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  • Eloge de la lecture: comme mêler travail et plaisir

       
    Je viens juste de terminer dans le cadre de mon travail la lecture d'un   merveilleux petit essai: Eloge de la lecture. La construction de soi de Michèle Petit. Pour la bibliothécaire en devenir que je suis, la réflexion est intéressante même si aucun des éléments qui sont utilisés ou apportés n'est fondamentalement nouveau.
    Michèle Petit s'emploie au cours des 159 pages de son ouvrage montrer, démontrer et expliquer le rôle des livres, des textes dans la construction d'une identité et dans l'émancipation de l'individu. Elle montre pourquoi cette lecture, qui est éloignement du groupe dès lors que la lecture silencieuse naît mais aussi ouverture au monde et à la critique était, et est encore considérée comme dangereuse.
     
    Mais le plus intéressant à mon sens est son regard sur le discours tenu par les intellectuels, médias, éducateurs sur la lecture: "Les jeunes ne lisent plus", "Il faut lire".
    Ce discours que l'on entend depuis quelques années, les débats sur la lecture à l'école (ou faut-il ne faire lire que des classiques à nos chérubins, introduire ou ne pas introduire la littérature jeunesse) me hérisse le poil à titre personnel. Déjà parce qu'il ne correspond pas à une réalité complexe que les études menées sur le sujet par des gens comme Christian Baudelot dévoilent. Ensuite parce que je pense très sincèrement, que s'il faut donner aux enfants les clés qui permettent d'analyser les textes, et leur faire toucher les monuments de notre littérature, il n'en reste pas moins que la manière d'enseigner la lecture et le livre reste profondément utilitariste.  Et ne laisse que peu la place au simple plaisir de rencontrer un texte, d'y trouver les échos qui nous permettent de grandir et de mieux vivre. "Lisez pour réussir mes enfants!", "Lisez des histoires qui vous instruisent et répondent à vos questions!" (histoire que nous n'ayons pas à y répondre?). Je trouve ça triste. Parce que sans plaisir, sans rencontre avec un auteur ou un texte, la lecture ne peut pas de toute manière aider le lecteur.
    Bien sûr qu'il ne faut pas priver la jeunesse et les autres de la "grande littérature", bien sûr que la construction d'un "vivre ensemble" passe par la constitution d'une culture commune. Mais l'accès à cette culture ne serait-elle pas plus facile si le plaisir, le désir était au rendez-vous dans la lecture? Et si l'injonction de lire n'agissait pas comme un repoussoir pour une partie des jeunes générations? Comme l'écrit Michèle Petit, « Il y a probablement une contradiction irrémédiable entre la dimension clandestine, rebelle, éminemment intime de la lecture pour soi, et les exercices faits en classe, dans un espace transparent, sous le regard des autres. »
    Ou encore, du maître René Diatkine : « Rien ne fait plus perdre le goût de la lecture que le questionnement, intrusion indélicate dans un espace où tout est particulièrement fragile. »
     
    La critique est virulente, mais constructive par le fait qu'elle s'inscrit dans une réflexion à la fois littéraire, psychanalytique, historique et sociologique. L'œuvre touche parce qu'elle provoque chez celui qui la lit une réflexion sur son propre chemin de lecteur, et des échos avec des moments, des pratiques de lecture, des plaisirs. Et reste de toute manière, le rare bonheur qu'il y a à lire les témoignages d'écrivains grands et petits, de lecteurs sur leurs lectures et leurs relations au livre.
    Je ne résiste pas au plaisir de livrer un de mes passages préférés: "C'est une curieuse transmutation celle par laquelle des oeuvres qui sont souvent le fruit des mouvements les plus intimes des écrivains, des artistes, des philosophes, qui disent leurs passions, leurs détresses ou leurs joies, sont agrégées les unes aux autres et converties en une sorte de monument officiel et pompeux [...] Quand ils déconstruisent le monument et dérobent quelques lignes, une métaphore, les lecteurs ne font que reprendre leur dû, pour réaliser leur propre assemblage, leur propre bricolage; pour retrouver aussi, dans le plaisir du dialogue, le geste d'un peintre, la voix d'un poète, le chant d'un fleuve, l'étonnement d'un savant ou d'un voyageur, et s't abriter."
    Un bel hymne à la liberté du lecteur et à la richesse intérieure qu'amène la lecture.
    Michèle Petit. Éloge de la lecture la construction de soi .Paris : Belin, 2002. 159 p. ; 22 cm.(Nouveaux mondes). ISBN 2-7011-3242-8 : 14,95 €.
     

