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Lettre d'amour

9782718607276.jpg« Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien. »
 
Dans cette longue lettre à sa femme Dorine, André Gorz revient sur 58 ans d’amour, de vie commune. Il revient sur cette femme qui est si peu apparue dans une œuvre qui, sans elle, n’aurait sans doute pas existé.
Lettre à D. n’est pas vraiment une lettre, pas vraiment une description de la femme aimée. André Gorz parle beaucoup de lui au cours de ces 74 pages, il parle beaucoup de son travail de journaliste, de philosophe, de ses relations avec Sartre et d’autres, de sa tendance à refuser le monde. Mais quand il parle de lui, quand il regarde sans concession ce qu’il a été, il parle d’elle.
Il rend hommage à une femme libre, intelligente, belle et courageuse. Dorine qui a accepté un époux pris par ses théories et ses dogmes, qui l’a aidé à écrire, à travailler, qui a toujours été présente. Dorine qui, par amour, a supporté les vaches maigres, les caprices de son mari, la maladie.
Alors bien sûr André Gorz a une certaine tendance au jargonnage, à l’égocentrisme jusque dans cette lettre qui se voulait centrée sur sa femme, mais l’intensité de certaines pages, de certaines lignes, la beauté de cet amour qui a résisté à tout valent la lecture. Il y a des perles, des moments où le ventre se serre tant ce que dit cet homme enfin rendu à l’amour qui a traversé sa vie, qui a construit sa vie est fort. Un amour comme celui-ci, on ne peut avoir qu’envie de le connaître, de le vivre soi-même.
 
« J’entends la voix de Kathleen Ferrier qui chante : ”Die Welt ist leer, Ich will nicht leben mehr“ et je me réveille. Je guette ton souffle, ma main t’effleure. Nous aimerions chacun ne pas avoir à survivre à la mort de l’autre. »
 
André Gorz et sa femme se sont suicidés ensemble le 24 septembre 2007.

André Gorz, Lettre à D.: Histoire d'un amour, Galilée, 2006, 74 p.

Commentaires

  • J'avais été agacée par l'égocentrisme de cet homme et touchée par cet amour. Leur départ est une dernière preuve de cet amour.

  • Je pense que je ressortirai de cette lecture complètement déprimée. Mais j'ai envie de prendre le risque... une option prêt est-elle possible ? (après Noël, j'arrête, c'est promis! ;-))

  • Le passage que tu as mis en premier pourrait être beau et touchant... Mais je l'ai entendu la première fois à la radio aboyé par un journaliste-roquet, ce qui m'a traumatisée pour la journée ! Belle histoire, cela dit.

  • Je lirais certainement ce magnifique témoignage en tout cas ton billet donne vraiment envie ! ;-)

  • J'avoue que quand j'ai su, j'ai été touchée par leur geste. Et que du coup, j'ai lu ce texte avec un autre regard, celui qu'on peut porter sur un amour qui a été au bout de l'amour.

  • Ben c'est que je l'ai emprtuné à la bibliothèque! Par contre, on peut envisager des aménagements! Je t'en reparle! Et je te garantis que ce n'est pas déprimant pour deux sous! Quoique, quand on voit un amour pareil...

  • Oui, j'imagine que ça n'aide pas en même temps que le café! Je compatis ;-) Mais bon, c'est tellement romantique tout ça!

  • Merci Florinette!

  • Hum, l'histoire d'amour, j'veux bien, mais le suicide, bof...

  • C'est sûr que personnellement je ne l'envisage pas pour tout de suite le suicide de couple! Mais le geste est beau: sachant qu'il allait la perdre, il a préféré partir avec elle.

  • j'ai trouvé ce livre extrêmement touchant dans sa démarche et l'essai de sincérité absolue que l'auteur recherche en écrivant. De grandes belles phrases sur l'amour, le mariage, la fidélité. Une aventure de la vie à deux qui vaut ce bel hommage . L'annonce de leur suicide ne pas pas vraiment étonnée.

  • Moi non plus en fait même si je n'avais pas encore lu ce texte. Je savais par ce que j'avais lu dessus, l'amour qui les unissait. L'égocentrisme dont fait preuve André Gorz quand il parle plus de lui que d'elle est aussi touchante quelque part parce qu'à travers ce qu'il dit de lui, on voit se dessiner le portrait de sa femme. Il est dans une sorte d'autocritique en fait. En tout cas, un texte magnifique.

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