Yaël a plus de trente ans, un métier, des envies. Elle veut écrire. Sa cousine lui suggère d’écrire un roman respectant les règles cardinales suivantes :
« Règle n°1 : Ne pas avoir peur de parler de transpiration et de poils sous les bras.
Règle n°2 : Situer le roman dans un milieu glamour (…).
Règle n°3 : Egrener quelques références littéraires au fil du texte (…).
Règle n°4 : Adopter le ton d’autodérision sympathique de la fille qui ne se prend pas au sérieux. »
De la chick-litt donc. Renseignements pris, Yaël décide qu’elle n’est pas la mieux armée pour se consacrer à ce genre littéraire. Après tout, elle ne sait pas s’habiller, se coiffer, sa vie sexuelle est cataclysmique, bref, les fées ont oublié le glamour et la passion quand elles se sont penchées sur son berceau. Mais qu’à cela ne tienne. Yaël a deux passions : Virginia Woolf et Keynes. Et elle va les faire se rejoindre en choisissant d’écrire sur Angelica Garnett, nièce de Virginia, filleule de Keynes, fille de Vanessa Bell.
Faisons un point rapide sur cette fascinante société qu’est celle de Bloomsbury : Vanessa Bell, sœur aînée de Virginia Woolf épouse Clive Bell, critique d’art qu’elle quitte pour le peintre bisexuel Duncan Grant et son amant David Garnett. Sa fille Angelica naîtra de sa liaison avec Grant. Elle épousera David Garnett.
Sachant que Keynes était également l’amant de Duncan Grant, vous devriez, comme moi commencer à comprendre la complexité des relations et des événements que Yaël Koppman décide de dépeindre. Avec talent d’ailleurs puisqu’on se passionne pour cette société de Bloomsbury. Seul problème, il est facile de se perdre dans les dédales relationnels décrits !!
Mais ce n’est pas forcément le plus intéressant. Au fur et à mesure de ses recherches, Yaël va découvrir que les relations d’Angelica avec sa mère Vanessa tendent un miroir à celles qu’elle a avec sa propre mère, soixante-huitarde qui a toujours refusé de lui révéler le nom de son père. Des relations névrotiques, porteuses de souffrance. Des relations d’attraction et de répulsion. D’amour et de haine. De jalousie aussi. Le passage où Yaël réagit de manière épidermique quand sa mère séduit son compagnon vaut son pesant de cacahuètes. A travers ses recherches, Yaël va apprendre à vivre par elle-même. Angelica, Yaël, deux manières de réagir face à ce lien si complexe qui lie une mère et sa fille.
La forme de journal intime, l’humour parfois désespéré dont fait preuve cette jeune femme quand elle dépeint sa vie intime, familiale et amicale font de ce roman un excellent divertissement, une gourmandise instructive et fraîche.
On sourit, on grince des dents, et on se reconnaît un peu dans les tribulations de cette jeune femme. Si Yaël ne sait pas écrire de chick-litt, Marianne Rubinstein en maîtrise les codes pour mieux les détourner et les utiliser en leur donnant de la profondeur. Après tout, avec comme point de départ une colocation avec un pote homo, une cousine plus jolie qui est la meilleure amie de l’héroïne, une histoire de coucherie avec un homme plus jeune, on pouvait craindre le pire !!
Et bien rassurez-vous, le pire n’arrive pas !! Le journal de Yaël Koppman est un excellent moment de lecture et de légèreté ! Qui vous apprendra en plus comment appliquer l es théories économiques au partage des tâches !
Les avis de Florinette, Yue Yin, Choupynette, Lou, ...
Marianne Rubinstein, Le journal de Yaël Koppmann, Sabine Wespieser, 217 p., 2007