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  • Des chiffres et des lettres

    Et bien il ne me reste plus qu'à remercier toutes celles, et elles sont nombreuses qui m'ont donné envie de me plonger dans La formule préférée du professeur de Yoko Ogawa.

     

    La narratrice qui élève seule son fils travaille pour une association d'aides-ménagères. C'est ainsi, qu'un beau jour, elle est envoyée travailler chez un vieux professeur de mathématique. Sa particularité? Il se souvient de tout ce qui s'est passé avant l'accident qui l'a privé de sa mémoire en 1975, et des 80 dernières minutes de sa vie. Ainsi, chaque jour tout est à recommencer. Seule constante de son univers, les chiffres auxquels il se raccroche. Pourtant, malgré le handicap, la maladie et les différences d'âge, une relation amicale, puis filiale lorsque le vieil homme recontre le fils de son aide-ménagère, va naître entre ces trois êtres, qui se retrouvent autour de l'amour des chiffres et du base-ball.

     

    Autant vous dire tout de suite que quelque soit votre niveau en mathématiques et vos mauvais souvenirs scolaires, vous sortirez de ce roman réconcilié avec les théorèmes et autres figures géométriques! Les mathématiques, les chiffres qui ordonnent le monde et lui donnent un sens quand tout le reste part à vaux l'eau sont le fil conducteur du roman. J'en suis sortie émue par les chiffres premiers, les parfaits, abondants et autres. Emue de savoir quel lien uni 220 et 284. Et outre de magnifiques passages qui font perçevoir la beauté des mathématiques, La formule préférée du professeur est aussi une magnifique histoire d'amour. Pas d'amour-amour, entendons nous bien! Les protagonistes de cette histoire, esseulés, blessés vont recréer petit à petit une famille. Et c'est beau cette relation qui naît, surtout celle qui unit le petit Roots au vieux professeur. C'est beau de voir comment ils se soutiennent les uns les autres, et comment la transmission se fait d'une génération à une autre. Encore qu'au rang de l'amour amour, on découvre en filigrane la vie brisée du professeur, une vie que l'on devine emplie de drames, de tensions et sans doute, d'un bonheur, qui enfin revient.

    "Simplement, la valeur de toutes sortes de petites scènes que nous avions partagées n'a jamais pâli, au contraire, plus les jours passaient, plus elle ressortait avec fraîcheur, réchauffant notre coeur."

    Et ce qui est bien, c'est que grâce à Sophie, j'ai un autre Yoko Ogawa sous la main! Que demande le peuple!?

    L'avis de Papillon, de Gachucha, de Chimère.

    Yoko Ogawa, La formule préférée du professeur, Actes Sud, 2005, 246 p.

  • Contre vents et marées

     

    Un homme, une femme, un veuf, une divorcée, des enfants...Linda, mère divorcée d4Emilie et Dorothée a rencontré une autre souffrance, celle d'un homme qui a perdu sa femme et qui reste seul avec son fils adolescent, Vincent. Le temps de vacances communes entre vignes et océan, pendant qu'au large, un pétrolier se vide de ses entrailles, le noeud de leur histoire va se nouer.

    C'est le premier roman de Brigitte Giraud que je lis, et je m'avoue assez séduite. Elle livre dans ce court roman le regard d'une femme blessée sur une vie amoureuse bancale, difficile. De nombreux thèmes sont abordés par la bande, sans en avoir l'air. Par petites touches, au travers des réflexions de Linda sur la vie quotidienne, sur les rapports qui se créent entre ses enfants et celui de son compagnon, sur ses peurs et ses attentes, Brigitte Giraud construit un tableau de ce que peut être un divorce pour celui qui aime encore et de ce que peut être le deuil. Et surtout, de ce qui vient après: la reconstruction, le désir d'aimer et d'être aimé, le manque de confiance en soi et en l'autre, le doute. "Je t'avais rencontré, j'étais encore vivante, capable d'éprouver du désir pour un homme dont les yeux m'attiraient et la voix me réchauffait. [...] Mais je savais que plus rien ne serait comme avant." 

