Ricky et G-Man sont amis, amants et partagent, outre la même maison, un amour dévorant de la cuisine. Las de travailler pour d'autres, ils se décident à ouvrir leur propre restaurant. Le concept: l'alcool. Parfait pour leur Nouvelle-Orléans, toute de démesure et d'ébriété. Mais malgré l'aide du célèbre cuisinier Lenny Duveteaux, cela ne va pas se faire sans moult difficultés et rebondissements.
Ce n'est pas vraiment un secret, je suis gourmande. Rien d'étonnant donc à ce que la mention d'une aventure culinaire sur une quatrième de couverture attire mon attention. Et rien d'étonnant à ce que j'ai salivé pendant toute la durée de ma lecture, quand on considère le talent de Poppy Z. Brite. D'elle, je ne connaissais jusqu'alors que les histoires de vampires sombres, extrêmement violentes, trash parfois, éreintantes pour le lecteur en même temps que fascinantes. Voilà que je découvre une autre facette de son oeuvre, dans laquelle elle se livre à une incroyable débauche de senteurs et de goûts. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Poppy Z. Brite a l'écriture sensuelle! La Nouvelle-Orléans devient sous sa plume un décor poisseux, sulfureux, sombre et étouffant, parfait pour le roman noir simple et efficace qu'elle offre à ses lecteurs. On y découvre les bars, les traditions de carnaval et des fêtes des saints, les beaux quartiers et les ghettos. Mais Alcool n'est pas seulement le récit des aventures de deux cuisiniers débrouillards et abonnés aux ennuis. L'auteur offre à travers les aventures de ses deux héros une découverte passionnante de l'univers des cuisines, de la création d'un restaurant et de nouveaux plats. La lire avec l'estomac vide relève de l'impossible. Rien que pour vous en donner une idée, un extrait du menu d'inauguration: roulés de prosciutto aux figues marinées au calvados et sa crème au bleu et au calvados, salade de crudités, noix de macadamia Mandrego et vinaigrette à l'eau-de-vie de noix, filet de sébaste en croûte de pécan nappé de beurre blanc au rhum... Et il n'y a rien de lourd ou d'indigeste dans tout ça! Il faut dire que les deux héros et leur entourage sont particulièrement frappés et attachants du même coup: un peu malfrats sur les bords, illuminés parfois (créer un dessert avec un masque mortuaire de Napoléon en chocolat et une glace au camembert... mais quelle idée), joyeux et bordéliques, corrompus par une tomate mûre à point, capables de faire un cours sur l'origine des olives, ils ont tous une épaisseur qui en fait des vieux copains.
Qui plus est, Poppy Z. Brite fabrique une bien jolie histoire d'amour avec ses deux cuistots: un vieux couple, avec ses hauts, ses bas, des habitudes parfois attendrissantes, parfois hilarantes. On a envie de les suivre, de savoir ce qu'ils vont devenir. On frémit à leurs disputes et sourit à leurs réconciliations.
Bref, c'est fin, c'est goutû, ça s'avale sans faim aucune et avec un plaisir certain!
La critique du Cafard Cosmique, l'avis de Nicolas G, d'Amanda, de Cuné, des échos sur Critique Libre.
Poppy Z. Brite, Alcool, Au Diable Vauvert, 2008, 4/5