suis (comment ça évidemment) perdue dans les méandres du Bois de Boulogne en ralant comme une teigne contre l'inexistence absolement outrageuse de panneaux de signalisation ("c'est pas de ma faute, c'est le panneau!) avant d'aboutir à la ravissante entrée de l'objectif du jour tout en papotant fort agréablement avec Miss J. qui m'accompagnait! Et coup de chance, nous profitions non seulement d'un temps sublime, mais en plus de l'exposition Jardins de Cristal!

    Affiche exposition cristal à Bagatelle



    Bref.

    Le Jardin de Bagatelle donc! Fruit d'un pari entre Marie-Antoinette et le Comte d'Artois, il fut conçu en 1777 par l'architecte Bélanger et réalisé par Thomas Blaikie en à peine 64 jours. Une sacrée prouesse!  A cette époque, l'art du jardin connaissait en France une profonde mutation, en réaction à la rigueur des jardins dits "à la française" du 17e siècle. Il relève donc du style anglo-chinois, mêlant paysages inspirés de la peinture et élèments architecturaux orientaux.

    Le parc échappa aux destructions de la Révolution française et fut transformé: orangerie, grille d'honneur, écuries, pavillons des gardes et Trianon trouvèrent leur place en son sein.
    Son rachat par la Ville de Paris permit sa réhabilitation et sa transformation en jardin botanique.

    Ce point d'histoire ne donne qu'une très vague idée de la beauté de cet endroit. Quand on y pénètre par le côté Porte Maillot, on traverse un tunnel de verdure qui débouche sur l'orangerie et la magnifique roseraie. L'occasion de flaner dans les allées, grisé par l'odeur et les couleurs.




















































    Au détour des allées, on croise des

    folies...

























    Des statues...

































    Des mares et des prairies...

























    De quoi apprécier de se perdre dans le méandre des allées.

    Quand à l'exposition Jardins de Cristal, c'est un petit moment de magie, parfaitement intégré au paysage. Les oeuvres des quatre manufactures participantes s'intègrent au paysage et donnent une impression de féérie. On bascule dans un autre monde ooù les fontaines chantent, où les fleurs brillent des couleurs qu'elle projettent sur ce qui les entoure, les animaux sont d'une rare finesse et où des fruits étranges poussent sur les arbres.

    La fontaine du Maharadjah (manufacture Saint-Louis) accueille le visiteur de tous ses feux...

































    L'orangerie de cristal...

































    Le bestiaire de Lalique...























    Les rives d'Amaryllis de Daum, sans doute la pièce exposée que j'ai préféré par ses couleurs et la magie qu'elle dégageait...




    L'Ours de Baccarat...

























    Une belle balade que je vous conseille donc avec chaleur! Le parc vaut à lui seul le détour, mais l'exposition dure jusqu'au 2 novembre. Les informations pratiques sont par

    . Et quelques photographies supplémentaires ici!

  • Lilliputia




    Elcana est petit, tout petit. Et pourtant il est grand, adulte même. Il est un Parfait, un nain aux proportions parfaites. Un être recherché par les maîtres de Dreamland, parc d'attraction construit sur Coney Island pour peupler la ville de Lilliputia et servir d'attraction aux Grands. Mais cette ville, blanche pour que ses visiteurs puissent y projeter leurs rêves, cache de bien sombres mystères, et la malédiction qui pèse sur l'île depuis des temps immémoriaux ne va pas laisser ses habitants grands et petits indemnes.

    Que voilà un roman intelligent, fascinant, haletant, prenant, profond, et j'en passe tout en pesant mes mots! Pourtant je trainais un peu des pieds, et si je n'y avais pas été un brin contrainte par mes obligations professionnelles, je serais sans doute passée à côté de ce merveilleux récit! Et pourtant, si je l'ai lu dans le cadre de mes lectures imposées en SF et fantasy (oui, la vie est parfaitement atroce, vous pouvez me plaindre), ce n'est pas un roman de fantasy. Pas non plus de la science-fiction. C'est... comme l'a si bien dit
    Fashion, totalement inclassable. Xavier Mauméjean offre un mélange détonnant de fantastique, de réalisme, de  mythologie. Je parlerais presque de réalisme magique en tant que genre littéraire si je n'avais pas peur de me faire taper sur le marque-page!

    Elcana doit fuir le pays slave où il est né pour échapper à la condamnation que fait peser sur lui le meurtre commis pour protéger une jeune fille de son village. Commence alors pour lui un voyage où il va peu à peu endosser les habits de l'Elu, de celui qui libère. Il y a du héros en lui, mais pas le héros chevaleresque dans sa blanche armure. Non, un héros qui a peur, qui a mal, qui n'hésite pas à tuer et à faire mal, même à ceux qui l'aiment. Il est celui qui cherche la vérité et qui veut la connaissance et la liberté quelqu'en soit le prix. On retrouve en lui des traits des héros de la mythologie, notamment de Prométhée qui joue, au sens propre comme figuré avec le feu. Il croise d'ailleurs des personnages qui ressemblent fort au Minotaure, aux Destinées, prend un moment le visage d'Achille. D'ailleurs, le démiurge de cette univers étrange n'est pas sans rappeler les dieux et leurs jeux, leurs colères, leurs inteventions dans le monde des hommes. Se pose alors la question de la destinée et du libre-arbitre, d'autant qu'on ne saura jamais si Elcana n'est que le jouet d'une volonté qui le dépasse, ou celui qui réduit à néant cette volonté. La chute, pour le moins volcanique a sans aucun conteste des résonances tragiques: il y a quelque chose du théâtre dans la manière qu'à Mauméjean de conclure son récit! Ou du cinéma. Il y a des moments où on a l'impression de se retrouver dans un film de Scorsese, ou dans les Il était une fois qui ont écrit en image la violence du rêve américain. On retrouve les gangs, les crochets de boucher, les batailles dans l'ombre des ruelles, les trafics et les règlements de compte.

