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la musique ne pacifie pas toujours les moeurs

  • Le stradivarius caché

     

    En passant devant ce roman, mon oeil a été attiré par son titre, puis par le nom de son auteur qui me disait furieusement quelque chose. Et pour cause, puisque John Meade Falkner n'est autre que l'auteur du merveilleux Moonfleet que j'ai usé jusqu'à ce qu'il tombe en morceau quand j'étais adolescente (et même plus tard, que voulez-vous, je suis fidèle à mes premières amours): des contrebandiers, des aventures, des amours contrariées, de l'histoire, pensez donc! Tout ceci pour expliquer pourquoi diable je me suis jetée dessus sans retenue aucune et l'ai dévoré le temps de quelques trajets de métro manquant à plusieurs reprise de rater ma station, comme le veut la tradition de la LCA parisienne plongée dans un bon bouquin.

    Mais qu'est-ce que ça raconte tout ça allez-vous me demander sans doute et avec raison. Allons-y donc pour un résumé de l'intrigue: au cours de ses études à Oxford, le jeune lord Maltravers, musicien accompli, commence à entendre des bruits étranges et à voir un fantôme dès lors qu'avec son ami, il joue l'Aeropagita, pièce italienne du 18e siècle. Quelques temps plus tard, le spectre, un gentilhomme anglais, le mène vers la cachette d'un magnifique instrument: un merveilleux stradivarius. Mais cette découverte, loin d'être anodine, va le mener à sa perte.

     Autant le dire tout de suite, Le stradivarius caché est un roman furieusement de son temps, et pourtant abominablement passionnant. Les deux ne sont pas antinomiques, loin de là! Falkner trousse à merveille son histoire de fantôme, faisant monter l'angoisse et le suspense à mesure que l'étrange s'instille dans la vie de Maltravers. Peu de choses au départ: un fauteuil en rotin qui craque, la sensation d'une présence, une brume. Et puis, petit à petit, le roman bascule avec la découverte du Stradivarius. Pourtant, le fantastique n'est pas l'aspect principal du récit même s'il y tient une place importante, un violon maléfique n'étant pas après tout la base d'une banale histoire d'aventure. Ce n'est pas tant le fantôme et le violon qui sont au centre que la lente déchéance et la folie qui sont au bout de la route du héros et la manière dont son entourage a perçu cette histoire. Le narrateur est d'ailleurs la propre soeur de John Maltravers, Sophia, qui raconte à son neveu, héritier du titre, les mystérieuses circonstances dans lesquelles son père et sa mère sont morts. Son discours, qui ne rejette pas les phénomènes inexplicables dont elle a été témoin tout en les condamnant avec toute la force de la foi chrétienne qui est la sienne est contrebalancer par celui du deuxième tuteur du jeune lord, l'ami intime de Maltravers, lequel au contraire, malgré tout ce qu'il a vu et malgré les discours tenus au cours de sa jeunesse, tente de trouver une explication rationnelle à tout cela. Le tout donne un récit dont les rebondissements s'enchaînent sans temps morts malgré le style un peu "passé" de l'auteur et des réflexions sommes toutes très marquées par le christianisme et sa morale. Il est tout de même question au fond de la tentation et des risques qu'il y a à y céder et à vivre hors des chemins tracés par la tradition et la foi. Ceci étant dit, rien de cela ne gêne la lecture et c'est au final un roman court mais passionnant qui mérite d'être connu et qui donne une furieuse envie d'écouter cette Aréopagita.

     L'article de Mazel.

    John Meade Falkner, Le stradivarius caché, Rivages poche, 1995, 381 p. 3.5/5