Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

voleurs

  • L'empire ultime - Brian Sanderson

    766019.jpgDepuis plus de 1000 ans, le Seigneur Maître règne sur le monde par la tyrannie et la terreur. Sous sa férule et celle de ses inquisiteurs, les nobles commercent et pratiquent, pour certains, l’allomancie, les skaas, esclaves, triment jusqu’à la mort. Mais sous les pluies de cendre et dans les brumes, quelque chose se réveille. A commencer par Vin, une jeune voleuse skaa que ses pouvoirs allomantiques hors du commun font remarquer par Kelsier, le plus célèbre voleur de l’Empire, dont le dernier projet n’est rien moins que renverser le Seigneur Maître.


    Comme dirait une de mes connaissances, tout ceci est fort, fort original : imaginez donc, une héroïne/un héros qui se découvre des pouvoirs (rayez la mention inutile)! Fichtre ! Et puis une bande de joyeux aventuriers/voleurs/magiciens (rayez la mention inutile) qui se lance dans une quête/guerre/aventure (rayez de nouveau la mention intuile) !! Et un grand méchant pas beau pourvu de super pouvoirs qui lui permettent de pourrir la vie de tout le monde ! On verrait deux trois créatures bizarres errer dans le coin qu’on ne serait pas surpris. Ah, oui, en fait il y a des créatures bizarres qui errent dans le coin. Original je vous dis, suivez un peu !

    Ca, c’est que j’ai dit en découvrant la quatrième de couverture. Après j’ai pris la mesure de l’objet, soupiré sur la propension des auteurs de fantasy à déverser des torrents de pages sur leurs pauvres lecteurs et la perspective d’une énième trilogie. Avant de gémir en ouvrant la chose et en découvrant des marges réduites, une typo serrée et 600 pages qui me regardaient la bouche en cœur. Et de grogner en revenant sur la couverture pour découvrir un « Vivement recommandé » de Robin Hobb. Je suis comme ça, j’ai mauvais esprit. Et j’aime ronchonner.

    C’était donc assez mal parti entre Brian Sanderson et moi. Mais ça s’est bien, très bien terminé. J’ai eu beau grogner, soupirer, gémir, c’est avec le sourire satisfait et repu de l’amatrice-du-genre-dont-on-ne-s’est-pas-fichue que j’ai terminé L’empire ultime.

    Parce que dans L’empire ultime, vous trouverez :

    - un héros viril qui cache sous son sourire un grand drame et les bobos qui s’y rattachent dont un certain nombre de cicatrices ;

    - une bande de guignols prêts à tout pour le suivre ;

    - une héroïne cruchette mais finalement pas ;

    - un noble aux nobles sentiments, surtout amoureux ;

    - de l’amitié ;

    - de la noblesse et de l’honneur ;

    - de l’amour (une larmichette) ;

    - un grand méchant pas beau esclavagiste et tortionnaire avec des pouvoirs funky ;

    - de la stratégie ;

    - un peu de cuisine ;

    - de la baston enthousiasmante.

    Sans rire, l’empire ultime, c’est de la bonne. Bon, certes, il y a quelques défauts dont je vais parler très vite pour les oublier tout aussi vite puisque j’ai pour projet de hurler mon enthousiasme. D'accord, l’intrigue ne casse pas des briques. Oui, on aperçoit deux ou trois petits bouts de ficelles, par ci par là. Effectivement, c’est par moment un brin longuet. Mais avec tout ça, Brian Sanderson construit un univers politiquement crédible, intéressant et y fait bouger des personnages qui, pour archétypaux qu’ils soient, sont fouillés et deviennent très vite terriblement attachants ou terriblement détestables. Il maîtrise son intrigue de bout et bout, et à chaque fois qu’on pense avoir tout compris, sort un atout d’une manche histoire de brouiller un peu les pistes. Or, s’il y a une chose que j’adore, c’est me faire mener en bateau.

    Mais développons un brin cette analyse de haute volée.

    Le cadre déjà: celui d’une terre dévastée, d’une tyrannie religieuse à la tête de laquelle se trouve le Seigneur Maître, déifié pour avoir vaincu 1000 ans auparavant l’Insondable, monstre dont on ne saura rien sinon qu’il a manqué détruire la terre. Sous les chutes de cendres et dans les brumes, se dessinent les contours d’un monde désespérant et désespéré où la plus grande partie de la population se contente de survivre et de s’endurcir pendant que les nobles s’adonnent aux intrigues politiques et aux plaisirs de la vie. Ce monde un petit groupe de voleurs, d’aventuriers et de rebelles va tenter de le renverser pour donner, enfin, la liberté aux skaas. Et quel groupe ! Une bande de salauds sans beaucoup de scrupules mais le cœur sur la main et le sens de l’amitié chevillé au corps :: il y a le charismatique Kelsier, Vin, l’adolescente paranoïaque, Sazed l’intendant aux étranges capacités... Leurs aventures m’ont tenue en haleine pendant 600 pages, tant les fils des intrigues et des secrets se croisent et s’entrecroisent. Le tout est saupoudré d’une pincée de découverte amoureuse et de découverte tout court, Vin ouvrant les yeux sur un monde complètement différent de celui dans lequel elle a grandit (coups, faim, trahisons and co, idéal donc) et sur quelques petites choses comme l’amitié, la confiance, le sens d’un engagement, la fascination du pouvoir et de la richesse, la manipulation, l'injustice, et l'allomancie. L'allomancie, autre point fort du roman! Pour une fois, pas de sorts et de contre-sorts, mais un système fondé sur la manipulation des métaux, une faculté étrange mais finalement "naturelle", dévolue à certains. J'ai beaucoup aimé découvrir avec Vin le système de classement des métaux et sa prise de conscience de sa nature de Fille-des-Brume, une des rare personne à pouvoir utiliser tous les métaux, la suivre en train d'en maîtriser les effets, d'en tester les limites.

    J'ai aussi particulièrement apprécié le fait que Brian Sanderson n'hésite pas à malmener ses héros, à les parer de quelques défauts et failles, comme Keslier et sa tendance à classifier le monde en blanc et noir quand il s'agit des nobles, ou Brise et son arrogance... Et qu'au-delà de la quête, on suive surtout la préparation d'un casse hors du commun dans son ampleur et ses ramifications.

    Bref, c'est une bonne histoire, bien écrite (ou plutôt très bien traduite, bravo Mélanie Fazi pour ce travail superbe) et maîtrisée, qui, cerise sur le gâteau, ne se termine pas sur un climax idiot: l'histoire se termine, on devine tout juste les développements que les quelques indices et questions posés au fil des pages laissent augurer.

     

    Sanderson, Brian, L'empire ultime, Fils-des-Brumes t.1, Orbit, 2010, 4/5