    L'intelligence du roman est aussi d'utiliser à plein la fascination de l'humain pour ce qui est différent, monstrueux. Si Lillputia est un modèle réduit d'une ville de Grands, d'autres parcs lui sont voisins, dont le Steeple-Chase abandonné, dernier bastion des monstres humains qui ont fait la gloire des foires: femmes à barbe, siamoises, hommes et femmes atteints de difformités et maladies qui leur ont fait dénier la qualité d'être humain pour devenir des objets de moquerie. Des objets de moquerie, c'est aussi ce que sont les lilliputiens dans cet univers rendu sordide par le regard de ceux qui viennent le visiter pour se sentir plus "normaux' et par l'intention de ceux qui l'ont rendu possible. C'est d'autant plus poignant, touchant, révoltant que l'on sait que ces parcs et ces foires ont existé, et que le regard porté au quotidien sur ceux qui sont "anormaux" rappelle que ce genre de dérapage n'est jamais loin. L'Antiquité avait ses jeux, le 20e siècle a eu ses foires et d'autres choses dont il n'y a pas lieu d'être fier.
    En même temps, les lilliputiens eux-mêmes ne sont pas exempts de défauts et le microcosme qu'ils forment est aussi un modèle réduit de communauté humaine avec ses jalousies, ses rancunes, ses petites lâchetés: pas besoin de trop pousser pour que se dévoilent les mêmes schémas. Petits ou grands, les humains sont tous conduits par l'amour, la haine, le sexe et la recherce du plaisir, le tout matiné de plus ou moins de morale et de vernis de civilisation.

    On sort de cette lecture à bout de souffle, écoeuré et en même temps enthousiasmé. Sans aucun conteste un de mes coups de coeur de l'année.



    L'article du
    Cafard Cosmique et l'interview passionnante de l'auteur sur le même site.

    On peut aussi le voir et l'entendre dans un dialogue avec Michel Field:


    Michel Field / Xavier Mauméjean : Lilliputia
    envoyé par hachette-livre

    Pour avoir une idée de ce qu'étaient les Freak Show, quelques photographies d'époque sont visibles en allant par .

    Xavier Mauméjean, Lilliputia, Calmann-Levy, 2008,

  • Zoo

     

     

     

    Une jeune femme dont le nez a été arraché échoue un jour dans un endroit en dehors du temps, et presque en dehors du réel. Un zoo merveilleux dont les habitants vont l’accepter et lui donner, enfin, un peu de paix et de bonheur. Mais tout est si fugace en ce monde qu’un moment suffit pour que tout s’envole…

     

    Une merveille. Rien de plus, rien de moins. En deux tomes, scénariste et dessinateur offrent une histoire d’amour, de souffrance, d’espoir et de tolérance empreinte de magie et de légèreté. Anna vivait heureuse dans un village de Russie avec son époux le chasseur jsuqu’au jour funeste où celui-ci est tué et Anna défigurée. Or, le nez est le siège de l’âme, et ceux qui le perdent sont maudits et chassés sans répit ni pitié. Commence alors pour elle une errance qui trouvera sa fin au zoo. Tenu par un vieux médecin, sa fille adoptive et un sculpteur, c’est un endroit presque féerique où les animaux sont apprivoisés, où les naissances apportent la joie, où l’amour se vit librement. Un endroit en dehors d’un monde dans lequel la guerre menace. Les dessins de Frank rendent cet aspect du zoo, personnage à part entière des albums : un endroit lumineux, luxuriant, une bulle qui protège ses occupants. Chaque case est un bonheur des yeux offrant un luxe de détails et une débauche d’ombres et de lumières.

    C’est une belle histoire d’amitié, de tolérance qui tient en haleine et dont les personnages gravent une empreinte peu banale dans la mémoire. Attachants avec leurs faiblesses, leurs excentricités, leurs forces, ils forment un groupe étrange et soudé. Le personnage de Manon notamment est marquant : toute en instinct, en animalité presque, elle a une empathie profonde avec les êtres, une joie de vivre qui irradie et qui anime ceux qui l’entoure. Anna aussi, blessée profondément par la superstition et la bêtise humaine est de celles qu’on n’oublie pas. Il y a bien des choses dans cette bande dessinée : une réflexion sur la liberté, sur la place de l’instinct face à la raison, sur l’ignorance et les croyances. De quoi nourrir la réflexion pendant un long moment tout en gardant le souvenir de la magie des dessins.

