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Littératures japonaises - Page 4

  • La dame aux camélias

    Troisième roman d'Aki Shimazaki à mon compteur. Cette fois, il s'agit du premier volet de ce que l'on appelle Le poids des secrets. Dans Tsubaki, c'est le point de vue de Yukiko sur la relation adultère de son père et sur les conséquences de cette relation qui est donné. Dans une longue lettre post-mortem à sa fille, elle lui révèle l'existence de son demi-frère et le secret qu'elle a si longtemps caché.

    Comme dans Hotaru, la narration tourne autour du secret et de la filiation. La question qui irrigue cette oeuvre est finalement: que savons nous de nos parents et de leur vie. Ce que cachent ceux que nous pensons connaître, et ce que cachent les silences dont nous avons conscience peut être tellement profond qu'en prendre connaissance peut radicalement changer la perception de la vie même.

    On y retrouve également la même réflexion sur la guerre et la barbarie humaine. Sous un biais différent. L'exercice de changement de point de vue est vraiment intéressant.

    Je ne vais pas disserter des heures, mais chacun de ces courts romans est une petite merveille. Parvenir à dire tant en si peu de pages...

    Aki Shimazaki, Tsubaki, Babel (Actes Sud), 2005, 114 p.

  • Lucioles volent

    C'est le deuxième roman d'Aki Shimazaki que je lis. J'y ai retrouvé cette écriture "tranquille" et limpide qui m'avait déjà marquée. En fait, je m'y suis très mal prise puisqu'il s'agit du cinquième volet d'une série qui traite du secret. Une jeune fille, Tsubaki apprend de sa grand-mère mourante un lourd secret de famille.

    On suit tout au long des 137 pages l'évolution de Tsubaki. Ses interrogations, amoureuses notamment, vont trouver leur solution dans ce que va lui révéler l'aïeule. Ce que j'ai trouvé particulièrement appréciable, c'est qu'il n'est pas question de "ma vision de la vie a changé". Pas de grands bouleversements familiaux, de révélations collectives fracassantes. On ne sait pas ce que Tsubaki va faire, sauf sur un point précis. Beaucoup de tendresse et de respect dans le regard de cette jeune fille sur sa famille. Et toujours cette manière toute en finesse de parler de la société japonaise, de ses us et coutumes, sans en avoir l'air, d'aborder des moments d'histoire (dans ce cas, la bombe A). En fait, sous son apparente simplicité, l'histoire entremêle l'Histoire, et l'histoire de ces hommes et de ces femmes, tissant des liens qu'on devine, liens complexes de souffrance, de remord et d'attachement amoureux ou filial.

    C'est aussi un roman sur l'amour et la naiveté, sur les illusions déçues de femmes qui ont cru ceux qui ont fait d'elles des femmes de mauvaise vie au regard de la société, avec en regard, la beauté qui irradie d'un couple en apparence parfait, et d'autant plus beau que le mensonge n'est pas parvenu à le détruire. Le symbole des lucioles qui s'envolent, très fort, est une promesse pour ce couple.

    C'est un auteur que j'apprécie de plus en plus. Je vais poursuivre avec curiosité et plaisir la lecture de ce cycle. En commençant par le début!

    Hotaru, Aki Shimazaki,Leméca/Actes Sud, 2004, 137 p.

