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tout cet amour de la littérature française est follement enthous

  • Le roman de monsieur Molière - Mikhaïl Boulgakov

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    Boulgakov est sans nul doute beaucoup plus connu pour son chef d'oeuvre Le maître et Marguerite que pour Le roman de monsieur Molière. Pourtant, pourtant, dieu sait que ce roman biographique, ou cette biographie romancée de cet immense dramaturge est un petit bijou qui mérite d'être lu, relu et lu encore.

    C'est toute la vie de Molière qu'il déroule sous les yeux ébahis du lecteur, de l'adresse extraordinaire qu'il fait à la sage-femme qui accouche madame Poquelin aux derniers souffles de l'homme de théâtre qui aura marqué de son empreinte la vie culturelle de son temps et l'histoire française. On sent l'amoureux de Molière, de la littérature française. Impossible de ne pas se retrouver emporté par l'enthousiasme de l'auteur, par sa plume enlevée, drôle, tragique quand il le faut. Car il n'hésite pas à aborder tous les aspects plus sombres de la vie de Molière, ses relations amoureuses chaotiques, sa dépression, son attitude face à l'échec, faisant de lui un personnage pleinement vivant et humain. Il faut dire qu'avec une telle matière, il y a de quoi faire: la vie de Molière est faite d'amours contrariées, de dissensions familiales, il y a du suspense, des rebondissements inattendus, des drames et de grandes joies. Les anecdotes rendent le récit passionnant et vivant. Boulgakov assume parfaitement la position de narrateur, choisissant les épisodes qu'il veut conter. On croirait par moment l'entendre dire à voix haute son histoire, tenir son auditoire en haleine.

    A cela s'ajoute une analyse extrêmement fine des relations de l'art au pouvoir.Il est beaucoup question de l'amitié étrange qui a lié Louis XIV à l'homme de théâtre. Le roi soleil fut rien de moins que le parrain d'un des enfants morts en bas âge de Molière. De là l'attitude de Molière face à ses détracteurs, ses audaces dans la dénonciation du pouvoir politique, religieux, ses moqueries envers les travers de ses concitoyens. De là aussi bien des malheurs et des déceptions, la peur de mal écrire, de déçevoir. Il y a la censure aussi, qui parfois tranche à vif. C'est passionnant de voir à quel point ces pièces qu'on étudie adolescents, auxquelles on sourit aujourd'hui ont pu provoquer le scandale en leur temps. Il faut dire que Molière n'y allait pas avec le dos de la cuillère. A relire ses textes, à les voir mis en scène, on se rend compte de la charge dont ils sont porteurs et de leur incroyable actualité. Les tartuffes, les précieuses ridicules, le bourgeois gentilhomme, l'avare, nous sommes susceptibles d'en croiser tous les jours.

    J'ai dévoré les 283 pages du roman en trois heures, ne voulant pas abandonner Molière dans les événements grands et petits de sa vie. C'est un magnifique roman, une lecture passionnante et agréable qui donne envie de lire ou relire du théâtre, d'aller le voir pour rendre hommage à ceux qui savent si bien faire du monde une scène...

    Chroniqué dans le premier podcast du Gang des LIT.

    Boulgakov, Mikhaïl, Le roman de monsieur Molière, Folio, 1993, 5/5