     Linda ne parvient pas à trouver sa place dans cette nouvelle relation, pas plus qu'elle ne parvient réellement à en faire une à ce nouvel homme et à son fils. Et elle ne parvient pas non plus à faire le point sur ses motivations, sur son besoin d'être aimé, et sur l'avenir de cette histoire. Construire une nouvelle famille avec des passés douloureux, des manques, des non-dits s'avère une tâche ardue sur laquelle elle s'interroge. Y-a-t-il seulement un espoir? "Tout à coup, nous n'existions plus, et nos histoires deveniaent incompatibles, il y avait la votre d'un côté, vôtre passé et vos secrets auxquels nous ne pouvions accéder, et la nôtre, triste histoire unj peu banale, et nous redevenions deux clans, les hommes d'un côté et les filles de l'autre."

    C'est bien sûr très introspectif, mais c'est aussi tout à la fois très beau, doux et mélancolique, et cruel. J'ai relevé bien des passages, des mots qui 'ont touchés et j'ai un peu de mal à faire passer mon ressenti à l'égard de ce roman, mais une chose est certaine, j'ai aimé!

    Les avis de Laure et Clarabel.

    Brigitte Giraud, Marée noire, Stock, 2004, 135 p.

  • Histoire d'amour

    Je te retrouve sur mes sentiers comme au premier jour, tache

    rouge d'un manteau sous les frondaisons d'un parc.

    Le temps a coulé sous les arbres. J'ai aimé le pays de tes yeux.

    Ta main dans la mienne nous avons libéré la peur.

    Entre tes seins je regarde le soleil se briser sur un mur blanc au

    lit duquel bat une source secrète.

    Eblouissante douceur du silence.

    Joseph Paul Schneider, Histoire d'amour, Masques du temps, in L'amour et l'amitié en poésie, Folio junior poésie, 2001, 177 p.

  • Vous prendrez bien une tasse de thé?

    C'est délicieux... Délicieux comme une tasse de thé au coin du feu, comme un tailleur tweed, comme un poème de Milton ou une légère bruine. Un brin suranné mais attachant.

    Ce roman achevé en 1936 raconte avec un humour dévastateur la vie quotidienne du charmant village de Up Callow dans le Shropshire et de sa communauté bouleversée par l'arrivée d'un mystérieux et beau hongrois célibataire. Mr Tilos se laissera-t-il emporté par la passion de Miss Gay? La si parfaite Cassandra Marsh-Gibbon cédera-t-elle à la passion hongroise et aux costumes tziganes? Adam son époux saura-t-il la reconquérir avec des poèmes de Thompson? Le suspense est insoutenable. Et les crises de fou rire persistantes!

    A la lecture de ce pur petit moment de bonheur, on se se demande ce qu'il y a dans l'atmosphère britannique pour produire de tels écrivains! Cette capacité à l'observation, à la critique, voire l'autocritique, cet humour et cette ironie irrésistibles! Par petites touches, Barbara Pym brosse un tableau criant de vérité d'une petite communauté avec ses personnalités, ses petites mesquineries et ses grands bonheurs. Attention! C'est thé, scones et potins! Barbara Pym m'a effectivement fait penser à Jane Austen par certains côtés. Notamment cette capacité à passionner avec peu de choses finalement. Mais autre temps, autres moeurs et autres plumes! C'est aussi l'amour qui intéresse Barbara Pym mais elle le traite de toute autre manière, avec plus de drôlerie et d'acidité! En fait, avec Jane Austen, c'est la campagne anglaise qui vient à nous depuis le 19e siècle, avec Barbara Pym, ce sont les années 20 et 30! Une chose est certaine, je vais aller chiner vers les lettre PY et M des étagères de ma bibliothèque!

    Et pour la route: "Elle se moquait bien que le monde entier le sût du moment que personne d'Up Callow n'était au courant"

    Barbara Pym, Adam et Cassandra, Salvy, 1989, 235 p.

  • Quand meurent les étoiles

     

    Ekwerkwe en avait parlé avec talent, me filant l'envie monstre d'aller y voir de plus près. Ce que j'ai fait et ce que je ne regrette absolument pas après avoir lu ce petit bijou. Mon avis est assez proche du sien en fait! Voilà un exemple de ce que la science-fiction peut produire de meilleur. Un roman intelligent, profond, prenant et passionnant, profondément humaniste, terrifiant et drôle.