  • Jouer à mort

    Ce court roman du prix Nobel de littérature japonais dont j’abordais pour la première fois l’œuvre, m’a transporté dans un monde que je ne connaissais guère que par le manga Hikaru no Go. Il n’y règne bien évidemment pas la même atmosphère. Rien de léger, ou de drôle n’entache la tension qui parcourt ces 158 pages.
    L’histoire est très simple : un vieux maître de Go, Maître Shusai met une dernière fois son titre en jeu et affronte au cours d’un tournoi de trois mois un autre joueur de haut niveau, bien plus jeune, Otaké. Il décède peu de temps après ce tournoi qui voit sa défaite.
    Je ne révèle rien de bien important, puisque cette défaite est connue dès le début du roman. Ce n’est pas cette défaite qui est importante, mais le déroulement de la partie de Go, l’attitude des deux joueurs, à défaut de leurs sentiments.
    C’est un roman qui me laisse un sentiment étrange. A mon sens, c’est le combat entre tradition et modernité qui en est le thème principal. La défaite du vieux contre le jeune, du nouveau Go contre l’ancien reflète les évolutions d’un Japon qui va entrer dans la Seconde guerre mondiale et changer radicalement. Deux esprits, deux manières de vivre s’affrontent sur un damier.
    J’avoue avoir rapidement perdu pied dans les explications techniques et la succession des coups. Mais cela n’enlève rien au fait que la description de ce jeu et de la manière de le vivre est assez fascinante. Car il ne s’agit pas de simplement jouer. Les professionnels du Go sont habités par leur discipline, au point de se laisser dévorer par elle et de finalement en mourir. Par ce côté, Kawabata met aussi face à face Orient et Occident quand le narrateur joue une partie contre un Américain : « Toute question de science mise à part, je ne sentais pas de réaction, pas de tonus, pas d’esprit de résistance. […] L’esprit du Go faisait défaut. […] Chez les Orientaux, le jeu dépasse le jeu, le conflit de forces, pour devenir un art et une discipline empreints d’un certain mystère, d’une sorte de noblesse. » Chez les Occidentaux, il reste un simple jeu.
    J’ai aimé, mais sans passion. Il ne s’agit sans doute pas du meilleur roman pour aborder l’œuvre de ce romancier. Sentiments à confirmer par une autre lecture donc. Comme on dit, la suite au prochain épisode !
    Yasunari Kawabata, Le maître ou le tournoi de Go, Le Livre de Poche, coll. Biblio, 1e éd. Française Albin Michel 1975, 158 p.

  • Une existence tranquille

    Une œuvre qui laisse un goût étrange dans la bouche. L’écriture est très neutre, et contraste avec la dureté des propos que tient Mâ, la narratrice. Son père, K. (sic.) écrivain célèbre (re-sic.) est parti en résidence dans une université californienne, accompagnée de sa mère. Ils l’ont laissée seule avec le benjamin de la famille qui prépare son entrée à l’université et, surtout, l’aîné, Eoyore, handicapé mental. C’est le récit de leur vie au cours de l’absence des parents que fait Mâ. Et à travers ses réflexions sur les événements de la vie quotidienne, ses lectures et travaux universitaires, transparaît la dureté de rapports familiaux marqués par le handicap et par le comportement torturé du père. L’existence tranquille qui donne son titre au roman est loin de l’être.
    Les thèmes abordés par le roman extrêmement variés et intéressants : foi et religion, regard de la société sur le handicap, processus de création, relation de l’écrivain à son entourage et la société qui l’entoure, l'amour fraternel. Les réflexions menées par les personnages sont parfois passionnantes au point que j’en viens à m’intéresser au cinéma de Tarkovski qui me laissait totalement indifférente.
    Mais je serais bien en peine de dire si j’ai réellement aimé ce roman alors même que je ne l’ai pas lâché. Passionnant mais pas agréable ! Je l’ai trouvé d’autant plus terrifiant qu’Oé s’est inspiré de sa propre situation familiale pour l’écrire. Et qu’il donne de lui-même une image rien moins que sympathique. Il joue tout au long du livre sur des mises en abymes, et se dévoile sans trop donner l'air de le faire. C'est en tout cas l'impression que j'ai. Je ne sais pas si c'est le cas dans d'autres de ses romans.  La lecture des interviews qu’il a données à la presse et les renseignements existants sur sa vie et son œuvre confirment cet ancrage à la limite de l’autobiographique.
    Un roman étrange donc, mais qui donne malgré tout envie de découvrir d’autres œuvres de ce grand monsieur de la littérature japonaise.
     
    « Personne ne donnera sa vie pour toi, ne t’imagine pas que cela puisse arriver. Tout le monde te gâte sous prétexte que tu es un enfant intelligent, mais ne t’imagine pas trouver quelqu’un pour accorder plus de valeur à ta vie qu’à la sienne. Tu tomberais là dans la pire déchéance que puisse connaître un être humain. », paroles d’un père à son enfant…
     
    Kenzaburô Oé, Une existence tranquille, Paris : Gallimard : 1985. 285 p. (Du monde entier). ISBN : 2070730468.