Fedia et Vania sont apprentis mécaniciens de la marine soviétique. L'amitié profonde qui les lie, scandée par les dimanche passés dans une anse face à la mer leur permet de garder intacte un peu d'innocence et de rêve. Jusqu'à l'affectation, l'inévitable séparation, et l'oubli. Jusqu'à la rupture de la promesse qu'ils s'étaient fait.
Cette promesse faite par deux garçons à peine sortis de l'enfance est celle de ces amitiés éternelles que l'on peut nouer parfois à l'adolescence, avec le sentiment que rien ni personne ne pourra jamais les briser. Une amitié absolue, profonde, viscérale, au point que l'on se demande à quel point ce n'est pas un amour contrarié par le poids du regard de l'institution militaire et de la société. L'histoire de ces quelques mois de formation, de cette amitié, le lecteur la découvre à travers les souvenirs de Fedia qui remonte vers la source d'un lac, puis vers la source de la rivière qui alimente le lac. Ce temps de navigation, à la rame, au moteur avec les rencontres de hasard que l'on fait aussi sur l'eau est l'occasion pour lui de se remémorer cette amitié brisée il y a si longtemps et qui n'a plus aucune chance de revivre puisque Vania est mort. La symbolique est forte: ce trajet que fait Fedia est une remontée physique, mais aussi mentale vers vers l'événement fondateur de son passage à l'âge adulte. Fedia cherche l'endroit parfait pour répandre les cendres de son ami, celui qui le renverra en écho à cette anse où il se reposait autrefois avec lui. Une manière de renouer les fils de son histoire, et de guérir cette vieille blessure qui, on le devine, a fini par tuer Vania. De reprendre le cours d'une vie emplie d'un enfant et de ses jeux.
Hubert Mingarelli offre à ses lecteurs le portrait de beaux personnages en quête d'eux-mêmes et de superbes paysages dans une langue sobre, épurée mais poétique et évocatrice. Le lire, c'est un peu entrer en ascèse. Il se passe peu de choses, il y a peu de mots, pas de lyrisme. Ce n'est pas nécessaire pour aller au fond des êtres et des choses. Hubert Mingarelli n'a pas besoin de grand chose pour faire voir et sentir les berges de la rivière, la sérénité et la peur qui se dégagent d'un lac la nuit, la douceur de la lumière filtrée par le feuillage des arbres, la douleur du souvenir et l'envie de vivre. C'est entre les mots, dans ce qui n'est pas écrit et qui n'a jamais été dit par Fedia et son ami que l'essentiel se joue et se laisse deviner.
C'est un roman, pudique, qui attrape mine de rien le lecteur dans ses filets et l'emmène faire un beau voyage immobile.
L'avis de Cathe, de Martine Laval.
Hubert Mingarelli, La promesse, Seuil, 2009, 3.5/5