     

    Dans un univers (far far away) et un temps indéterminé, l'espèce humaine a essaimé en quatre peuples à l'instigation de mystérieuses créatures, les AnimauxVilles. Pensantes, intelligentes, machiavéliques même, elles ont provoqué la dispersion qui a sauvé l'humanité de la destruction pure et simple. Depuis, chaque rameau a évolué en autant de cultures, de modes de vie, de systèmes politiques. S'ils ne se font pas la guerre, chacun reste dans son coin d'univers, se regardant avec méfiance, et mépris.  Forts de leur ignorance de l'altérité comme de l'univers qui les entourent. Pourtant tout va changer. Les tentations expansionnistes des uns, la volonté d'immortalité des autres, le désir d'infini des AnimauxVilles vont changer la donne. La rupture viendra avec la mort d'une étoile. La tradition veut en effet qu'en ce moment rare, l'humanité se réunisse. Une occasion de se découvrir, d'enfin se parler et d'aller au-delà des différences. Sauf que l'enjeu de ces retrouvailles, les deuxièmes depuis la dispersion est tout autre. C'est le devenir d'un univers transformé en prison qui va se jouer.

     

    C'est un bien pâle résumé de l'intrigue que je vous fais là! J'ai beau avoir lutté un bon moment, je n'arrive pas à rendre la richesse de l'ensemble. Et puis je n'en ai pas envie, ce serait trahir la surprise et le plaisir de découvrir (na)!

    C'est magistral. Remarquablement écrit. Je ne connais pas Ayerdhal et Dunyach, mais j'ai été incapable de perçevoir le moment où la plume changeait de mains. Sans doute parce qu'avec quatre années d'écriture et réécriture, ils ont eu le temps de brouiller les pistes! Ceci dit, cette collaboration explique sans doute que leurs descriptions de chacun des quatre peuples humains soient aussi fouillées. A chaque peuple son ou ses représentants, et l'occasion, à travers la présentation de ces personnages, de brosser, petits bouts par petits bouts un tableau complet de chaque société et système politique en présence, de chaque lien diplomatique et de chaque complot. Car il ne faut pas s'y tromper. La dispersion n'a en rien rendu l'humain plus sage. La volonté de puissance, la soif de pouvoir et de domination sont toujours inhérentes à la nature humaine. Le machiavélisme est loin d'être mort. Etoiles mourantes est une belle réflexion sur le politique et sur différents modes d'organisation des sociétés. Anarchie, tyrannie, oligarchie, démocratie aussi sous une drôle de forme, tout y passe. Et les auteurs ne sont pas tendres, dénonçant à cette occasion ce qui doit et peut l'être dans nos société hic et nunc. Les développements technologiques qu'ils inventent (à partir de travaux actuels toujours) ne servent finalement qu'à permettre de pousser chaque logique, chaque peuple dns ses retranchements. Un beau procédé, même si du coup certains paragraphes ou dialogues deviennent un peu abscons.

     

    Au-delà ce cet aspect, Etoiles mourantes est aussi un texte magnifique sur le racisme. Alors bien sûr certaines dénonciations et certains appels à la tolérances sont un peu faciles. Mais le nécessaire est abordé et traité. Chaque rameau se sent plus humain que les autres, rabaisse celui qui est différent au rang de mutant, de menace, voire d'animal. Même ceux qui se veulent ouverts et tolérants sont en butte à une xénophobie profondément ancrée en eux, une xénophobie qui est un peu le premier pas vers le racisme pur et simple. C'est ce que j'ai trouvé intéressant, cette manière de montrer qu'il n'est pas si facile d'accepter l'autre même lorsqu'on le veut, cette manière aussi de sous-entendre avec raison que la xénophobie et le racisme, s'ils sont liés, ne sont pas tout à fait la même chose. Et que finalement, la confrontation à l'altérité, si elle est douleur, peut parfois mener à l'acceptation.

     

    Rajoutez-y un brin de métaphysique, quelques pincées de relations familales, une louche re propos sur la mort et l'immortalité, un dénouement assez estomacant et des persectives vertigineuses, et vous aurez l'explication de ma soudaine verve passionnée et de mes développements un peu mais pas trop) bavards.

    A lire. Moi, je file me l'acheter pour retrouver quand cela me chantera les AnimauxVilles.

     

    Ayerdhal et Dunyach, Etoiles mourantes, J'ai lu, coll. Millénaires, 1999, 537 p.