Ekwerkwe en avait parlé avec talent, me filant l'envie monstre d'aller y voir de plus près. Ce que j'ai fait et ce que je ne regrette absolument pas après avoir lu ce petit bijou. Mon avis est assez proche du sien en fait! Voilà un exemple de ce que la science-fiction peut produire de meilleur. Un roman intelligent, profond, prenant et passionnant, profondément humaniste, terrifiant et drôle.
Dans un univers (far far away) et un temps indéterminé, l'espèce humaine a essaimé en quatre peuples à l'instigation de mystérieuses créatures, les AnimauxVilles. Pensantes, intelligentes, machiavéliques même, elles ont provoqué la dispersion qui a sauvé l'humanité de la destruction pure et simple. Depuis, chaque rameau a évolué en autant de cultures, de modes de vie, de systèmes politiques. S'ils ne se font pas la guerre, chacun reste dans son coin d'univers, se regardant avec méfiance, et mépris. Forts de leur ignorance de l'altérité comme de l'univers qui les entourent. Pourtant tout va changer. Les tentations expansionnistes des uns, la volonté d'immortalité des autres, le désir d'infini des AnimauxVilles vont changer la donne. La rupture viendra avec la mort d'une étoile. La tradition veut en effet qu'en ce moment rare, l'humanité se réunisse. Une occasion de se découvrir, d'enfin se parler et d'aller au-delà des différences. Sauf que l'enjeu de ces retrouvailles, les deuxièmes depuis la dispersion est tout autre. C'est le devenir d'un univers transformé en prison qui va se jouer.
C'est un bien pâle résumé de l'intrigue que je vous fais là! J'ai beau avoir lutté un bon moment, je n'arrive pas à rendre la richesse de l'ensemble. Et puis je n'en ai pas envie, ce serait trahir la surprise et le plaisir de découvrir (na)!
C'est magistral. Remarquablement écrit. Je ne connais pas Ayerdhal et Dunyach, mais j'ai été incapable de perçevoir le moment où la plume changeait de mains. Sans doute parce qu'avec quatre années d'écriture et réécriture, ils ont eu le temps de brouiller les pistes! Ceci dit, cette collaboration explique sans doute que leurs descriptions de chacun des quatre peuples humains soient aussi fouillées. A chaque peuple son ou ses représentants, et l'occasion, à travers la présentation de ces personnages, de brosser, petits bouts par petits bouts un tableau complet de chaque société et système politique en présence, de chaque lien diplomatique et de chaque complot. Car il ne faut pas s'y tromper. La dispersion n'a en rien rendu l'humain plus sage. La volonté de puissance, la soif de pouvoir et de domination sont toujours inhérentes à la nature humaine. Le machiavélisme est loin d'être mort. Etoiles mourantes est une belle réflexion sur le politique et sur différents modes d'organisation des sociétés. Anarchie, tyrannie, oligarchie, démocratie aussi sous une drôle de forme, tout y passe. Et les auteurs ne sont pas tendres, dénonçant à cette occasion ce qui doit et peut l'être dans nos société hic et nunc. Les développements technologiques qu'ils inventent (à partir de travaux actuels toujours) ne servent finalement qu'à permettre de pousser chaque logique, chaque peuple dns ses retranchements. Un beau procédé, même si du coup certains paragraphes ou dialogues deviennent un peu abscons.
Au-delà ce cet aspect, Etoiles mourantes est aussi un texte magnifique sur le racisme. Alors bien sûr certaines dénonciations et certains appels à la tolérances sont un peu faciles. Mais le nécessaire est abordé et traité. Chaque rameau se sent plus humain que les autres, rabaisse celui qui est différent au rang de mutant, de menace, voire d'animal. Même ceux qui se veulent ouverts et tolérants sont en butte à une xénophobie profondément ancrée en eux, une xénophobie qui est un peu le premier pas vers le racisme pur et simple. C'est ce que j'ai trouvé intéressant, cette manière de montrer qu'il n'est pas si facile d'accepter l'autre même lorsqu'on le veut, cette manière aussi de sous-entendre avec raison que la xénophobie et le racisme, s'ils sont liés, ne sont pas tout à fait la même chose. Et que finalement, la confrontation à l'altérité, si elle est douleur, peut parfois mener à l'acceptation.
Rajoutez-y un brin de métaphysique, quelques pincées de relations familales, une louche re propos sur la mort et l'immortalité, un dénouement assez estomacant et des persectives vertigineuses, et vous aurez l'explication de ma soudaine verve passionnée et de mes développements un peu mais pas trop) bavards.
A lire. Moi, je file me l'acheter pour retrouver quand cela me chantera les AnimauxVilles.
Ayerdhal et Dunyach, Etoiles mourantes, J'ai lu, coll. Millénaires, 1999, 537 p.