  • Le dit de Frontier, t.1, Musiques de la frontière

                                                      Comment faire passer l'émotion qui m'a serré le ventre le jour où j'ai lu les premières pages de ce livre pêché au hasard de mes errances dans les rayonnages d'une bibliothèque municipale...La première chose qui m'a frappée c'est la richesse de l'écriture, de la voix de l'écrivain. Une voix qui fait immédiatement et irrémédiablement basculer dans un autre monde où la poésie et la violence se mêlent. Une voix qui ressemble un peu à une toile d'araignée, tant il est difficile de s'en libérer.
    Il est difficile pour moi de donner un résumé de ce recueil de nouvelles qui lui rende justice.
    Je peux donner la présentation de l'éditeur, qui a fait ce qu'il a pu le malheureux : "Début des années 2000... des enfants "différents" apparaissent dans des familles humaines. Doués de physiques et de pouvoirs étonnants, ils sont très vite assimilés aux changelings, les enfants-fées, et soupçonnés d'avoir été laissés en substitut des véritables enfants mortels. Commence alors une cabale sans précédent, aboutissant à l'abandon en masse de ces enfants dans des Centres, prisons et mouroirs gérés d'une poigne de fer. De cette génération perdue, et sous l'égide d'un chef charismatique, Shade, émergera une rébellion qui amènera ces enfants devenus grands à hanter nos cités, à mettre le feu dans les rues. À travers guerres des gangs et courses éperdues, sacrifices et actes de fraternité, suivez les destins de Shade et Ash, Fallen et Jay Hunter et Gift, d'une vie délivrée de ses chaînes vers un havre promis, une cité mythique au bord du monde. La ville-fée de Frontier, où les arbres poussent dans les maisons et la magie régit le quotidien ».
    Le recueil commence par une nouvelle bouleversante, "Runaway Train", qui conte l'histoire d'un amour fraternel fou. Need, jeune humaine décide d'emmener son changeling de frère vers Frontier, la ville de ceux qui ont pris pour eux le nom de fays
    Ce sont les thèmes de l?amour, de l?amour fraternel, de l'amitié, de la confiance qui vont irriguer les 12 nouvelles du recueil. Sans pour autant sombrer le moins du monde dans la mièvrerie, piège dans lequel il est si facile de tomber, dès lors que l'on raconte des histoires où l?amour, la loyauté, vécue et exprimée est présente. Car la violence est bien présente dans l?univers de Léa Silhol : violence physique, violence morale, violence d?un monde qui perçoit ce qui est différent comme menaçant, sauvagerie. En cela, Musique de la Frontière donne une description très réaliste, et très pessimiste de notre monde. D'un monde qui a presque oublié ce que la solidarité et l'amour veulent dire.
    Les personnages même sont un choc. Figure de l'altérité, ils sont aussi une sorte de portrait de ce que l?humanité devrait être. J'avoue être tombée amoureuse d?eux, les uns après les autres.
    La construction même du recueil participe de l'émerveillement. De nouvelles en nouvelles, de personnages en personnages, des liens et une chronologie se créent, et l'univers de Léa Silhol se tisse progressivement sous nos yeux. Ce qui est intéressant, c'est que cet univers ne se limite par au Dit de Frontier. L'ensemble de l'oeuvre de l?auteur est lié. Et elle y fait montre d?une remarquable maîtrise de la littérature féerique et fantastique, d'une connaissance profonde des mythes et du folklore celtes, voire d'Europe. Une filiation qu'elle revendique apparemment puisqu'on peut lire dans un article (Fées et Fantasy, un mariage heureux ?) : « C'est une littérature difficile, qui laisse peu de place à l?improvisation, mais incite à se plonger dans une tradition immémoriale de créateurs de codes, de celle qu'ont suivi des générations de concepteurs de mythes et de contes avant nous ».
     
    Pour finir, une citation de Voix de sèves, la nouvelle la plus longue, et une des plus belles du recueil par la synthèse qu?elle fait de tout ce qui la précède : « Et je comprends maintenant ce que disait Ash lorsqu'il parlait de l'Hozro, de ce qu'il nomme la beauté. Cette harmonie, cet éblouissement, cette paix qui monte vers le ciel avec des voix de sève, la voix des livres nés d?arbres vivants, sans que rien n?ait été retranché ou dépensé pour nous donner cet indispensable « plus », cet incalculable apport à nos vies, toutes les choses qu'ils peuvent nous dire de l'intérieur et de l'extérieur, de nous-même et du monde [...] Je l'ai trouvé ici, mais c'est partout. Si tant est qu'on se donne le mal d'aller au bout de quelque chose, et d'aller au bout de soi-même. Et je souhaite pour toi l'harmonie et l'éblouissement, la grâce et la paix, la Beauté dans laquelle on marche comme si le seul fait d?avancer était un accomplissement en soi. »
     
     
    Léa Silhol, Le Dit de Frontier, Tome 1 : Musiques de la frontière. Montpellier: L'Oxymore: 2004. 314 p. (Moirages). ISBN-10: 2913939473

  • Le gang des LIT, sommaires des émissions

    Gang des LIT, part 1

    Dans la poche: les livres de poche         00.19
    Mikhael Boulgakov, Le roman de monsieur Molière, Gallimard Folio  par Chiffonnette

    Cour de récré:  la jeunesse          2.53
    Galit Fink, Mervet Akram Sha'ban, Si tu veux être mon amie, Gallimard Jeunesse par Stephanie
    John Marsden, Lettres de l'intérieur, L'école des loisirs Médium par Stephanie
    John Boyne, Le garçon au pyjama rayé, Gallimard jeunesse par Fashion
     
    Mauvais genres: les littératures de l'imaginaire          9.37
    Pierce Anthony, Le monde de Xanth, Lunes pour caméléon, Miladypar Chiffonnette
    Arleston et Tarquin Lanfeust, Soleil parChiffonnette
     
    Avec des bulles: du côté de la BD        15.34
    Morel, Rabaté, Bien des choses, Futuropolis par Fashion
     
    Rentrée littéraire         18.11
    Julia Franck, La femme de midi, Flammarion par Chiffonnette
    Jocelyn Bonnerave, Nouveaux indiens Seuil par Fashion

    Ils n'auraient peut-être pas dû: cinéma         23.33
    Ma vie pour la tienne par Stephanie
     
    L'actu des blogs      27.34: