« C’était ça. C’était comme ça. Jack a dit que c’était tout. Qu’avant de lui en vouloir, il fallait attendre de savoir. Que c’était son père. Que c’était mon ami. Et que c’était un traître aussi. »
Tyrone Meehan est un héros. Il est aussi un traître. Pourquoi, comment, sont les questions que va se poser Antoine le luthier français, perdu dans un conflit qu’il voudrait sien et qui ne peut l’être.
Mon traître est un roman qui me laisse un sentiment mitigé. Mitigé parce que j’ai par certains aspects absolument adoré, et par d’autres, été profondément agacée.
Commençons par le commencement. Le thème d’abord : l’Irlande du Nord des années 970 à nos jours. L’Irlande du Nord avec sa guerre de religion, sa guerre d’argent et de pouvoir. L’Irlande du Nord avec sa tourbe, sa bière et ses gens. La pauvreté et la solidarité. La haine et la foi. L’amour et la souffrance. Le portrait de ce pays déchiré et de ses habitants touche au cœur. Ces femmes en souffrance qui portent l’amour de leurs familles mais aussi le poids de la religion, de l’engagement politique, de la guerre et des morts. Ces hommes pathétiques qui trouvent dans l’engagement politique un exutoire à la misère et la haine de ceux qui le maintiennent dans cette misère, et un espoir aussi, celui de temps où enfin ils seront traités comme des êtres humains. On se souvient en les rencontrant à quel point la ségrégation n’est pas toujours une affaire de couleur de peau, mais que l’argent, et la religion peuvent faire autant de dégâts.
Et puis il y a le miroir : Chalandon a réellement connu ce traître. Les noms sont modifiés bien sûr, mais Tyrone Meehan a vécu. Et Antoine le naïf, Antoine le perdu a été un peu Sorj Chalandon. A travers ces deux personnages, il y a le questionnement d’un homme sur son engagement, sur l’engagement de l’autre.
Tyrone Meehan, le héros, le grand l’homme fort. Le traître. Celui dont on ne peut comprendre le geste. Pourquoi a-t-il trahi ? Pour qui ? Qu’est-ce que la trahison ? Quand on trahit, trahit-on une cause seulement ou aussi les hommes autour, sa famille, ceux que l’on aime et qui croyaient en nous ? Les questions, Sorj Chalandon les pose. Et il n’y répond pas ou seulement partiellement. Car la trahison est acte intime. Ce qui y pousse un homme n’appartient qu’à lui : amour, haine, appât du gain, lassitude, goût du risque, acte suicidaire…
Tout comme l’engagement est acte intime : ce qui pousse Antoine vers l’Irlande et l’IRA, c’est un peu de romantisme, un peu de solitude, un peu de beaucoup de petites choses. Ce qui fait de lui un homme souvent agaçant avec sa vision simpliste des choses, son engagement sans grands risques. A mon grand regret, c’est aussi un homme par qui passent les clichés : guerre propre, musique traditionnelle, bière brune épaisse… Et un certain voyeurisme à mon sens : les gentils catholiques irlandais, les méchants anglais, les chars et les manifestations, la douleur qu’il voit à chaque coin de rue ne peut réellement devenir la sienne. En même temps, il perd beaucoup : il approche l’Irlande, mais il y perd son innocence, sa pureté. Il n’y gagne guère que déception et colère, souffrance et doute. Et le sentiment d’avoir été une bouffée d’air pour ceux qui étaient ses amis.
Le bémol pour moi : le style qui sans me gêner outre mesure m’a parfois un brin laissée perplexe…
Sorj Chalandon, Mon traître, Grasset, 2007, 275 p.
Sorj Chalandon, Mon traître, Grasset, 2007, 275 p.
Commentaires
Je vais déjà lire "une promesse". Mais ces thèmes m'accrochent bien. La lutte armée est le stade ultime de la résistance et nous parlions de cela justement dans le collectif antidélation que nous avons constitué dans ma région.Ce sujet m'intéresse.
Moi aussi, je suis intéressée par le sujet. Mais comme les avis sont vraiment mitigés ou partagés, je vais attendre en poche... dans quelques éternités, peut-être!!!
Et cette résistance doit être le dernier stade tant elle fait de dégâts d'un côté comme de l'autre. C'est effectivement un de thèmes traités dans Mon traître!
Le poche est une bonne solution dans ces cas!!! Mais une éternité??? Quand même ;-D
Je commencerais par "Une promesse", après je verrais bien... ;-)
Chalandon a un style particulier, c'est vrai. Quand j'ai lu Une promesse, j'ai été un peu gênée au début, et puis je me suis laissée porter. Je lirai celui-ci, car en plus il parle d'irlande...terre de mes (lointains, il est vrai) ancêtres!
Il a l'air vraiment bien celui-ci! Moi je vais donc continuer par!!
Même lointains... C'est quand même un beau chant d'amour à l'Irlande!! Mais j'ai ue plu de mal à me faire porter comme tu dis. Je vais quand même lire Une promesse! Peut-être qu'à force, je vais me laiser embringuer moi aussi! ;-)
Comme j'ai bcp aimé 'une promesse' je pense que je lirais celui ci un de ces jours.
Moi ce sera le chemin inverse!