     

    Un très beau site consacré à la série.

     

    Un grand merci à Delphine pour cette découverte.

    Frank Pé et Philippe Bonifay, Zoo, t. 1 et 2, Dupuis, coll. Aires Libres

  • Du vagin et autres histoires

    Il y a déjà un certain temps de ça, j’ai pu accompagner Caro[line] et d’autres blogeuses à la représentation de la pièce d’Eve Ensler, Les monologues du vagin. Sur scène, Micheline Dax, Maïmouna Gueye et Gabou allaient nous parler pendant plus d’une heure de ce mystérieux vagin, l’invisible, le caché.

    Je ne savais guère à quoi m’attendre et je ne m’attendais surtout pas à ce choc qui m’a pris aux tripes, qui m’a fait rire, sourire, frémir, pleurer presque. Le lendemain, j’ai filé acheter le texte de la pièce pour garder auprès de moi ces mots qui avaient su me bouleverser.

     

    Eve Ensler a parcouru le monde, interrogé des femmes, les a suffisamment mises en confiance pour qu’elles acceptent de raconter leur rapport avec elles-mêmes et réuni dans le texte de sa pièce quelques un de ces témoignages. C’est sa force ce témoignages. Parce que ce que racontent les femmes qui parlent à travers les actrices, est universel. Elles parlent de la peur, de la douleur, de la joie et du plaisir aussi. Il y est question d’amour, d’orgasme, de naissance. Et aussi de viol, de déchirure, de mutilation, de frigidité.

    C’est tout simplement beau et salutaire. Parce que c’est immensément pudique malgré la crudité des mots et vibrant de passion. 

     

    Une vidéo pour vous donner une petite idée…

     

     

  • Plaisirs coupables

     

    La vie d’Anita Blake n’est pas de tout repos. Non contente de ranimer les morts, elle passe une partie de son temps libre à chasser les vampires qui passent les limites de la légalité. C’est là qu’elle a gagné son surnom : l’Exécutrice. Mais quand le monde de la nuit est agité par des luttes de pouvoir, elle ne peut qu’y laisser quelques plumes.

     

    Que voilà une bonne surprise ! J’ai attaqué le premier tome de la saga d’Anita Blake chasseuse de vampire en me disant que je ne risquais pas grand-chose ! Et je me suis retrouvée littéralement embarquée dans les aventures d’une héroïne qui ressemble par quelques aspects à Stéphanie Plum ! Je vois d’ici les oreilles de quelques membres éminents de la blogoboule se dresser. Celle par qui tout est arrivé par exemple, celle qui défend Ranger en toute circonstance aussi… Et d’autres ! Attention toutefois (je tiens à mon intégrité physique et une adepte de Miss Plum peut devenir dangereuse), je parle de quelques aspects seulement !!

    Bien, entrons dans le vif du sujet ! Laurell Hamilton embarque son lecteur dans les pérégrinations d’une héroïne haute en couleur en en faisant la narratrice de l’histoire. Ce qui lui permet d’user d’un phrasé-parlé haut en couleur et en verve ! Et de coller au plus près aux frousses et grosses fatigues d’Anita. Il faut dire qu’elle n’est guère épargnée par le sort : la voilà embarquée dans une sombre histoire de meurtre bien qu’elle ait freiné des quatre fers et de tout ce qu’elle avait de disponible pour freiner, menacée par une reine des vampires complètement frappée, attirée par un junkie aux morsures de vampires et par un maître vampire plus que séduisant encore qu’un brin agaçant. Bref, un joyeux foutoir qui prend place dans un univers plutôt bien pensé : les vampires sont reconnus et vivent, façon de parler, au grand jour. Ils vivent donc parmi les humains, plus ou moins bien acceptés, certain les rejetant et les traquant purement et simplement, d’autres militant pour leurs droits. Sachant qu’eux même ne sont pas des enfants de cœur et qu’une partie d’entre eux persiste à faire des humains leur repas.

    Heureusement qu’il lui reste assez d’énergie pour tenir debout, et assez d’humour noir pour faire face à quelques rats garous et vampires psychopathes. Une grande force dans le roman d’ailleurs cet humour ! Ca aide à faire passer quelques invraisemblances.

    Alors bien sûr ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais entre l’intrigue et les personnages, voilà une série attachante et une lecture sympathique pour les jours de fatigue et de moral à zéro ! Sans compter que les relations de ces messieurs pas franchement humains et de notre demoiselle pas blanc bleu devraient évoluer vers des sommets garantis chauds dans les tomes suivants !

     

    Laurell Hamilton va être rééditée en France par Bragelonne, ce qui est plutôt une bonne nouvelle vu l’état des éditions poches en bibliothèque, et il semblerait qu’une adaptation en film ou série soit prévue.

     

    Affaire à suivre donc !

    L'auteur a un blog. Pour aller y jeter un oeil ou deux, c'est par !

    Laurell Hamilton, Plaisirs coupables, Pocket, coll. Terreur, 2004, 378 p.